BLACK WAR

Xavier Raufer

QU'EST-CE-QUE "BLACK WAR"?

Il s'agit d'un groupe voué à la guérilla urbaine, apparu en décembre 1985 à Paris.

La nomenclature détaillée des attentats qu'il a commis va nous permettre de comprendre le sens et les motivations de son action, ainsi que de cerner sa "méthode de travail". (voir liste en p.82).

D'après les communiqués que ce groupe expédie après ses attentats, il "est né après l'agression des terroristes de I Etat français contre Greenpeace".

Comme c'est de règle, Black War prétend réagir contre des actes insupportables commis par diverses entités qu'il poursuit de sa vindicte -l'Etat, les fascistes, les racistes- et n'exercer en fait qu'un droit de légitime défense politique et sociale.

Cela ressort de la nature des cibles qu'il vise :

* ANTIFASCISTES:

Légitime défense, la Librairie française, un responsable du Front national, le Parti ouvrier européen, un groupe catholique intégriste.

* ANTIRACISTES

La B.N.P. (pour ses liens avec l'Afrique du Sud), Rothman's (idem).

* ANTICAPITALISTES, enfin

L'étude de l'huissier, chien de garde des bourgeois, chargé de dépouiller les ouvriers et les pauvres de leurs derniers biens.

Nous sommes donc là dans la problématique classique des groupes Euroterroristes, la 4° composante de leur idéologie, l'anti-impérialisme, étant symbolisée par l'attentat contre le CIRPO : "Organisation fascistoïde spécialisée dans la dénonciation du goulag, comme s'il n'y avait qu'un seul goulag à l'est et le paradis dans le
"monde libre". (25 0186)

De tels noyaux surgissent généralement de façon autonome, suite à un long processus qui mène quelques militants révolutionnaires de l'activité politique légale à la conviction que seule la lutte armée est payante.

Après une série initiale d'attentats (comme celle de décembre 85 - juillet 86) trois cas peuvent se présenter

* Soit le groupe est démantelé par la répression,

* Soit -cas rarissime- le peu d'échos que ses actes ont rencontrés pousse les militants, écoeurés, à abandonner la lutte armée,

* Soit le groupe se consolide et tend à constituer une structure terroriste en vraie grandeur, dans ce cas, compte tenu de son idéologie, une Organisation Communiste Combattante.

"MÉTHODES DE TRAVAIL" D'UN GROUPE DE TYPE "BLACK WAR"

L'activité terroriste des groupes Communistes Combattants est assez étroitement codifiée, et passe par plusieurs phases, désormais bien connues:

* un épisode pré-terroriste, plus ou moins long, au cours duquel le noyau initial, qui a déjà pris la décision de passer à la lutte armée, pratique ce que Karl Marx appelle -dans un tout autre contexte !- "l'accumulation primitive du capital", c'est-à-dire se livre à des attaques à main armée destinées à financer l'achat d'armes, de munitions, d'explosifs, la location d'appartements "conspiratifs" et de bases opérationnelles, en général des garages.

* Après quoi l'organisation se déclare au grand jour en commettant des actes qu'elle qualifie de "propagande armée", le plus souvent des attentats par explosif contre des cibles symboliques des choix politiques du groupe anti-capitalistes, anti-impérialistes, antifascistes, antiracistes, dans le cas des Organisations Communistes Combattantes.

Il est clair que Black War en est au stade décrit ci-dessus, celui de la propagande armée.

Cette phase répond à des besoins précis :

- Publicité "de lancement" pour un groupe inconnu,

- Valorisation auprès d'une mouvance sympathisante, certes réduite, mais dont le rôle d"'armée de réserve", de fournisseurs de planques et de "porteurs de valises" est décisif. Ces actions, à l'origine du groupe, mais aussi par la suite, servent à démontrer que les vrais antifascistes, ceux qui ne se contentent pas de menaces verbales, ce sont les militants de Black War.

Si le groupe obéit vraiment à la logique Communiste Combattante, une série de "conditions objectives" compliquées permet d'accéder au stade suivant : celui de la "guérilla urbaine". Dans cette phase, le groupe ne se contente plus de cibles immobilières symboliques, il entreprend de "frapper au coeur de l'État", c'est-à-dire de tenter d'assassiner des individus dont le poste est jugé par lui décisif pour l'accomplissement des "complots de l'impérialisme" ou du fascisme, ou des racistes soutenant l'apartheid, etc.

L'accession au stade de la guérilla urbaine ne signifie pas pour autant la fin des opérations de propagande armée : celles-ci conservent un rôle éminent en matière :

- de recrutement de nouveaux éléments actifs dans la mouvance sympathisante,
- d'aguerrissement de ces nouveaux éléments à l'illégalisme et à la clandestinité armée,
- de vivier pour les noyaux spécialisés dans les opérations "haut de gamme" de type attentats sophistiqués contre des personnalités politiques, militaires ou industrielles.

Dans chaque pays où existe une Organisation de type Communiste Combattante, celle-ci adapte le projet général aux conditions de la vie politique et sociale locale. Il est clair, dans ces conditions que la propagande de chacune des organisations du type Black War va tendre à répondre aux hantises et aux phobies de l'extrême - gauche locale la plus virulente. Il y a des manifestations anti-nucléaires de 300 000 personnes en RFA ? La Fraction armée rouge fera de la propagande armée anti-nucléaire. Un mouvement anti-raciste comme "Touche pas à mon pote" réunit 100 000 jeunes place de la Concorde ? Action Directe frappera des cibles "racistes" et "fascistes".

Et ainsi de suite en Italie, en Espagne, en Belgique, en Hollande, au Portugal, etc.

Au niveau supérieur, ces actions, et les hold-up, servent à alimenter la machine en hommes et en moyens, le tout étant par la suite concentré en des assauts contre l'ennemi suprême, par exemple, 1"'impérialisme américain" et son bras politico-militaire en Europe : l'OTAN.

LA MENACE "BLACK WAR"

Pendant les premiers mois de 1986, Black War accomplit à peu près, en moyenne, un attentat tous les mois. Compte tenu du temps nécessaire à "environner" la cible (va et vient, rondes de police, etc.), de la préparation matérielle et de l'exécution de l'acte, on peut estimer que cette activité représente (ouvrage à temps quasiment plein, d'un noyau réduit de cinq à six personnes, privé de la capacité de monter des vagues d'attentats, du style "nuit bleue".

Ces attentats sont exclusivement concentrés sur Paris intra-muros, et presque uniquement sur la rive droite. Il s'agit toujours d'actes de propagande armée, en tout cas jusqu'à présent. Les heures des explosions montrent que les "artificiers" ont souhaité ne blesser personne, pas même des "fascistes" avérés comme ceux qui fréquentent la Libraire française.

Pour l'heure, et après de longs mois de silence, entrecoupés d'actions sporadiques, Black War se caractérise donc plus comme un groupe rebelle, encore novice, susceptible d'accomplir des dégâts, mais pas encore résolu à tuer.

Dans sa phase infantile" un groupe révolutionnaire armé s'enflamme toujours pour les causes émotionnelles les plus immédiates : le fascisme, le racisme. Ultérieurement, il découvre des ennemis moins évidents, moins immédiatement perceptibles, plus théoriques : le capitalisme, l'impérialisme. "Autonome" à l'origine, Black War se convertira-t-il à l'idéologie anti-impérialiste qui fut celle d'Action Directe et demeure celle de la Fraction Armée Rouge? Rien pour l'instant ne permet de l'affirmer.

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