Nouvelles menaces criminelles, nouveaux terrorismes

Xavier RAUFER

Janvier 2000

 

I - Depuis le milieu de la décennie 1990, et suite à la disparition de l’ordre bipolaire du monde en 1989-90, le paysage géostratégique mondial a été bouleversé de fond en comble : en voici pour commencer quelques exemples.

 

• Organisations criminelles transnationales (mafias)

Mai 1997, Colombie. Dans un hangar à l’ouest de Bogota, la police découvre un centre de télécommunications ultra-moderne contenant10 millions de dollars de matériel hi-tech. Créé par le narco Efraïn Hernandez “Don Efra”, assassiné en 1996, ce centre permettait à tous les cartels de garder en temps partagé un contact-satellite constant avec leurs flottes aériennes ou maritimes (en haute mer comme en plein ciel), ainsi qu’avec leurs représentants, partout dans le monde.

 

• Hybrides “gangsterroristes”

 

Avril 1997, Bridgeport Texas : la police arrête 4 individus (un chômeur, un tatoueur et sa femme, un apprenti plombier...), inconnus des services officiels, quoique vaguement affiliés au Ku Klux Klan. Dénoncés par un comparse épouvanté, ils s’apprêtent à faire sauter l’usine à gaz municipale. Profitant de la panique provoquée par l’épanchement de gaz mortels, ils auraient alors attaqué une banque. Le risque était réel que l’affaire se solde par des centaines de morts.

 

• Entités irrationnelles violentes

 

Au Japon, au printemps 1997, le procès de Shoko Asahara permet de voir combien Aum Shinrikyo était une organisation ramifiée et complexe, capable :

 

. D’extorquer des millions de dollars, d’abord à ses fidèles,

. De recruter par centaines des étudiants brillants, la plupart dans des disciplines scientifiques de pointe,

. De monter un réseau d’approvisionnement mondial (substances dangereuses, armes, explosifs, etc.) géré par des hommes d’affaires compétents,

. De créer, notamment en Russie, des “succursales” importantes,

. D’assassiner plusieurs années durant des “traîtres” à la secte dans la plus parfaite impunité.

 

• Zones grises : le Triangle d’Or fait tache d’huile

 

En 1995 et 1996, les narcotrafiquants et autres seigneurs de la guerre du Triangle d’Or se sont montrés toujours plus actifs en Indochine. Au point qu’une large part du nord du Laos, du Cambodge et du Vietnam est désormais “sous influence”. De 1985 à 1995, la production d’ opium a doublé dans la région. Et la toxicomanie touche désormais les populations locales : en mai dernier, des analyses effectuées dans le Vietnam septentrional (vers la frontière chinoise) révèlent des traces d’héroïne dans les urines de 10% des lycéens...

 

• Ecoterrorisme

 

 Fin avril 1996, un attentat à l'explosif cause d'importands dégâts à la voie ferrée Lunebourg-Dannenberg (nord-ouest de l'Allemagne). Deux jours plus tard, le réseau ferroviaire est saboté (coupure de cables alimentant les systèmes de signalisation des voies) en deux points, près de Hanovre et de Göttingen. Ces attentats du “Kollektiv Gorleben” confirment l’existence de noyaux d’écologistes passés à l’action directe pour “sauver la planète”.

 

En Amérique du nord, l’arrestation de Théodore Kaczynski, auteur d’une vingtaine d’attentats par colis piégés en quinze ans - dont trois mortels - a permis de révéler les liens d’ “Unabomber” avec la mouvance écoterroriste. Les noms de ses deux victimes les plus récentes (décembre 1994, avril 1995) figuraient en effet sur une liste d’ ”ennemis de la nature et des forêts vierges”, publiée dans un bulletin écoterroriste clandestin intitulé “Live wild or die !” - complaisamment reproduite dans le numéro de février-mars 1994 du journal écolo-apocalyptique “Earth First !”. Kaczynski ayant lui-même participé en 1994 à une conférence d’ “Earth First !” organisée à l’Université du Montana.

 

Aux Etats-Unis et au Canada, d'autres fanatiques de la nature ont déjà tenté d’empoisonner des réservoirs d’eau et des ventilations d’immeubles. Des militants de micro-sectes analogues, impénétrables et prêtes a tout pour “ouvrir les yeux” de l’opinion publique mondiale, ont été surpris en train d’ “environner” centrales nucléaires, plates-formes pétrolières ou aires de stockage de carburants.

