Les Portraits
 

STEFANO DELLE CHIAIE

Considéré par la presse italienne -de façon un peu mélodramatique- comme le “cerveau” du terrorisme noir italien, Stefano Delle Chiaie, un petit homme trapu né en 1936, adhère très jeune au MSI et devient vite le secrétaire de la section “missini” du quartier Appio, à Rome. En 1958, il quitte le MSI pour Ordine Nuovo. En 1963, il fonde Avanguardia Nazionale qui recrute ses premiers militants au MSI aussi bien qu’à Ordine Nuovo. Après un parcours activiste, mais légal -en apparence du moins- il s’enfuit d’Italie en juillet 1970, alors que la police italienne s’intéresse à sa participation éventuelle à l’ “attentat anarchiste” de la piazza Fontana, à Milan, en décembre 1969. Jusqu’en 1975, année de la mort du général Franco, Delle Chiaie réside principalement en Espagne, où il participe aux activités du “Bataillon Basque Espagnol”, un ancêtre direct des “Groupes Antiterroristes de Libération”, GAL.

Après 1975, Delle Chiaie poursuit sa cavale en Amérique Latine. On le signale en Argentine, au Chili, En Bolivie. Dans ce dernier pays, il est lié au général-dictateur Luis Garcia Mesa, auteur d’un coup d’Etat en juillet 1980 et à son ministre de l’Intérieur, le colonel Luis Arce Gomez. Entre 1980 et 82, année où la Bolivie retrouve un gouvernement civil, Delle Chiaie et son lieutenant Pier-Luigi Paglai travaillent pour les services spéciaux boliviens : intimidation et trafics divers -notamment de la cocaïne. Leur base est à Santa-Cruz, dans la partie méridionale de la Bolivie, toute proche du Brésil. En 1982, les SR italiens manquent de peu son arrestation dans cette région; Pier-Luigi Paglai, lui, est grièvement blessé dans l’opération et arrêté.

Au cours des années 80, Delle Chiaie est successivement inculpé dans toutes les grans attentats-massacres : Piazza Fontana, Italicus, gare de Bologne; ainsi que dans le “Golpe Borghese” et pour l’assassinat du juge Occorsio.

Le 27 mars 1987, après 17 ans de cavale, Stefano Delle Chiaie est arrêté à Caracas, Venezuela, et transféré à Rome. Il est libéré au début de l’été 1991, après avoir été acquitté -premiere instance, appel- dans toutes les affaires ci-dessus évoquées. Motif unique : absence de preuves. En août 1991, Delle Chiaie a fondé la Ligue National-Populaire, LNP, dont le siège est à Rome, place Tuscolo. un mouvement de la droite dure, bien sûr, mais dont la stratégie est électorale. Pour sa propagande, la LNP dispose d’une télévision locale, à Rome, et d’une agence de presse, “Publicondor”.

GORGIO FRANCO FREDA

Proche à l’origine de “Jeune Europe”  , G. F. Freda est l’un des idéologues du courant que la presse de la péninsule appelle par dérision “nazi-maoïste”. Dès 1969, dans sa ville de Padoue, Freda est, avec le groupe maoïste “Potere operaïo” et en présence d’envoyés du Fatah, l’organisateur de la première grande manifestation pro-palestinienne jamais réunie en Italie. Fondateur des “Editions du AR”, Freda a notamment publié le livre vert du colonel Kadhafi. Freda, qui a passé une bonne partie de ces vingt dernières années en prison pour “conspiration politique” -un chef d’inculpation aussi flou que commode- s’enfuit d’Italie à l’automne de 1978 alors qu’il est inculpé dans l’affaire de la piazza Fontana, à Milan (voir p...). Il est arrêté au Costa-Rica en août 1979 et extradé vers l’Italie. Il est finalement libéré au début de l’année 1986, après une campagne de presse organisée en sa faveur par l’éditeur nationaliste-révolutionnaire Jean-Gilles Malliarakis (“Giorgio Freda, l’éditeur emprisonné”, Librairie Française, septembre 1985)

