MACEDOINE-SKOPJE (1)

Sortie de l’Empire Ottoman en 1913, à la fin de la seconde Guerre des Balkans, la Macédoine a alors été divisée entre la Grèce, la Bulgarie et la Yougoslavie; elle n’a jamais été réunifiée depuis. L’ex-république de Macédoine de la RSFY a une superficie de - 25 720 km2; capitale Skopje. Ses voisins sont l’Albanie, la Serbie (dont le Kossovo) la Bulgarie et la Grèce. Elle est peuplée de - 2,3 millions d’habitants. Les Macédoniens y constituent - 65% de la population. D’origine slave, de confession chrétienne-orthodoxe, ils parlent pour la plupart le dialecte de la région de Bitola-Veles, proche de la langue bulgare, le seul qu’on enseigne désormais.

Les minorités en Macédoine-Skopje

Une forte minorité d’Albanais (musulmans pour la plupart), réside à l’ouest du pays, le long des frontières du Kossovo et de l’Albanie. Les autorités de Skopje l’estiment à - 400 000 personnes; mais celles de Tirana à plus de 650 000. Le 5 avril 1992, les Albanais de Macédoine-Skopje ont proclamé une “République autonome d’Illyrie” sur la portion du pays où ils sont majoritaires.
On trouve également en Macédoine-Skopje :

. - 60 000 Roms (Gitans); c’est une partie de cette communauté qui s’est, un beau matin, découverte “égyptienne”. Les Roms sont pour partie orthodoxes, pour partie musulmans,

. - 80 à 100 000 “Musulmans”, turcs en majorité, mais aussi pomaks,

. - 45 000 Serbes (orthodoxes) implantés dans la région de Kumanovo, au nord-est du pays,
. et quelques milliers de Valaques, roumanophones et orthodoxes.

L’indépendance et la vie politique de la Macédoine-Skopje

Dès octobre 1989, les manifestations d’un nationalisme macédonien renaissant étaient perceptibles à Skopje. En octobre par exemple, lors des matches de l’équipe de football locale, le “Vardar”, les slogans des supporters étaient “Solun - Salonique en langue macédonienne - est à nous !”, “Vive la Macédoine réunifiée !”. Des slogans analogues étant peints sur les murs de la ville.

Février 1990 : fondation du “Mouvement pour l’action Pan-Macédonienne”, le MAAK, qui regroupe, autour du poète Ante Popovski, des écrivains et autres membres de l’intelligentsia. Le 20 du mois, au moment où le premier ministre grec Constantin Mitsotakis se rend en visite officielle à Belgrade, manifestation de masse à Skopje pour protester contre l’oppression dont souffrent les Macédoniens de Bulgarie, de Grèce et d’Albanie.

Juin 1990 : congrès fondateur, à Skopje, du “Parti de l’unité nationale macédonienne-Organisation révolution-naire intérieure macédonienne”, PUNM-VMRO, qui reprend ainsi dans sa dénomination officielle le sigle de l'ORIM, (initiales en macédonien : VMRO)(2)   mouvement fondé à la fin du XIXème siècle pour libérer les Macédoniens de la tutelle ottomane, mais devenu, dès le début du XXème, le groupe terroriste le plus redoutable de toute l’Europe. Le congrès se tient en présence de délégués de la diaspora macédonienne, venus des Etats-Unis, du Canada, de Bulgarie et d’Australie. Ljupco Georgijevski, président du nouveau parti, y jure de s’inspirer des idéaux de l’Ilinden et de la “République de Krushevo”; ainsi que de combattre “pour que tous les libres Macédoniens soient réunis dans un Etat macédonien”(3)
 
Juillet 1990 : le MAAK annonce avoir noué des contacts avec les nationalistes macédoniens bulgares du “Mouve-ment de l’Ilinden “.

Août 1990 : création du “Parti pour l’émancipation totale des Roms”; président : Abdi Faïk.

Novembre 1990 : aux élections législatives, le Front de l’unité nationale macédonienne (PUNM-VMROEMAAK) remporte 37 sièges - sur 120 - ; l’ex-PC de Macédoine, 31 sièges et le Parti de la Prospérité Démocratique (PDP, albanais-musulman), 23.