 

On le voit : ces menaces nouvelles ne sont ni factices ni lointaines. Territoires et entités dangereux ne sont pas l’apanage de jungles reculées du Tiers-monde, mais se trouvent aussi au cœur de nos grandes métropoles, ou, plus souvent encore, à leur périphérie.

 

1°) Effondrement et mutations

 

Mais où sont passés les acteurs les plus célèbres du terrorisme des décennies 70-80, ces “partis-guérilla” durables et hiérarchisés, experts en haute-technologie, l’ETA par exemple, ou encore le FPLP-Commandement général d’Ahmed Jibril ? Ces véritables armées en réduction, sont désormais marginalisées : place à un terrorisme nouveau, déstructuré et usant de technologies primitives. S'inscrivant lui-même dans un paysage menacant qui inquiète fort les grands pays développés.

 

Tout a été si vite depuis novembre 1989 : le Mur de Berlin s’est effondré - et avec lui l’Union soviétique, le Bloc de l’Est, l’ordre bipolaire lui-même. Sept ans plus tard, des guerres font rage du Caucase à la corne de l’Afrique, dix micro-Etats autoproclamés sont apparus entre l’ex-Bloc de l’Est et les Balkans. Et le narcotrafic explose dans le tiers-monde, où nombre d’Etats-nations sont en plein naufrage : Une ère chaotique débute.

 

Sans précédent depuis près d’un siècle, cette désintégration d’un ordre mondial est pour les gouvernements, les états-majors - et les espions - un vrai tremblement de terre. L’espace géostratégique balisé dans lequel évoluait depuis quarante ans la défense nationale des grandes puissances est de facto aboli. Priorités, identification amis/ennemis - cartes géographiques même ! - sont désormais caducs. Dans les domaines classiques de compétence des services spéciaux - militaire, politique, économique - signes et symptômes sont brouillés - parfois indéchiffrables.

 

Mais surtout - non-étatiques, transnationales, globales même - de nouvelles menaces stratégiques ont surgi du chaos. Acteurs féroces, territoires inaccessibles : cartels, mafias ou milices sont des ennemis implacables. Finis les échanges entre gentlemen-espions dans la brume d’une aube berlinoise : la balle dans la tête tient lieu de formule de politesse. Et dans les zones chaotiques, peu d’ambassades, pas de salons, mais des mégapoles anarchiques, des bidonvilles, la jungle - sur fond de terrorisme ou de guerre.

 

2°) Fragilité des Etats développés

 

Avril 1995. L’attentat-massacre d’Oklahoma City révèle la vulnérabilité du cœur même des Etats-Unis. En effet, face à la violence aveugle de sectes ou de milices irrationnelles, à quoi bon les porte-avions, les cuirassés, le dispositif de guerre des étoiles, les flottes aériennes ? Et même les satellites-espions ?

 

Ainsi, sous le seuil nucléaire, les vraies menaces n’ont plus rien à voir avec celles de la Guerre froide. Trafics de stupéfiants, de substances nucléaires, d’individus (entiers, comme immigrants clandestins; ou encore en pièces, par vente de leurs organes), de composants électroniques “sensibles”, d’armes; affrontements de fanatismes religieux, ethniques ou tribaux, guerres civiles ou famines, piraterie maritime ou aérienne : telles sont désormais les vraies menaces à la paix et à la sécurité internationale. Alors qu’il y a sur le globe toujours moins d’Etats respectant les règles internationales en vigueur.

 

II - Territoires dangereux : l’exemple de la “jungle de béton”

 

En revanche, les espaces incontrôlés se sont multipliés. Voici 50 ans, l’une des grandes intelligences françaises du siècle, Paul Valéry, célébrait un monde nouveau, ordonné et balisé : Le temps du monde fini commence... Une tendance irréversible ? Non : le “monde fini” aura duré un demi-siècle. Territoires chaotiques et zones hors-contrôle, bien sûr mais aussi - mais surtout - les “jungles de béton” encerclant les mégapoles du Sud.

 

En l’an 2000, en effet, la planète compte 414 villes de plus de un million d’habitants - dont 264 dans le Tiers-monde. Exemple : en 1950, l’Afrique comptait 6 villes de un million d’habitants; 19 en 1980; il y en aura plus de 50 en l’an 2000. En 2015, il y aura 33 mégapoles de plus de 8 millions d’habitants - dont 27 dans le tiers-monde - il n’y en avait que 2 en 1950.

