Fin 1953, un groupe d'étudiants de l'Université jésuite de Deusto (Bilbao) fonde une association "Ekin" (Action), puis un bulletin du même nom. Cinq de ses animateurs se détachent : José Maria Benito del Valle, Julen Madariaga Aguirre, José Manuel Aguirre Bilbao, Sabino Uribe Cuadra, et Alvarez Enparantza (en littérature "Txillardegui"). Tous sont très jeunes et, mis à part Uribe, font partie de la bonne société basque.
Leur but : sensibiliser le Pays basque à l'indépendance d'Euskadi tout entier - y compris donc les trois provinces françaises - en s'appuyant sur le prolétariat, l'aile progressiste de l'Eglise et les mouvements de jeunesse. Partisans de l'action directe, ils ne ressemblent absolument pas à leurs aînés du PNV, auquel ils reprochent sa prudence. Eux sont plus durs, plus audacieux, plus intransigeants. Quelques actions mal préparées mèneront certains d'entre eux en prison, tel "Txillardegui", qui y rencontre deux des futurs chefs du séparatisme, Agote du PNV et Juan José Echavé Orobengoa. Enfin le 31 juillet 1959 est décidée la création d'un nouveau mouvement, à vocation nettement clandestine et révolutionnaire. ETA (le Pays basque et sa liberté) est né.
Cette nouvelle organisation se caractérise aussitôt par
son dynamisme, qui séduit en particulier les limitants d'EGI, les
jeunesses du PNV, qui ne tardent pas à rejoindre le mouvement avec
armes et bagages. Ainsi dans son journal "Zutik" en 1962, ETA affirme que
"la violence est nécessaire. Une violence contagieuse, destructrice,
qui appuie notre combat, le bon combat, celui qu'ont enseigné les
Israéliens, les Congolais et les Algériens".
Le premier comité exécutif ETA est bientôt formé
: Julen Madariaga et José Maria Benito del Valle le dirigent. Mais
les débuts sont difficiles. L'infrastructure reste entièrement
à créer et l'enracinement dans le pays est encore difficile.
D'autant plus que dès 1961, les autorités espagnoles répriment
sévèrement les assauts du mouvement. Ainsi, à la suite
du sabotage d'un convoi ferroviaire transportant des vétérans
carlistes de la guerre civile, la BPS "Brigade politico-sociale" arrête
cent trente suspects. Le comité exécutif se voit alors dans
l'obligation de se replier dans une zone paisible, en l'occurence la France
(cela deviendra une habitude), d'abord dans les Pyrénées-Atlantiques,
puis à Bordeaux 5, rue Noviciat chez un prêtre espagnol sympathisant,
José Luis Lasaya.
Sur le terrain, ETA se fait remarquer par des attaques d'une rare violence.
Principalement à partir de 1966, avec l'apport de militants venus
d'un mouvement révolutionnaire de type "gauchiste" le FLP, connu
sous le nom de "Felipe". Entre 1967 et 1969, on relève neuf attaques
à main armée et quarante-six attentats par explosif. Sont
visés principalement les casernes, les relais de télévision,
comme celui d'Olarizu, ainsi que les locaux des Syndicats officiels et
les journaux du Movimiento. Sur un mot d'ordre ETA, les publications "anti-basques"
voient leur vente en Euskadi baiser de 35 %. Ce qui n'est pas mal pour
un mouvement clandestin. Mais en contrepartie, les militants sont pourchassés
; dès 1965, ETA a connu son premier martyr en la personne de Joaquin
Jarate.
La première scission.
Dans le même temps, ETA poursuit son travail d'implantation.
Elle se divise en six "herialdes" (zones) :
• la Biscaye jusqu'à Durango;
• de Durango à Deva (Guipuzcoa), Mondragon (Guipuzcoa) et Ondarroa
(Biscaye);
• le reste du Guipuzcoa et une partie de la Navarre;
• le reste de la Navarre;
• Alava;
• la zone française.
