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"MCC" : 1998-2008, 10 ans déjà de décèlement précoce

UNIVERSITÉ PANTHÉON-ASSAS – PARIS II
INSTITUT DE CRIMINOLOGIE DE PARIS
Département de recherche sur les Menaces Criminelles Contemporaines,
François Haut • Xavier Raufer

La direction du MCC

François Haut, Maître de Conférences à l’Université Paris II Panthéon-Assas ; Directeur du MCC ; Responsable du Diplôme de 3ème Cycle « Analyse des Menaces Criminelles Contemporaines » ; Professeur associé à l’École Supérieure de Police Criminelle de Chine (Shenyang) ; Chercheur associé au Centre de recherche sur le terrorisme et le crime organisé, Université de Science politique et de Droit, Beijing, (Chine) ; Membre du « Terrorism Studies Program Board », Centre for the Study of Terrorism and Political Violence, School of International Relations, University of Saint-Andrews, (Ecosse).

Xavier Raufer, Docteur en Géopolitique ; Responsable des études et recherches au MCC ; Professeur associé à l’École Supérieure de Police Criminelle de Chine (Shenyang) ; Professeur affilié à l’Edhec ; Chercheur associé au Centre de recherche sur le terrorisme et le crime organisé, Université de Science politique et de Droit, Beijing, (Chine) ; Membre du « Terrorism Studies Program Board », Centre for the Study of Terrorism and Political Violence, School of International Relations, University of Saint-Andrews, (Ecosse).

Dès l’origine : prévenir plutôt que guérir...

En avril 1997, le Programme d’action détaillé de l’Union Européenne de lutte contre le crime organisé soulignait que : “ Les Etats membres et la Commission devraient instituer... un système de collecte et d’analyse des données propres à fournir une vue d’ensemble de la situation de la criminalité organisée dans l’État membre et à assister les autorités de répression dans leur lutte ”.

Le crime organisé - matière étudiée dans toute l’Europe - était alors ignoré en France. Dans notre pays, nul grand centre de recherche ne s’intéressait durablement et en tant que tels, aux phénomènes criminels actuels, bibliothèques, chercheurs et bases de données à l’appui. Tel est le constat qui pousse alors François Haut et Xavier Raufer à proposer à la présidence de l’Université Paris II la création d’un Département de recherche sur les Menaces Criminelles Contemporaines (MCC). Constitué en Jeune Équipe en 1997 ce département est ensuite directement rattaché par contrat quadriennal à l’Institut de Criminologie de Paris. Toujours en 1997, l’appui des Professeurs Jean-Claude Soyer et André Decocq fait enfin aboutir la fondation du MCC, par signature d’un contrat entre la Direction de la Recherche du Ministère de l’Éducation Nationale et l’Université Panthéon-Assas-(Paris II).

Cinq ans plus tard, la réalité des menaces criminelles contemporaines faisait l’objet d’une reconnaissance publique : réunis à MontTremblant (Québec), en mai 2002, les ministres de la Justice et de l’Intérieur du G 8 soulignaient en effet que “ la mondialisation s’est accompagnée d’une augmentation dramatique de la criminalité organisée transnationale (COT), notamment les trafics d’armes, de stupéfiants et de migrants clandestins, les crimes hightech et le blanchiment d’argent ”. Pour ces ministres : “ menace mondiale, la COT sape les bases démocratiques et économiques de la société ” et “ la coopération internationale s’impose pour la combattre ”.

Initiée par le département MCC, la voie du décèlement précoce

Dans l’actuel chaos mondial, une multinationale, un État sont précisément dans la situation suivante : ils sont lancés à vive allure sur un chemin aux imprévisibles sinuosités. Sur une telle trajectoire quel est pour la jeep le point sensible ? Une formule familière américaine dit where the rubber meets the road. Là ou le pneu touche la route. C’est là que se contrôle la trajectoire. Pour un État, une multinationale, l’échange crucial, le danger extrême se situent aussi where the rubber meets the road. C’est là qu’il faut être. L’actuel chaos mondial regorge de territoires périlleux, d’entités menaçantes, d’individus dangereux. Que faire alors pour que les officiels, les dirigeants d’entreprises puissent, à temps, détecter une présence, dévoiler des intentions, déjouer des plans ? Bien sûr, nulle baguette magique ne permet d’atteindre ce triple et idéal résultat. Pour tous ceux que la sécurité intéresse professionnellement : comment faire pour qu’en matière de menaces criminelles contemporaines, il ne soit pas, la prochaine fois, trop tard ? Une voie féconde est celle du décèlement précoce. C’est la voie choisie par le MCC. Dans ce contexte, ces entreprises doivent à l’évidence se protéger, se faire conseiller, apprendre à assurer elles-mêmes leur sécurité. Mais, avant de prévenir, d’optimiser ou de traiter, il leur faut déceler, détecter et disposer des moyens d’effectuer un diagnostic.