 

En 2026, 5 des 8 milliards d’habitants que comptera alors probablement la Terre vivront dans les villes - ou plutôt dans ces quartiers sauvages, campements et baraquements des mégapoles du Sud, qui se développent deux fois plus rapidement encore que l’urbanisation “classique” - déjà considérable. Ainsi, 80% des habitants actuels d’Addis-Abeba (Ethiopie) vivent-ils dans des bidonvilles; 70% de ceux de Casablanca (Maroc) et de Calcutta (Inde); 60% de ceux de Kinshasa (Zaïre) et de Bogota (Colombie), etc.

 

Ces “jungles urbaines” sont extrêmement volatiles : à la seconde, comme disait Mao Tsé Toung, “une étincelle peut mettre le feu à toute la plaine”. D’où, d’extrêmes difficultés d’intervention pour y réprimer une insurrection ou encore y éradiquer le narcotrafic... Le tout à proximité d’aéroports internationaux, donc, des caméras de CNN. Voir le gigantesque bidonville qu’est la bande de Gaza, dont l’armée d’Israël a dû se retirer, malgré son efficacité et son absence de complexes.

 

Noyés parmi les populations complices ou soumises des “banlieues sauvages”, guérillas et narcotrafiquants mènent leurs affaires - guerres tribales, activisme politico-militaire ou trafics divers - en toute impunité. Pour ces illégaux, ces sanctuaires périurbains sont idéaux :

 

. Misère, entassement, pléthore de jeunes non qualifiés, bloqués sur place, fournissant tous les desperados nécessaires,

. Proximité du cœur économique du système et des aéroports (pour les narcos),

. Proximité du centre politique et médiatique (pour les guérillas et terroristes)

 

Exemple : la jungle urbaine de Karachi, mégapole pakistanaise de 10 milions d'habitants inondée des armes et de l’héroïne d’Afghanistan, ravagée par les guerres ethniques, les prises d’otages et les meurtres. Ainsi, en juin 1992, étaient découvertes à Karachi 23 salles de torture clandestines, gérées par les bandes locales, au profit, si l’on peut dire, de diverses variétés d’ennemis et de traîtres. Présente à Karachi depuis 1998, l’armée n’a pu y rétablir même un semblant d’ordre et aujourd’hui, les tueries y continuent au même rythme.

 

III - Acteurs dangereux

 

1°) Des terrorismes hybrides radicalement nouveaux

 

A la fin des années 60, l’IRA reprend la lutte armée contre les britanniques; à peu près au même moment, les palestiniens extrémistes commencent à détourner des avions, tandis que les Brigades rouges et la Fraction armée rouge lancent la guérilla urbaine dans le centre impérialiste (l’Europe occidentale). C’était il y a trente ans. Comme aujourd’hui, le terrorisme faisait alors les grands titres des journaux. Différence énorme, il ne posait alors que des problèmes de sécurité nationale mineurs aux grands pays : surveillance des aéroports, maintien de l’ordre en Ulster, travail de police antiterroriste. Sensationnel, certes, le terrorisme d’alors concernait peu nos responsables de la Défense nationale.

 

Trente ans plus tard, le terrorisme a explosé - si l’on peut dire. Il est partout - et est même devenu l’une des composantes majeures de la guerre - après l’avoir lentement mais sûrement infectée au cours des trois décennies écoulées. A mesure qu’approche le XXIème siècle, le terrorisme cesse ainsi d’être marginal, ou folklorique, mais constitue désormais une préoccupation centrale en matière de sécurité pour nos gouvernements. Etant aujourd'hui devenu la guerre, il concerne de fait aussi bien le ministre de la Défense que celui de l’Intérieur.

 

Ayant désormais tout envahi - des bombes explosent chaque jour, pour mille raisons diverses, par tout le globe - le terrorisme a également subi une mutation importante. Ainsi, le terrorisme d’Etat de la guerre froide, d’essence politique ou idéologique, a virtuellement disparu en tant que tel. Sous une apparence trompeusement inchangée, ce qu’il en reste relève désormais d'une logique nouvelle.

 

Les entités terroristes du nouveau désordre mondial sont légion. Armées privées des seigneurs de la guerre, guérillas naguère politiques et aujourd’hui vendues aux narcotrafiquants, mouvements irrationnels violents, nébuleuses terroristes fanatisées. Mais, parmi tous ces acteurs dangereux, les organisations criminelles transnationales (OCT), ou mafias, et les “guérillas dégénérées” sont à l’heure présente tout spécialement menaçantes.