CLAUDIO MUTTI

L’itinéraire de Claudio Mutti est révélateur du climat de confusion intellectuelle -on est tenté de dire confusion mentale- dans lequel évoluent la plupart des groupes extrémistes italiens. Lycéen Mutti milite à “Jeune Europe" (1); il collabore également à la revue “La Nation Européenne”, selon ses propres termes “l’organe d’un paneuropéisme anti-atlantique solidaire des mouvements de libération”. Brillant étudiant, il enseigne bient»t la philologie hongroise et roumaine à l’Université de Bologne. Entre 1970 et 72, il anime un mouvement “nazi-maoïste” nommé “Organisation Lutte du Peuple”, OLP. Il préside ensuite l’association de solidarité Italie-Libye. En 1977, il se convertit à l’Islam et devient “Omar Amin”; il se rallie deux ans plus tard à la révolution islamique d’Iran. En 1980 -toujours musulman- il n’en est pas moins proche de “Terza Posizione”, ce qui lui vaut de passer une bonne partie de l’été et de l’automne 80 en prison, suite à l’attentat de la gare de Bologne. En 1985, il fonde à Rome une maison d’édition “All’insegna del’Veltro”. Il a traduit en italien de nombreux textes de la Garde de fer roumaine et publié en 1979 une anthologie de textes ésotériques islamiques “La via del cuore”. Deux de ses livres ont été publiés en français : “Le symbolisme dans la fable (Guy Trédaniel, 1979) et “Symbolisme et art sacré en Italie” (Archè, 1980).

ALDO SEMERARI

Professeur de psychiatrie fort connu, titulaire de la chaire d’anthropologie criminelle à l’Université de Rome et expert auprès des tribunaux, Aldo Semerari est aussi l’un des inspirateurs intellectuels des courants néo-fascistes radicaux. Cela lui vaut d’être pris dans la grande rafle qui suit le massacre de la gare de Bologne (août 1980) et de rester en prison jusqu’au printemps de l’année suivante. En avril 82, son corps décapité est retrouvé près de Naples, sur le territoire d’un des chefs de la mafia napolitaine, la Camorra. Le même jour, sa secrétaire est retrouvée “suicidée” dans son appartement romain. Une affaire non élucidée à ce jour, mais qui montre bien les liens secrets qui unissent -ou ont uni à une certaine époque- certains personnages de la scène néo-fasciste radicale et la grande criminalité organisée de type mafieux.
 
 

PAOLO SIGNORELLI

Militant néo-fasciste de toujours, Signorelli suit un parcours classique : adhésion au MSI, sympathies pour sa tendance radicale, départ pour Ordine Nuovo. Simultanément, il poursuit sa carrière d’enseignant dans le secondaire : il est professeur de philosophie et d’histoire, à Rome. Théoricien du nationalisme révolutionnaire, Signorelli est l’inspirateur intellectuel des Noyaux Armés Révolutionnaires. A ce titre il est incarcéré après le massacre de la gare de Bologne et le reste la plupart du temps jusqu’en 1987. Partie-prenante dans tous les procès concernant les attentats-massacres attribués aux néo-fascistes, Signorelli a déjà été condamné trois fois à la prison à perpétuité. Des jugements qui ont tous été annulés en appel ou en cassation.

MARIO TUTTI

Delle Chiaie est la première grande figure mythique du néo-fascisme radical de l’Italie contemporaine; Mario Tutti, longtemps dirigeant d’Ordine nuovo en Toscane, est la seconde. Né en 1947, Toscan, géomètre de profession, marié et père de deux enfants, Tutti est -selon la justice italienne- partie prenante dans la plupart des massacres ferroviaires et l’un des interlocuteurs favoris des chefs de la loge P.2 (voir “complots” p...). Après les deux attentats de Brescia et de l’Italicus (voir p... et...), deux carabiniers se présentent en janvier 1975 à son domicile, à Empoli, non loin de Florence, pour l’entendre : il les abat tous les deux et plonge dans la clandestinité. Le 27 juillet de la même année, il est arrêté à Saint-Raphaël, en France, et extradé. Il est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité l’année suivante pour le double meurtre. En prison, il étrangle en août 1981 Ermano Buzzi, un autre néo-fasciste qui s’apprêtait à faire des révélations sur le massacre de Brescia. En 1983, au procès en première instance de l’attentat contre l’Italicus, Tutti est acquitté faute de preuves; en appel (1986) il est condamné à la réclusion à perpétuité. En avril 1991, nouveau procès pour l’attentat contre l’Italicus : Tutti est à nouveau acquitté. En prison, il réalise avec G. F. Freda une revue théorique nationaliste-révolutionnaire intitulée “Quex”.

(1) T&VP N° 1, avril 1991, pp. 35 et suiv

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