Le net et les activités criminelles liées au commerce du corps et de la personne humaine
_Sexe. Com
L'industrie du sexe, tout comme l'intrusion et le sabotage sur le net , ne doit pas être systématiquement associé au crime organisé. Mais cette industrie florissante a toujours été un des fleurons des mafias( de fort profit pour une économie souterraine et payée en cash, une dépendance des personnes utilisés). Le chiffre d'affaire estimé de l'industrie du porno dans le monde en 1999 serait de 10 milliards de dollars. Le cybersexe , encore novice dans cet univers se taille une part conséquente du gâteau , soit 2 milliards de dollars et 200 millions pour la France 38Le sexe est la poule aux oeufs d'or du net ( 70 % des revenus du commerce électronique) : « Première source de connexion du net, le sexe fait exploser les compteurs : plus de trois internautes sur quatre- 87 % des Américains, et plus de 50 % en France- se sont connectés, au moins une fois dans l'année, sur un site pornographique.
Et le phénomène ne cesse de faire des émules. En avril 1999 ; le hit parade des mots les plus cliqués, en France , donnait dans l'ordre : sexe, sexe gratuit, gros seins,MP3(...) »39 Dans cet univers du cybersexe, il est nécessaire de distinguer les sites professionnels, des amateurs et des particuliers. (les sites des particuliers sont plus nombreux , il sont évalués pour la France à environ 10 000.). Par jeu et par exhibitionnisme des particuliers lancent des sites sur leurs anatomies et leurs expériences sexuelles. Ces sites obtiennent une certaine notoriété et l'amateur monte une structure commerciale et lance sa petite PME du cybersexe. De nouveau petit acteur font leur place sur Internet « :Il suffit d'acheter les droits de milliers de photos coquines en tout genre ( un cédérom de 80 000 photos vaut environ 700 000 francs), puis les dispatcher sur des sites payants spécialisés ( célébrités, amateurs...) On tisse ensuite un réseau de sites coquins qui vont attirer les internautes vers des pages en échange de commission »40Le net supprime des intermédiaires et créer de nouveaux entrepreneur plus ou moins scrupuleux .
Les grands sites pornographiques brassent des sommes phénoménales ( le site Sexe.com dépasserait les 700 millions de francs de chiffre d'affaires).Le propriétaire du site Sexe.com , Stephen Cohen fait couler beaucoup d'encre à son sujet: « Le bonhomme suscite ce genre de fantasmes. Son histoire ressemble à celle des mafieux dont sont truffés les films de Scorsese. Condamné à la prison au début des années 90, Cohen dirige Sexe.com depuis le Mexique, mais le site appartient à un mystérieux Ocean Fund International, un fond d'investissement basé sur les très accueillantes îles vierges. Selon la presse américaine, Cohen tenterait désormais de monter un lupanar dans les Caraïbes, après avoir racheter, en vain , huit casinos à la chaîne hôtelière américaine Starwood pour plus de 20 milliards de francs cash ! ».41
Même si tous les ingrédients d'une activité criminelle sont réunis ( société offshore avec possibilité de blanchiment, activités liées aux jeux et sexe ), rien ne permet juridiquement de déclarer que les activités du cybersexe sont spécifiquement criminelles. En effet, le code pénal prévoit dans son article 227-24, que le mineur doit être protégé des messages pornographiques et violents. Le code réprime donc la fabrication, le transport et la diffusion de ce message. Cet article du code ne s'applique qu'au mineur et la spécificité du support et de ces activités n'a pas été réellement mis à jour. L'éventualité de la perception d'un message pornographique par un mineur est condamnable aux yeux de la loi. Pour répondre à cette inquiétude, l'industrie informatique essaye tant bien que mal, de développer des filtres qui bloquent certains sites à partir des mots clés. Le filtrage ne permet pas de retenir les contenus douteux.
Mais l'escroquerie ne se borne pas au site. Le cybersexe est un piège et une première étape. Les sites pornographiques vitrines aguichent afin d'attirer les personnes vers des sites payants souvent prohibitifs. Pour payer son voyeurisme, l'Internaute va livrer sur la toile des données personnelles qui peuvent être utilisées (notamment le numéro de carte bleu).Les pirates avec ce numéro pourront régler des achats sur Internet. Dans ces cas précis, les personnes dévalisés n'osent se plaindre de peur de dévoiler leur penchant.