Janvier 1991 : Kiro Gligorov est élu président de la République. Scission au sein du PUNM-VMRO; une minorité quitte le mouvement, derrièreVladimir Golubovski.

Juillet 1991 : les Roms se proclament une “nation”.

Septembre 1991 : le 8, référendum d’indépendance : 95% de oui; l’indépendance est proclamée le 15.

Novembre 1991 : adoption d’une Constitution.

Février 1992 : la Grèce se mobilise contre ce qu’elle appelle l’ ”usurpation” du nom de la Macédoine par Skopje; manifestation d’union nationale de près d’un million de personnes à Salonique, capitale de la Macédoine grecque, en présence de tous les partis politiques et des dignitaires de l’église orthodoxe.

Mars 1992 : pour sa première visite d’Etat à l’étranger, Kiro Gligorov se rend en Turquie, l’un des premiers pays à avoir reconnu la Macédoine-Skopje, avec la Bulgarie, la Slovénie, la Croatie et la
Bosnie-Herzégovine.

Juin 1992 : la Macédoine refuse de changer de nom, comme la CEE le lui demande.

Juillet 1992 : près de 100 000 personnes manifestent à Skopje pour protester contre le refus de reconnaissance de la CEE. Le gouvernement de Nicolas Kljusev est renversé en raison de son incapacité à faire reconnaître la Macédoine-Skopje par la CEE. Il est remplacé par Peter Gosev, un ex-communiste, qui dirige une coalition comprenant l'ex-PC et le PDP albanais. Le VMRO, principal parti macédonien (31% des voix; 37 sièges sur 120 au Parlement) est rejeté dans l'opposition.

Août 1992 : la Macédoine est désormais reconnue par la Bulgarie, la Turquie (mais sans échange d'ambassadeurs), la Slovénie, la Croatie, la Russie, la Biélorussie, les Philippines et la Lituanie. La Grèce se dote d'un Macé-donien comme ministre des Affaires étrangères, Michel Papaconstandinou, expert ès-hellénité de la Macédoine. Le Parlement macédonien adopte comme emblème le soleil à 16 rayons, symbole de la Macédoine de Philippe II et d'Alexandre le Grand. Un geste que même les amis de la Macédoine-Skopje considèrent comme une inutile provocation vis-à-vis des Grecs.

Septembre 1992 : suite à une nouvelle crise politique, un nouveau Premier ministre, Branko Crvenkovski, 29 ans, est installé. Il s’appuie sur une coalition entre l’Union social-démocrate (ex-Ligne des communistes de Macédoine), l’Alliance réformiste (libéraux) et le PPD albanais; les nationalistes du VMRO restent dans l’opposition.

. Des incidents armés sporadiques se multiplient à la frontière albano-macédonienne; plusieurs morts lors de  franchissements illégaux.

. Les Grecs, qui mènent un blocus de facto en rejetant toute marchandise ou tout document portant la mention “République de Macédoine” font une démonstration de force régionale en organisant à la frontière de la Macé-doine-Skopje les grandes man£uvres militaires “Philippe de Macédoine” (5 000 hommes, 160 blindés, aviation de combat)(4)

L’épineux problème de la reconnaissance internationale

Depuis la mort de Tito, la Grèce redoutait un éclatement de la Yougoslavie et l’apparition d’une république indépendante de Macédoine à sa frontière nord. Dès 1991, Athènes a formellement exclu de reconnaître une république ayant Skopje pour capitale et qui porterait le nom de Macédoine.
A l’échelle internationale, les chancelleries savent bien que ce qu’on appelle par euphémisme la “question macédonienne” a provoqué, entre la fin du XIXème siècle et 1940 toute une série de crises, d’abord; des massacres abominables ensuite, puis deux guerres régionales sanglantes et enfin une formidable vague de terrorisme. D’où la prudence de la CEE qui, malgré l’avis favorable de la Commission Badinter du 11 janvier 1992, a finalement accédé aux demandes de la Grèce et décidé, le 3 mai 1992, de ne reconnaître la Macédoine-Skopje que si celle-ci se dotait d’un nom acceptable par ses 12 membres. Mesure immédiatement rejetée par Skopje.

