Diffamations, provocations relatives à la haine raciale, appel aux meurtres
Ces questions complexes
et graves ne peuvent être traitées ici à leurs justes
valeurs , elles méritent un développement . Nous n'évoquerons
ces problèmes que très brièvement notamment un des
aspects inquiétants : la facilité de propagation des propos
de provocation à la personne humaine, à la haine raciale
sur Internet112.
A partir d'un ordinateur personnel , un adulte et même un enfant
peuvent se connecter sur Internet et découvrir des sites d'insultes
,d'appel aux meurtres et des menaces de toutes sortes .
Ces phénomènes
étaient bien évidemment existant auparavant mais depuis l'expansion
de ce média , les personnes exposent leurs hargnes, leurs biles
, leur pulsions négatives sans éprouver le besoin de se cacher
. « Il est difficile de comptabiliser avec exactitude le nombre de
sites extrémistes . Fin 1997, nous en avions recensé 600
, essentiellement sur les Etats-Unis et l'Europe. L'année dernière,
ils étaient plus de 2000. Beaucoup ne sont pas référencés
car rédigés dans des langues que nous ne maîtrisons
pas »113
.
D'autres changent d'adresse pour éviter les poursuites.114 La question lancinante d'Internet, est d'agir sur les dérives et les excès , tout en préservant la liberté d'expression.
Le droit peut-il s'appliquer de la même façon que sur les anciens supports et en cas de diffamation qui peut-être considéré comme responsable ?.
Dans un premier temps,
les juges pour lutter contre ce fléau, considéraient Internet
comme un moyen de communication assimilable à la presse et faisaient
référence à la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté
de la presse et des infractions commises par voie de presse ( diffamation,
provocation à la haine raciale) .Mais , très vite deux problèmes
majeurs se sont posés .D'une part, cette loi indique que le délai
de prescription du délit doit être comptabilisé à
partir de la première publication ou diffusion. Après ce
délai , aucune poursuite ne pourra être engagée. Sur
Internet , il est difficile de déterminer une première diffusion
. Les sites peuvent changer d'adresse, se volatiliser.
D'autre part, il faut
identifier sur Internet , la correspondance privée de la communication
publique. La question de la séparation des domaines est inextricable
sur Internet. Si un internaute diffuse des propos diffamatoires sur un
forum de discussion d'un « newsgroup » ou s'il envoie un «
mailing list » , une liste de diffusion d'Email s'agit-il encore
de correspondance privée ? Il faut adapter les principes de la loi
au caractère technique d'Internet . Les jurisprudences se succèdent.
La cour d'appel de Paris a rendu le 15 décembre 1999 une décision
après une plainte de l'UEJF115
« la publication résulte de la volonté renouvelée
de l'émetteur qui place le message sur un site, choisit de l'y maintenir
ou de l'en retirer comme bon lui semble ; l'acte de publication devient
ainsi continu . Ainsi, tant qu'un message est disponible sur un site et
tant qu'il n'a pas été retiré, la prescription de
trois mois ne commence pas à courir, puisque l'émetteur ,
qui maintient le message accessible , marque par sa volonté sans
cesse renouvelée de commettre l'infraction. »116
La question de la responsabilité des hébergeurs a mobilisé
les acteurs de l'Internet . Les tribunaux ont été saisis
( affaires Altern org, Multimania, Yahoo)en 1999 /2000. La loi du 1er
Août 2000 n'identifie pas les niveaux de responsabilité mais
permet de remonter aux acteurs de ces diffamations. En effet, depuis le
1 Août 2000 ( article 49-3 de la loi), l'hebergeur d'un site Internet
est tenu de préserver et de conserver les données permettant
d'identifier l'auteur d'un site de diffamation .L'hébergeur doit
collaborer avec la justice . Mais cette loi n'est valable que sur le territoire
national , et souvent les sites se servent du flou juridique en la matière
de certains pays pour se délocaliser. Entre décembre et février
2000, les appels aux meurtres se sont multipliés sur le net . L'absurde
et l'horreur peuvent être associés sur Internet . En effet,
un suicide conjoint a été planifié sur un forum via
Internet .Un norvégien et une autrichienne se sont jetés
du haut d'une falaise en Norvège, en février 2000, après
avoir discuté et décidé de mettre fin a leurs jours
ensemble. Une autre adolescente Norvégienne s'était aussi
portée candidate et avait finalement renoncé. Les forums
peuvent être des lieux clos avec de effets d'entraînement dangereux
pour des personnalités fragiles .
Un site en hébreu a appelé au meurtre du premier ministre israélien Ehud Barak. Le site est signé par un jeune israélien qui dément et qui a porté plainte pour usage abusif de son nom . Une enquête pour incitation au meurtre est en cours. Qui est l'auteur du site ?
En Iran , une collecte de fond par le biais d'Internet en décembre 1999 devait être lancée pour appliquer la Fatwa contre Salman Rushdie 117. Internet permet de lancer un appel au meurtre , de le financer et il est possible aussi de trouver les spécialistes pour exécuter la mise à mort . En février 2000, la police sud-coréenne a découvert un site « Kill2you » qui propose la location de tueurs . D'après la dépêche de l'AFP118, le site de tueur est relié au portail américain Tripod, une branche du moteur de recherche Lycos . Tripod n'est pas disposé à communiquer d'informations, voulant garantir la protection de ces clients .
Ces tueurs professionnels sont censés être actif au Japon, en Corée et aux Etats-Unis . La phrase introductive du site est éloquente : « Venez vers nous si quelqu'un vous embête . Nous ferons tout ce que nos clients veulent . Si vous voulez nous sommes prêts à tuer ». Ce site peut se révéler une supercherie , une provocation comme étant tout aussi bien une vitrine d'une organisation .Mais le mélange des genres est une pratique insidieuse et usitée sur Internet .
Ainsi, en Octobre 2000,
le président du Budenstag119,
Wolfgang Thierse a dénoncé l'utilisation de jeux vidéo
sur Internet qui stimulent la haine et la volonté de meurtre de
personnes de couleur et de juif . En effet, le jeu « Ego-Shooter
»qui est proposé sur un site néo-nazis ,simule des
actions violentes et le meurtre de juif et de personnes de couleur.
112Les acteurs et les groupes extrémistes sont traités dans la deuxième partie (II les cybercommunautés)
113Interview de Marc Knobel, chargé de recherche au Centre S.Wiensenthal et membre de la Licra, dans Web Magazine, Avril 2000. Le centre Simon Wiensenthal se consacre à la mémoire de l'Holocauste et à la vigilance contre toute forme d'atteinte aux droits de l'homme et au peuple juif . Le centre se trouve au Etats-Unis, à Los Angeles. Le centre peut compter sur la vigilance de ses 400 000 adhérents et des permanents au centre.
114Les estimations sont en 2000 de au moins 4000 sites antisémites, négationistes et racistes .
115Union des étudiants juifs de France
116Alain Hazan, Quel délai de prescription pour la diffamation sur Internet, Le Monde Interactif, 9 février 2000, p4
117Nous n'avons pas pu identifier le site de fatwa.
118L'Agence France Press « la police sud-coréenne enquête sur un site tueur à louer ».
119Chambre
basse du parlement allemand.