A la tête de ces zones, un président entouré de
membres du "comité exécutif". En 1967, sont créés
deux comités, l'un "supérieur", l'autre sur le terrain, en
Espagne même. Leur but : l'application des ordres donnés par
le "biltzar nagusi", l'Assemblée générale.
De son côté, chaque zone est subdivisée en villages
ou en villes dirigées chacune par un responsable. Il n'est pas permis
à ces chefs de zone de prendre une initiative propre. Ce cloisonnement
extrêmement étanche fait que les membres ETA ne se connaissent
pas entre eux et ne risquent donc pas de trop en dire en cas d'interrogatoire
policier. Pour communiquer, ils se servent de boîtes aux lettres
ou de postes fixes. Il faut attendre le démembrement partiel ETA
pour que ses cadres se rassemblent en territoire français, créant
ainsi une homogénéité de façade.
Mais avec le développement ETA, les premières tensions
voient le jour. En 1962, se tient la première assemblée générale
dans un couvent situé en France. Cinquante délégués
y participent. A un nationalisme exacerbé se mêlent des notions
démocratiques, sociales et humanitaires ; on mélange droits
de l'homme, libertés publiques, lutte contre le fascisme, etc…
ETA est alors composée essentiellement d'ouvriers et de petits employés.
Une décision importante : celle de former des combattants professionnels
armés, les "liberados". Les deuxième, troisième, quatrième
congrès vont se suivre en 1963, 1964 et 1965. En fait, l'intérêt
de ces réunions est assez restreint. On révise tout au plus
le programme antérieur d'insurrection, calqué sur le "modèle"
vietnamien. Quatre phases sont décidées : propagande, actions
militaires, actions de commando et insurrection populaire. On publie d'autre
part des "Cahiers de sécurité" et des "Cahiers de formation",
portant sur le marxisme, le socialisme, etc… Dans presque tous les cas,
la clandestinité devient la norme chez les cadres.
Ces différents congrès ont permis à ETA de faire
le point. Mais il faut attendre 1967 et la cinquième assemblée
pour qu'une scission voie officiellement le jour. Dès lors, il existe
deux ETA.
La première est constituée par le "front militaire"
ou "ETA Ve Assemblée". Elle se définit comme un "mouvement
socialiste basque de libération nationale dont le but est de créer
un Etat socialiste basque, dirigé par le prolétariat". ETA
V est alors et de loin la branche la plus violente, tout d'abord de tendance
marxiste-léniniste, puis après le fameux conseil de guerre
de Burgos en décembre 1970, de nouveau socialiste. Ses militants,
sous l'égide de Madariaga et d'Eguiagaray se seraient entraînés
en Algérie, où ils recevraient une formation para-militaire.
Ainsi, rien qu'en 1967, ETA V réalise 319 actes de propagande et
19 de terrorisme. Retour du bâton : 176 activistes sont arrêtés
et l'animateur d'ETA V, Eskubi n'échappe que de peu aux filets policiers.
La deuxième tendance née du cinquième congrès
est "ETA berri" (ETA jeune), qui se propose de lutter pour la dictature
du prolétariat et pour l'union de tous les peuples en lutte contre
l'Etat espagnol. Est inclus dans son programme le concept de lutte des
classes : "Etant donné d'une part l'unité de l'Etat oppresseur
et de la classe dominante et d'autre part la communauté d'intérêts
des classes populaires des différents peuples et nationalismes d'Espagne,
la révolution doit être une. Un seul parti du prolétariat
et un seul front populaire doivent diriger les masses ouvrières
dans la lutte révolutionnaire… La libération des influences
nationalistes est le premier objectif à court terme que s'assigne
le mouvement".
Le rôle du FLP dans la création d'"ETA berri" est évident.
Ses militants n'ont finalement que peu d'influence dans les milieux "Abertzale",
bien qu'assez bien implantés dans les "Commissions ouvrières"
d'Alava et de Navarre. A partir de 1968, "ETA berri" se transforme en "Kommunistak"
(Mouvement communiste basque), de tendance nettement pro-chinoise. Mais
cette branche originaire ETA est bien évidemment reniée par
les fondateurs du mouvement.
