LE CHIFFRE D’AFFAIRES MONDIAL
DU NARCOTRAFIC : MYTHES ET ERRANCES
 

Rappel

En 1993, le commerce international (échanges de biens réels) équivaut à peu près à 10 000 milliards de dollars (± 55 000 milliards de f. 93), moitié importation, moitié exportation. Au plan financier, 1000 milliards de dollars/jour s’échangent à la même époque sur les marchés (5500 milliards de f.93), soit ± 300 000 milliards de dollars/an (± 165 000 milliards de f.93). Cette année-là, les réserves totales des Etats se chiffrent à ±1200 milliards de dollars (6600 milliards de f.93), dont 300 en or (1650, en f.93). La Federal Reserve américaine, la Bundesbank, la Banque de France et la Banque de Chine détiennent ensemble ± 1000 milliard de dollars, soit une journée d’échanges mondiaux.
Le commerce international des stupéfiants constitue un marché. Hugues de Jouvenel le décrit ainsi dans le numéro spécial “économie politique de la drogue” de sa revue Futuribles   : “Un marché en expansion au nord comme au sud, à l’est comme à l’ouest. Un marché organisé, comme le recommandent aujourd’hui les meilleurs consultants en management, en réseau à l’échelle planétaire à partir d’unités éminemment flexibles; tissant au gré des circonstances des alliances aussi bien avec la pègre qu’avec l’ “establishment”. Tel est le marché des drogues illicites”.
 
 

Chiffres

Quelle est l’ampleur de ce marché ? Un premier réflexe de prudence amène à se méfier des chiffres mythiques, assénés pour impressionner le chaland, sans préciser le moins du monde s’il s’agit de prix de gros ou de détail, de chiffres d’affaires ou bien de bénéfices. Premier chiffre mythique : celui de 300 milliards de dollars (± 1971 milliards au taux de 6.57 ff pour US $ 1, donné dans l’introduction) qui apparaît initialement en 1987 lors d’une conférence de l’ONU. On le compare alors volontiers aux 300 milliards de dollars du chiffre d’affaires mondial de l’énergie - lui même fort sujet à caution selon les experts, qui ont le plus grand mal à y détecter les subventions, les productions d’énergie non marchandes, etc.
En 1988, l’ONU donne d’autres chiffres : le CA des opiacés (opium + héroïne, 3100 tonnes au total) serait de ± $ 70 milliards (± 460 milliards de f.) et celui de la cocaïne (430 T.) de ± $ 30 milliards (± 197 milliards de f.).
En 1989, pour l’ONU toujours, le CA mondial de la drogue, tous produits confondus, s’élève à $ 500 milliards (3285 milliards de f.). la même année, le Groupe d’Action Financière Internationale (GAFI), nouvellement créé, fait ses propres estimations : pour l’Europe occidentale et les Etats-Unis, toutes drogues confondues, le CA est de $ 122 milliards (± 801 milliards de f.), dont 85 milliards de dollars (± 558 milliards de f.) recyclés dans l’économie-monde. Ces investissements procurant aux narcos un rendement de $ 230 000 (± 1,511 million de f.) à la minute. Sur ce chiffre d’affaires total, la cocaïne représenterait ± 178 milliards de f. et l’héroïne, 62 milliards de f.
En 1990 diverses sources américaines (commission du Sénat, départements ministériels) tentent d’estimer le CA de leur marché intérieur de la drogue : les chiffres vont de $ 40 (± 263 milliards de f.) à 140 (± 920 milliards de f.) milliards.
En 1991, Le Sénat américain fait toujours circuler le chiffre de $ 300 milliards pour le CA mondial du narcotrafic et l’explique comme suit : les quantités estimées de production d’héroïne, cocaïne, cannabis, amphétamines, etc. dans le monde entier, multipliées par le prix de vente au détail de la consommation d’une année dans les grands pays développés d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Asie-Pacifique). Part des seuls Etats-Unis : $ 100 milliards (657 milliards de f.). mais cette année-là, le GAFI estime que ce CA mondial (prix de détail) est de l’ordre de $ 600-800 milliards (3942/5256 milliards de f.)
En 1992, le CA minimal de l’héroïne et de la cocaïne est estimé à $ 150 milliards, gros et demi-gros, par une commission parlementaire US (± 900 milliards de f.92).
En 1993, le GAFI donne le chiffre de 1500 milliards de f. pour le CA mondial du narcotrafic, dégageant un profit de 150 milliards de f. Ce qui ferait de cette “industrie” le second marché au monde, après celui de l’armement mais devant celui du pétrole.
Dernières données disponibles : celles du GAFI en juin 1994 : elles donnent cette fois-ci le chiffre de 1600 milliards de f. pour le narcotrafic mondial.
 
 

Europe : certitudes minimales et extrapolations

La centrale des stupéfiants de la police des Pays-Bas a fait en 1989 une étude approfondie sur le marché des narcotiques dans le pays, à partir de saisies opérées, des estimations recoupées du trafic et des prix de vente connus. Nous la reprenons ici en ayant fixé à 3ff. la valeur du Florin néerlandais :
 

Produit
CA minimum 
CA probable 
(*)
CA possible (**)
Héroïne 918 millions f. 
459 millions f. (§)
2, 9 milliards f. 
1,4 milliard f.
7,7 milliards f. 
3,8 milliards f.
Cocaïne 1,2 milliard f. 
594 millions f.
2,5 milliard f. 
1,2 milliard f.
6,5 milliard f. 
3,2 milliard f.
Total 2,11 milliards f. 
1,05 milliard f.
5,4 milliards f. 
2,6 milliards f.
14,2 milliards f. 
7 milliards f.

(*) = “chiffre noir” moyen
(**) = “chiffre noir” fort
(§) = à la ligne inférieure, les profits estimés du trafic
Il y a 15 millions d’habitants aux Pays-Bas. En prenant le CA minimum, dont on est sûr qu’il n’exagère pas la réalité, le trafic d’héroïne + cocaïne représente 140 f. par néerlandais. Si l’on applique ce chiffre aux 270 millions d’habitants de l’Europe de Schengen, le CA minimal du narcotrafic y était de ± 38 milliards de f. en 1989.

 
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