Pédophilie et pornographie infantile
Le phénomène de l'exploitation sexuelle des enfants dans le cyberespace a été pris au sérieux par les responsables gouvernementaux et les services de police et les associations de défense des enfants 42. Mais, l'ensemble des pays semble démunie face à l'ampleur de ce fléau. Lors d'un colloque organisé par Interpol en décembre 1999, sur cette question, un consultant de l'Internet a déclaré. « Nos méthodes ne fonctionnent plus, il faut repenser intégralement notre façon de protéger les enfants. Il s'agit d'une responsabilité collective ». Le parlement européen emboîte le pas et propose une initiative en vue de l'adoption d'une décision du Conseil relative à la lutte contre la pédopornographie sur Internet « Publiée au journal officiel des Communautés européennes du 16 décembre 1999, cette initiative vise à empêcher et à combattre l'exploitation sexuelle des enfants, et en particulier la production, la diffusion et la détention de matériel pornographique sur la Web, et propose que les états membres prennent certaines mesures. Au titre de ces mesures, l'initiative autrichienne propose d'encourager les utilisateurs d'Internet de dénoncer les cas de diffusion présumée de matériel pédopornographique, s'ils en rencontrent sur le Web. Le même type de dénonciation pourrait être mise à la charge des fournisseurs de services, éventuellement de façon contraignante. »43
La responsabilité des fournisseurs d'accès
Le rejet des pratiques pédophiles ont incité les gouvernements a réagir vite et concentrer leurs efforts dans la lutte de ces réseaux sur le Web. Dans un premier temps , les premières accusations se sont portées sur les fournisseurs d'accès qui reçoivent , stockent et distribuent les news groups litigieux et qui par conséquent sont considérés comme responsable de la diffusion des images pornographiques et pédophile sur le réseau
En mai 1996 , les responsables de deux fournisseurs d'accès « World net » et « France net » sont placés en garde à vue et tenus responsables de la circulation d'images pédophiles . En Allemagne, le patron de « Compuserve » a écopé en mai 1998 de deux ans avec sursis pour les même raisons, de diffusion de documents pédophiles. La justice n'a pas confirmé ces allégations. Un non lieu a été prononcé pour les deux premières affaires et le responsable de « Compuserve » a été acquitté en appel en novembre 1999.La justice a estimé qu'il n'était ni envisageable ni possible des dirigeants des fournisseurs d'accès d'empêcher la diffusion des images pédophiles. De nombreux autre exemples se sont succédés et une consultation publique a été organisé par le gouvernement français en vue d'une proposition de loi sur la société de l'information. La nouvelle loi n°2000-719 du 1 août 2000 complète la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. La loi limite l'engagement et la responsabilité civile et pénale des fournisseurs et hébergeurs . Mais , en revanche ceux-ci doivent collaborer avec les institutions judiciaires et policières et être capable de proposer des filtrages pour limiter l `accès. L'article 43-8 précise : « Les personnes physiques ou morales qui assurent , à titre gratuit ou onéreux, le stockage direct et permanent pour mise à disposition du public de signaux, d'écrits et d'images , de sons ou de messages de toute nature accessibles par des services , ne sont pénalement ou civilement responsables du fait de contenu des services que : si ayant été saisi par une autorité judiciaire, elles n'ont pas agi promptement pour empêcher l'accès à ce contenu. ».
Du point de vue de la responsabilité personnelle , en France, la loi n°98-468 ( article 17) du 17 juin 1998, a aménagé l'article 227-23 du code pénal pour prendre en compte la nécessité de lutter contre les réseaux pédophiles sur Internet. La diffusion de ces images est passible de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 francs d'amendes. La question est donc prise très au sérieuse et les responsables se donnent les armes pour réagir. Mais, là encore, la dissimulation est à l'ordre du jour, les réseaux s'intègrent dans des news groups ou se logent dans des sites anodins. Le net n'a pas créé, ni incité la pédophilie. En revanche, le web est un vecteur essentiel pour irriguer les réseaux. Les groupes des cyberpédophile n'ont plus de limite dans leur développement géographique, dans leur contenu (de plus en plus obscènes).
