« Crime, violence et terreur dans la société de l’information »
Demander quelles formes de violence caractérisent les sociétés dites de l’information, c’est traiter des rapports entre des réalités techniques (telle l’informatique et les réseaux), des réalités stratégiques (l’action organisée de groupes en lutte) et des réalités symboliques (des idées, croyances et affects, l’environnement mental dans lequel se déroulent ces conflits). Il faut cartographier un nouveau champ de conflit : il est déterminé par les possibilités offensives que portent les technologies, par les méthodes d’agression ou de domination auxquelles recourent les acteurs et, enfin, par des représentations mentales au nom desquelles ils sont prêts à s’affronter. Notre perspective ne sera ni celle de l’angélisme technologique (exalter le monde merveilleux que produira la révolution de la communication), ni celle de la déploration (dénoncer l’aliénation de l’homme victime du système technique). Il s’agit d’étudier froidement quelques indices : ils indiquent qu’une expérience immémoriale du conflit comme mouvement, exploitation et destruction de forces doit être révisée. Il faut comprendre le rôle inédit qu’y jouent maintenant des images, des mots, des ondes et des électrons.
Des formes spécifiques de violence apparaissent donc dans l’environnement géopolitique, culturel, économique d’une supposée « révolution de l’information ». Les pratiques hostiles par lesquelles des groupes infligent un préjudice ou gagnent une suprématie mobilisent de nouveaux outils et supposent de nouveaux discours. L’agression se pratique par contrôle, modification ou destruction des savoirs, croyances, et moyens d’information d’un adversaire qui ne sait parfois même pas qu’il est une victime. L’usage de termes aussi forts que « violence » ou « terreur » rappelle que de tels conflits, où l’information intervient comme arme, comme enjeu et comme mesure, supposent une rivalité exaspérée (et non une simple concurrence), une intentionnalité agressive, et des enjeux graves. Celui-ci se mesure souvent à l’illégalité, parfois au caractère quasi guerrier de ces opérations, toujours aux dommages qui en résultent, en termes de perte de richesses, de sécurité ou d’autonomie.
Faute de pouvoir traiter exhaustivement de ce phénomène, on se contentera d’en proposer une définition générale, puis d’en traiter deux aspects : la désinformation et le secret.