INTRODUCTION

Depuis le début des années 1960, la France a été durement frappée par des actions terroristes toutes plus meurtrières les unes que les autres. Ces actes avaient des origines très diverses : décolonisation (OAS, FLN), extrême-gauche activiste (Action Directe), problème corse, question de la Nouvelle Calédonie mais également terrorisme palestinien laïc ou encore les actions relatives à la situation arménienne. En bref, la France a connu le terrorisme à travers les terrorismes les plus divers.

Cependant, depuis le milieu des années 1990, une tendance lourde se dessine : le danger le plus actuel prend la forme du terrorisme islamiste et plus particulièrement le terrorisme des courants extrémistes d'origine sunnite. Le détournement de l'Airbus de la compagnie Air-France, à Alger, le 24 décembre 1994 marque un tournant. Ceci est confirmé par la campagne d'attentats de l'été 1995. Ces actions entreprises par le Groupe Islamique Armé (GIA) algérien, même si elles s'inscrivent dans le cadre d'une relation historique particulière entre les deux pays, reflètent une réalité : la France est une des principales cibles pour mener le « Jihad », entendu comme guerre sainte menée contre les Etats et les populations impies.

Tout cela prendra une dimension nouvelle après les attentats perpétrés à New York et Washington le 11 septembre 20011.

Toutefois, pour comprendre ces phénomènes, il est nécessaire d'étudier l'environnement qui rend possible ou même favorise de telles actions. L'exemple des attentats de 1995 est là pour nous le rappeler : la plupart des exécutants étaient de jeunes français fraîchement convertis et totalement « hypnotisés » par des messages radicaux.

Se pose alors une question préliminaire mais fondamentale à savoir la terminologie à employer au cours de cette étude. Pour ce faire, nous utiliserons, en partie, les définitions issues du Petit Robert.

L'islam est la religion prêchée par Mahomet et fondée sur le Coran. Elle repose sur cinq piliers : la profession de foi (chahâda), les cinq prières quotidiennes (salat), le jeûne (saum), l'aumône légale (zakat) et le pèlerinage à La Mecque (hajj).

L'islamisme s'entend d'un mouvement religieux et politique. Ce concept désigne donc l'utilisation politique de l'islam.

Le fondamentalisme n'inclut pas cette dimension politique. Il s'agit d'un retour aux textes fondateurs de l'islam. Le fondamentalisme peut basculer dans l'islamisme quand il est utilisé comme idéologie afin d'imposer à une société et à un Etat le modèle rigoureux de l'islam originel.

On emploiera également l'expression islamisme radical, expression consacrée par l'islamologue Bruno Etienne2, désignant un islamisme usant de moyens énergiques et efficaces pour arriver à ses fins. Toutefois, nous ne l'utiliserons ici que dans le cadre des messages propagés et des idées véhiculées.

Le passage à l'action criminelle sera quant à lui désigné par le terme d'activisme.

Au cours de cette étude, nous allons tenter de cerner la place qu'occupe l'islamisme radical et l'activisme islamiste en France.

On se concentrera sur les zones en proie à des difficultés socio-économiques que sont les « banlieues » mais également les prisons ou même les hôpitaux.

L'objectif sera de mettre en avant et d'expliciter les processus de propagation et l'impact des messages islamistes radicaux ainsi que les déviances criminelles pouvant en résulter. Ceci nous permettra de réfléchir sur un phénomène mêlant idéologie religieuse extrémiste et criminalité de droit commun.

Bien entendu, il faudra toujours garder à l'esprit la relative « faiblesse » des moyens à notre disposition dans le cadre de cette démarche. Ceci nous obligera à ne jamais aller trop loin dans le processus de théorisation des phénomènes observés. Cette limite fondamentale est à souligner et à retenir.

La méthode employée reposera sur l'exploitation de trois types de sources :

Cette étude se décomposera en trois parties distinctes. Tout d'abord, un rappel des précédents historiques (affaire Chalabi, affaire de Marrakech et affaire Kelkal) (chapitre 1). Ensuite, nous exposerons le danger des messages radicaux dans un contexte « d'ultra-réceptivité » (chapitre 2). Enfin, nous tenterons de mettre en exergue les passages à l'acte potentiels (chapitre 3).

Remarque importante : l'orthographe des mots et des noms d'origine arabe est phonétique, donc parfois incertaine.

 

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1 Mardi 11 septembre 2001, 8h45 (heure locale, c'est à dire heure de Paris moins six heures) : le vol 11 d'America Airlines percute la tour nord du World Trade Center sur l'île de Manhattan, en plein centre de New-York. 9h03 : le vol 175 de United Airlines s'écrase contre la tour sud du World Trade Center. 9h43 : le vol 77 de United Airlines s'écrase sur le Pentagone à Washington. 10h05 : la tour sud du World Trade Center s'effondre. 10h10 : le vol 93 de United Airlines s'écrase à 130 km de Pittsburgh (Pennsylvanie).10h28 : la tour nord du World Trade Center s'effondre. 15h35 : « le groupe d'Oussama Ben Laden est soupçonné d'être impliqué dans ces attentats », déclare un responsable américain sous couvert de l'anonymat.

2 « L'islamisme radical », Bruno Etienne, Hachette, 1987.