L’objet du MCC : recherche, enseignement, formation-information

Dans cette perspective de décèlement précoce des dangers et menaces réels du monde vrai, l’objet du MCC est de permettre à tous ceux qui suivent ses travaux de nommer, de discerner, d’évaluer - bref, de penser mieux, et plus vite, les menaces nouvelles -terroristes ou criminelles. De penser ces menaces dans l’esprit de les révéler (au sens radiographique), de les analyser et ainsi, de contribuer à les prévenir. Pour ce faire, le Département MCC ne s’inspire pas des théories, doctrines, etc. en vigueur aujourd’hui dans les milieux de la Défense, de l’Intérieur ou du renseignement ; encore moins des idées reçues, modes et lubies régnant dans la médiasphère. Il s’efforce au contraire de concevoir des systèmes d’analyse et des concepts nouveaux et pertinents. Ces concepts sont formés au contact de la réalité du terrain, par la découverte et l’observation précoce des faits criminels. À cela s’ajoute l’analyse des menaces nouvelles, nées de l’hybridation de criminalités stimulées par la mondialisation.

Les axes fondamentaux de réflexion et de recherche du département MCC

Ces axes fondamentaux sont ceux-ci : • Dans la “ sphère des évidences courantes ” médiatique, la tendance est à l’oubli du crime, du moins à sa “ folklorisation ”. • Nous dénonçons cet oubli et affirmons avec force que renoncer à évaluer un danger revient à le dévaluer. • Il est impossible de fixer un savoir sur des entités, des individus, des situations, des lieux en constante évolution ; nous devons donc les saisir dans leur mobilité même. • Enfin et surtout, dans le monde chaotique actuel, est vraiment dangereux ce que l’on n’a pas vu. Ainsi donc : Qu’est-ce qui est vraiment dangereux aujourd’hui ? Qu’est-ce qui va rester dangereux dans l’avenir proche ? Seule une bonne compréhension du sens même de ces questions, seule une réponse claire ou aussi claire que possible – à ces questions, permettront à l’avenir une détection précoce donc une parade rapide – de tout danger nouveau, ou subitement plus grave.

Dans le registre des menaces, qu’est-ce qui a changé depuis la fin de la guerre froide ?

Pour aller à l’essentiel : pendant la Guerre froide, toutes les menaces de niveau stratégique (même la menace terroriste) sont lourdes, stables, lentes (Pacte de Varsovie, etc.). Hier structurées, les entités dangereuses sont aujourd’hui amorphes, parfois même acéphales. Surtout, depuis la fin de la Guerre froide, de nouveaux acteurs sont entrés sur la scène du terrorisme : mafias, sectes et autres entités irrationnelles violentes. Et au centre de la scène terroriste du début du XXIe siècle, se tiennent bien sûr les fanatiques religieux, au premier rang desquels le terrorisme islamiste. De plus, on constate aujourd’hui une coopération concrète, des échanges plus poussés entre sociétés criminelles d’un côté et groupes terroristes de l’autre : Camorra napolitaine avec l’ETA basque et le Groupe Islamique Armé d’Algérie ; gang de Dawood Ibrahim à Karachi avec des islamistes (Jaish-i-Muhammad, Harakat ul-Mujahideen) proches de Ben Laden, etc.

Caractéristiques communes de ces entités dangereuses :

• la plupart d’entre-elles sont, le plus souvent, nomades, déterritorialisées et transnationales ; • nature hybride pour part " politique ", pour part criminelle ; • capacité de mutation rapide, en fonction du facteur dollar, désormais crucial ; • en général privées de tout contrôle d’État, ce qui les rend imprévisibles et incontrôlables ; • coupées du monde et de la société légale : leurs objectifs sont, soit purement criminels, soit d’ordre fanatique ou millénariste ; soit enfin (secte Aum) à peu près incompréhensibles.