 

2°) Les Organisations Criminelles Transnationales (OCT), ou “mafias”

 

En Avril 1994, le secrétaire général d’Interpol, Raymond Kendall, déclare : “Le narcotrafic est entre les mains du crime organisé... Interpol gère un fichier de 250 000 grands malfaiteurs. 200 000 d’entre eux sont liés au narcotrafic”. De fait, les groupes qui contrôlent l’essentiel de la production et du négoce des stupéfiants sont peu nombreux et bien connus. Cartels colombien pour la cocaïne; Triades (Hongkong, Taiwan et Chine populaire) pour l’héroïne du Triangle d’Or; mafias italiennes et turco-kurdes pour celle du Croissant d’Or. Reliant le secteur agricole, contrôlé par les guérillas et les acteurs des guerres tribales, à la distribution finale, elle assurée par les gangs urbains des métropoles du monde développé, ces OCT sont vitales au narcotrafic mondial.

 

N’hésitant ni à tuer, ni à corrompre, les OCT brassent chaque année de 30 à 50 milliards de dollars (165 à 275 milliards de F.) - rien que pour le narcotrafic - et en recyclent peut être la moitié dans l’économie mondiale. Aujourd’hui elles opèrent la fusion du trafic illicite des stupéfiants, des armes et des migrants clandestins. Rapprochant et renforçant ainsi leurs centres de profit, les OCT seront demain plus puissante encore.

 

3°) Les “guérillas dégénérées”

 

En Europe, la plus célèbre de ces entités hybrides qui associent désormais le “politique” et le criminel, le terrorisme et le narco-trafic, est le Parti des Travailleurs du Kurdistan. Mais le PKK est loin d’être seul et désormais des “narco-guérillas” existent en Asie centrale, en Amérique latine et en Afrique; on les trouve en Afghanistan, en Birmanie, en Colombie, en Inde, au Liban, au Pakistan, au Pérou, aux Philippines, au Sénégal, en Somalie, au Sri-Lanka. Toutes sont présentes dans la plupart des grandes métropoles du monde développé.

 

Criminelles car désormais ces guérillas doivent financer tout ou partie de leurs “guerres” grâce à des activités illicites, notamment par la production et le trafic des narcotiques;

 

Mutantes; là aussi par nécessité : la fin de la Guerre froide a en effet contraint tous les acteurs politico-militaires de l’ordre ancien à s’adapter - parfois précipitamment - ou disparaître. Aboli, l’ordre bipolaire levait tous les obstacles. Physiques, d’abord : Mur de Berlin, et autres barrières infranchissables aux frontières intérieures et extérieures de l’ex-bloc de l’Est. Psychologiques, ensuite; les schémas mentaux binaires reflétant la réalité stratégique du monde d’alors - soit dans le camp de l’ouest, soit dans celui de l’est; soit politique, soit criminel - ont, eux aussi, perdu leur sens.

 

Résultat : alors qu’ils évoluaient naguère dans des sphères pratiquement séparées, acteurs “politiques” - guérillas, milices, mouvements de libération nationale, groupes terroristes - et acteurs “de droit commun” - criminalité organisée, mafias, cartels - ont été précipités sur la même scène. Et on donné naissance à des narco-guérillas, privées de leurs parrains “idéologiques” de naguère et d’autant plus menaçantes qu’elles restent au contact de nombre d’Etats du Tiers-monde. Mais, là aussi, il y a eu mutation et les Etats avec lesquels les narco-guérillas vivent désormais en symbiose - les corrompant un peu plus encore - se comportent eux-mêmes souvent en prédateurs; ou en purs et simples pirates. Sur commande, ces narco-guérillas frappent pour le compte des Etats-pirates; utilisant en retour leurs services spéciaux et banques d’Etat pour recycler des narco-devises, exporter des narcotiques etc.