Déjà entre 1996 et 1998, l'association Internet Watch Fondation, spécialisé dans l'observation des réseaux de pornographie enfantine sur le web, avait repéré environ 13 000 images sur le sujet. D'après leurs études , ce chiffre doit doubler pour 1999 /2000.
En l'espace de quelques mois, les polices de toute l'Europe sont intervenues pour démanteler des réseaux extrêmement organisés qui utilisent même des techniques de codages et de mots de passe sur leurs forums. En décembre 1999, la police anglaise a lancé la plus grande opération de ce type , baptisée « Queensland », sur les réseaux de pornographie enfantine sur le web. Ce raid a mis en lumière un réseau de distribution d'images pornographiques dont des enfants étaient victimes d'abus sexuels. Quinze hommes et une femme ont été arrêtés. De même, en Italie en mars 2000, une opération a été menée sur une quarantaine de villes Italiennes L'enquête a révélé que le réseau était alimenté et animé par des personnalités très disparates d'un point de vue sociale, géographique ( selon la dépêche de l'A.F.P. les personnes arrêtés sont un ouvrier de Trieste, un journaliste d'Udine, un vendeur ambulant de la région de Trévise, un professeur d'Université d'Avelino, un fonctionnaire de l `assurance sociale de la province d'Ancone , un autre ouvrier mais de la région de Ferrara, un militaire de Milan ).Le net permet aux pervers de s'organiser en communauté .
Dans le cas Italien, ces personnalités d'horizons très différent trouvent par le net une assurance et des encouragements à développer leurs penchants.
Trafic d'organes ( sur les sites de vente aux enchères)
Sur des sites de ventes aux enchères , il est possible de trouver des propositions de vente d'organes humains. S'agit-il d'une simple plaisanterie, d'une escroquerie, d'une tentative isolée ou l'aboutissement d'un processus criminel organisé ? Les derniers exemples n'ont pas encore permis d'identifier les vendeurs ou leurs motivations . En février 2000, le site allemand de la société américaine eBay, proposait un rein. La petite annonce indiquait : « Jeune homme de 38 ans, non fumeur et non buveur, vend rein parfaitement opérationnel. Il est possible de choisir celui que vous voulez . L'ensemble des coûts de transplantation et de médication sont à la charge de l'acheteur. Je ne vends bien sûr qu'un seul rein, car j'ai besoin de l'autre pour vivre ».Un acheteur potentiel a proposé le 18 février la somme de 100 000 euros pour ce rein. Les responsables du site ont retiré l'annonce, la vente d'organes humains étant illégale. Au delà de cet exemple spécifique cynique, des questions plus générales se posent .
Comment un site tel
que ebay qui a plus de 10 millions d'utilisateurs peut contrôler
le contenu de chaque enchère ? Le filtrage par mots clefs ne permet
pas de retrouver ce type d'infraction, il est impossible de supprimer le
mot rein , oeil, ... Peut on parler de nouvelle criminalité ? Non,
si ce trafic existe, le web permet seulement d'entrevoir de nouveaux débouchés,
de nouveaux clients, sans passer par des intermédiaires classiques
. Internet donne la possibilité d'un profil marketing , d'un ciblage
de la clientèle ce qui pousse les délinquants a adapter l'offre
à la demande .
38Ces chiffres sont cités dans un article de Renaud Revel,Sexe.com, Enquête sur la face cachée d'Internet, l'Express, 25 mai 2000, p 106
39Renaud Revel, l'Express, 25 mai 2000,op cit. , p 106
40Stéphane Arteta, Cybersexe, les dessous du net , Le Nouvel Observateur , 24-30 août 2000, p48
41Stéphane Arteta, , Le Nouvel Observateur 24-30 août 2000,op.cit, p46
42Le bouclier est un site pour la défense des enfants. Les responsables de ce site sillonnent Internet à la recherche des sites pédophiles pour les dénoncer . http://www.bouclier.org
43Alain
Hazan, l'Europe et la lutte contre la pédopornographie sur Internet,
Le Monde , interactif,26 janvier 2000, p4