Partant de là, comment détecter ces entités dangereuses ?

Comment déceler ces alliances entre criminels et terroristes et ce, assez tôt pour pouvoir empêcher les attentats les plus graves, les trafics les plus dangereux ? D’abord une cruciale prise de conscience - tout spécialement pour les experts et décideurs (politiques ou d’entreprises) - : ce qui est vraiment dangereux aujourd’hui, c’est ce qu’on a négligé, ce à quoi on n’a pas cru ; ce qu’on n’a pas voulu voir. Et l’être humain ne s’aveugle jamais par hasard, comme le montrent l’aveuglement des États-Unis avant les attentats du 11 septembre 2001 ou celui d’Israël devant la montée du Hamas. Ainsi, les temps ne sont plus où l’ennemi était connu, stable, familier. Aujourd’hui l’ennemi est fugace, bizarre, incompréhensible – et tout aussi dangereux, sinon plus. Car aujourd’hui même et de par le monde : • des guérillas, hier encore politiques dans leurs discours et dans leurs objectifs, basculent dans le crime organisé et dans les trafics illicites ; • des groupuscules écologistes extrémistes s’orientent vers l’option terroriste. Ces années passées, ces groupes ont déjà pratiqué le sabotage : à quand un attentat majeur ? Ces deux exemples sont pris parmi beaucoup d’autres. Or, devant toutes ces menaces, il convient d’être sans cesse en alerte et de suivre toutes les pistes. Il est désormais impératif de s’intéresser au bourgeon dès son apparition et non plus seulement à l’arbre adulte. Experts publics ou privés des affaires de sécurité et de sûreté, policiers, officiers de renseignement, dirigeants politiques ou d’entreprise ne peuvent plus se permettre l’inattention. Ils ne peuvent plus se contenter de prolonger les courbes, se borner à penser que c’est ce qui était dangereux hier qui le restera demain ; la paresse intellectuelle leur est désormais interdite.

Les entreprises dans le chaos mondial

Affirmons d’emblée que les nouvelles formes de criminalité à l’œuvre de par le monde, peuvent non seulement ternir l’image des entreprises auxquelles elles s’attaquent, mais peuvent handicaper sérieusement leur bon fonctionnement - voire mettre leur survie en péril -. Quels sont ainsi les principaux dangers criminels pour les entreprises dans le monde chaotique d’aujourd’hui ? Les entreprises évolueront dans un contexte où la distinction “ monde développé – tiers monde ” n’a plus grand sens. Il existe, en effet, dans le tiers-monde des pôles très développés, consacrés à la haute technologie (Bangalore en Inde, par exemple) proches de secteurs misérables, dangereux même. Et, dans les pays développés voici ce dont les entreprises sont le plus souvent victimes : blanchiment, corruption, détournements (de fonds et de biens) et cybercriminalité. Sauf rare exception, ces techniques criminelles relèvent toutes du crime organisé. Nulle de ces techniques ne disposant du moyen magique de s’exercer seule, ces infractions sont à l’évidence imaginées puis appliquées par des individus ou des groupes criminels qu’il convient de ne pas oublier. Ajoutons ici qu’il faut se méfier du saucissonnage systématique consistant à traiter ici du blanchiment, là de la corruption, là encore des détournements, en oubliant que ce sont souvent les mêmes entités criminelles qui pratiquent ces diverses activités ; oubli qui leur permet commodément de disparaître dans le fond du tableau. Cet effort de décèlement est-il possible ? Oui : rien n’est moins abstrait, moins théorique, moins virtuel que l’action criminelle. Toujours et partout, le crime est imaginé puis mis en œuvre par de très réels individus de chair et de sang, dont les ressorts et les plans sont finalement limités et connus : vengeance, lucre, instinct de domination territoriale, fanatisme pour les ressorts ; infiltration, corruption, intimidation, assassinat pour les méthodes. Que faire pour détecter ces malfaiteurs, les empêcher de nuire ? Tel est au fond la doctrine, et le seul objet, du MCC ■


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