 

Différence capitale avec le terrorisme d’Etat de l’ère bipolaire, notamment celui du Moyen-Orient : cette symbiose se fait entre des caricatures d’Etat toujours plus faibles et des guérillas enrichies par les narco-devises - donc plus autonomes que naguère. Aujourd’hui, les Etats-pirates dépendent de leurs partenaires-guérillas - comme le toxicomane, de son héroïne - mais ne les contrôlent plus. Hier, tel Etat du Proche-orient maîtrisait au millimètre la trajectoire terroriste des groupes extrémistes libano-palestiniens. Aujourd’hui, des pouvoirs débiles comptent sur des narco-guérillas maîtresses de leur avenir pour effrayer le monde extérieur - donc durer un peu plus...

Les principales de ces guérillas mutantes sont au nombre de six :

 

Philippines : la “Nouvelle Armée du Peuple”,

Sri-Lanka : les Tigres de la Libération de l’Eelam Tamil,

Inde : la guérilla sikh combattant pour l’indépendance du “Khalistan”,

Pérou : le “Sentier Lumineux”,

Sénégal : mouvements indépendantistes de Casamance,

Turquie et alentours : Parti des Travailleurs du Kurdistan.

 

Mais il existe sans doute d’autres de ces entités hybrides, repérables en croisant des critères simples :

 

. Idéologie marxiste-léniniste fanatique,

. Activité de guérilla dans le tiers-monde;

. Activité de propagande, plus tout un ensemble d’activités délictueuses, ou criminelles, dans des pays développés, Europe d’abord, . Pratique du terrorisme et de violences internes graves (purges, etc.)

. Narco-trafic,

. Complicité d’Etats hostiles aux puissances occidentales.

 

4°) Typologie des nouvelles entités dangereuses

 

Fort divers, ces nouveaux acteurs terroristes n’en ont pas moins des caractéristiques communes :

 

. Déterritorialisation, ou implantation dans des zones inaccessibles,

. Absence, le plus souvent, de tout sponsorship d’Etat - ce qui les rend plus imprévisibles et incontrôlables encore,

. Nature hybride, pour part “politique”, pour part criminelle,

. Capacité de mutation ultra-rapide en fonction du paradigme dollar, désormais crucial,

. Approche pragmatique, tendant à prouver le mouvement [terroriste] en marchant - selon la vieille pratique maoïste consistant à lancer la guérilla pour apprendre la guerre (Voir ainsi les bombes bricolées des GIA en France, juillet-nov. 1995).

. Capacités meurtrières énormes, par rapport au terrorisme de la guerre froide, lui, symbolique le plus souvent. Ainsi, seul le blocage d’un aérosol a empêché la secte Aum de faire 40 000 morts dans le métro de Tokyo, en avril 1995...

 

IV - Flux stratégiques menacés

 

Autre motif de préoccupation : les nouvelles entités dangereuses menacent désormais gravement les flux stratégiques les plus vitaux de la société humaine.

 

Février 1995 : le FBI arrête un pirate informatique qui forçait et pillait depuis des années des banques de données “sensibles”. Selon les experts, de tels “amateurs” cèdent peu à peu la place à des “guérilleros cybernétiques”. Leur objectif : frapper, pour les détruire cette fois, les réseaux numérisés vitaux du monde développé. Certains pirates parlent déjà de déclencher des krachs boursiers artificiels, plongeant ainsi l’ “économie-monde” dans le chaos. Ou de prendre d’assaut (par voie électronique, bien sûr) un satellite de télécommunication, pour le contrôler un moment, ou le saboter. Cet ensemble stratégique très dispersé - donc vulnérable - comprend aussi les flux sociaux (prestations) ou financiers - demain, les fameuses “autoroutes de l’information”. Acteurs de cette nouvelle forme de guerre : des Etats-parias mis sous embargo par les Nations-Unies, ou encore des guérillas dégénérées. Malgré tous ces avertissements, les grands pays développés n’ont pas vraiment conscience de l'extrême fragilité du monde virtuel formé par l'ensemble des moyens informatisés évoqués ci-dessus.

 

Les flux électroniques d’argent sont eux aussi en danger. En 1995, de 300 à 500 milliards de narcodollars ont circulé dans les banques des Etats-Unis. Pays où les lois anti-blanchiment sont les plus sévères du monde - ce qui donne une idée de ce qui doit se passer ailleurs... En Italie, par exemple. Février 1995 à Catane, Sicile : la police arrête Giovanni Cannizzo, promoteur immobilier honorablement connu - qui vient de blanchir 5 milliards de francs pour le compte de la mafia locale, la famille Santapaola. Un montage bancaire si complexe qu’il a fallu toutes les ressources de la Banque d’Italie pour démonter la filière financière.