Cette attitude de la Grèce et des 12 exaspère aussi bien les Américains que les Russes : début avril, un porte-parole du Département d’Etat a déclaré : “Au vu des inquiétudes exprimées par notre amie et alliée la Grèce, nous avons demandé et obtenu du président macédonien l’assurance que la Macédoine n’a aucune revendication territoriale envers les Etats voisins et considère les frontières de ces Etats comme inviolables”. Visitant la Bulgarie le 4 août 1992, Boris Yeltsine a pour sa part annoncé que la Russie allait “reconnaître immédiatement l’indépendance de la Macédoine, dont le peuple est le seul à avoir le droit de choisir son nom” et demandé à la Communauté européenne de faire de même(5).

A l'étude durant l'été 1992, une formule consistant à utiliser le nom de “Macédoine” au niveau national et, dans les enceintes internationales comme l'ONU, celui de “République du Vardar” semble avoir peu de chance de succès.

Minorités macédoniennes hors de la Macédoine-Skopje

Dès les années 60, une agitation nationaliste macédonienne existait dans la Macédoine bulgare - appelée la Macédoine-Pirin - et des “groupes sécessionnistes” étaient sévèrement condamnés pour “agitation et propagande hostile à l’Etat” et “participation à groupe illégal” par les tribunaux de l’Etat communiste. Des déplacements autoritaires de communautés macédoniennes du Pirin vers d’autres régions du pays sont même réalisés à cette époque.

 En novembre 1989 se crée à Sofia l’ ”Organisation macédonienne indépendante de l’Ilinden”, OMII. Ce qui n’empêche pas tous les dirigeants des grands partis -Forces démocratiques, ex-communistes, agrariens- de déclarer en février 1990 qu’il n’y avait pas de “problème macédonien” dans la Bulgarie désormais démocratique et que les Macédoniens étaient en fait des Bulgares. Mais, le 11 mars, l’OMII tient meeting à Sofia dans une salle que décore une banderole portant ces mots : “La Macédoine unie, une garantie pour la paix”, slogan qui constitue quand même la galéjade de la décennie. En avril, l’OMII prend le nom d’ “Organisation macédonienne unifiée-Ilinden” et crée des sections locales à travers le pays. En mai, apparaît un “Comité de solidarité et de lutte des macédoniens du Pirin” demandant par voie de communiqué “la réunification avec [ses] frères grecs macédoniens”, alors que le gouvernement dissout l’OMU-Ilinden. En juin, Georgi-Angelov Solunski, dirigeant de l’OMU-Ilinden à Sofia, entame avec d’autres cadres du mouvement une grève de la faim pour protester contre cette interdiction. Depuis, des dirigeants nationaux de l’ex-OMU-Ilinden comme Atanas Kiryakov ou Stojan Georgiev sont persécutés et privés de leurs passeports. Le raidissement du pouvoir Bulgare a contraint les nationalistes de la Macédoine-Pirin à plus de discrétion, mais, selon des sources locales, leur activité se poursuit de façon souterraine.

Il n’existe plus de mouvement séparatiste macédonien organisé en Grèce; Il y a eu en 1946 une agitation communiste en Macédoine-Egée, sur le thème du rattachement à la Macédoine yougoslave, mais elle a pris fin avec la guerre civile. Reste une petite minorité de Macédoniens grecs nationalistes, émigrée en Amérique du nord ou en Australie.

(1) Voir p..125 “La Macédoine, un Kurdistan en Europe.?”
(2) Sur l’histoire détaillée de l’ORIM, voir p.125 “La Macédoine, un Kurdistan en Europe.?” et l’annexe
(3) Sur l’Ilinden, jour de la Saint-Elie, sacré pour les Macédoniens et la République de Krushevo, voir ci-après
(4) L’armée grecque compte 165 000 hommes dont 100 000 conscrits
(5) Selon l'agence de presse yougoslave Tanjug, la Russie, représentée par Vitali Tchourkine, vice-ministre des Affaires étrangères, aurait reconnu la Macédoine-Skopje le 5 août 1992. Athènes a dénoncé cette mesure comme “inamicale” et une “menace pour la paix et la stabilité des Balkans”.

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