La deuxième scission, décisive
En 1970, ETA V a le vent en poupe. Elle vient d'assassiner Meliton
Manzanas, un policier particulièrement chargé de ses activités.
On enregistre cette année-là 113 actions de commando. Qui
plus est, lors du conseil de guerre de Burgos, ETA enlève le consul
ouest-allemand à Saint-Sébastien, Eugen Beihl. Un joli coup
publicitaire, qui lui donne une image de dimension mondiale. On oublie
très vite que les condamnés de Burgos sont des professionnels
de la lutte armée, des commandos et qu'ils figurent parmi les membres
les plus dangereux de l'organisation.
La sixième assemblée d'ETA V a lieu en septembre 1970,
en l'absence des membres de la section militaire, qui refusent d'y participer.
Ce sont les militants du "front ouvrier" qui prennent l'initiative de ce
nouveau congrès. Le mouvement connaît alors sa plus profonde
scission, encore plus complexe que la première. Une fois encore
s'opposent les "militaires", et les "marxistes" du Front ouvrier. La scission
est surtout idéologique : les "militaires" posent le problème
d'Euskadi en terme de nationalisme : les "marxistes" parlent de lutte des
classes, ce qui leur vaut d'être taxés d'"espagnoslistes"
par les nationalistes. Un nouveau groupe va naître, "Sexta Asamblea",
appuyé par la revue "Beriak" (Les Nouvelles). Par la suite, cette
nouvelle tendance - ETA VI-, reste assez forte, bien qu'elle ait connu
elle-même deux scissions.
Face à cette nouvelle ETA, les militants qui boycottent la sixième
assemblée conservent le signe "ETA nationaliste" ou ETA V et continuent
à faire paraître la revue "Zutik". ETA V est encore, et de
loin, la tendance la plus puissante.
N'oublions pas non plus qu'à proximité, on trouve "ETA
comunista", qui dépend du PCE et ne regroupe que peu de militants
actifs, et les trotskistes de la IVe Internationale constituant la "LCR
ETA VI". Aussi le terme "ETA" fut-il longtemps incompréhensible
s'il n'était pas suivi de son appendice identificateur, V, VI, LCR-VI,
comunista.
Radicalisation des thèses
Lors de toute cette tourmente de 1970, un militant se détache,
Eustaquio Mendizabal, qui est finalement abattu en avril 1973. Son mandat
coïncide pour ETA avec une période d'inactivité culturelle
et politique. Volontairement, on donne la priorité à l'action,
à la violence. Ce qui en France pousse le ministre de l'intérieur
de l'époque, Raymond Marcellin, à interdire ETA dès
octobre 1972.
Pour changer de cap, une nouvelle assemblée se tient à
Hasparren en France, fin août 1973. Les militants actifs qui y participent
ne tardent pas à s'insulter ; le "front militaire" exige des comptes
clairs et taxe les "culturels" de "gangsters". On décide tout de
même de mettre sur pied une direction collégiale : José
Manuel Pagoaga Gallastegui, Domingo Iturbe Abasolo "Txomin"(1), José
Antonio Urruticoechea Bengoechea et José Ignacio Mugica. Concrètement,
neuf points sont retenus :
1 - ETA maintient son caractère nettement militaire,
2 - Intensification des actions violentes,
3 - Réunion et assistance à tous les Basques en fuite
dans la zone basque française ,
4 - Maintien du terrorisme, avec attentats de représailles collectifs
et personnels,
5 - Amélioration du moral des militants, bien bas après
les détentions,
6 - Ratification des quatre membres du comité exécutif,
7 - Désignation des responsables de huit commandos, formé
chacun de quatre ou six activistes,
8 - Désignation des responsables culturels, de la propagande,
etc…
9 - Maintien de la ligne de rapprochement avec le mouvement français
"Enbata".
Le résultat est probant : en 1973, 61 actions seulement, mais d'une coloration beaucoup plus politique : incendie du club d'Abra, attentat à la bombe de la cafétaria "Rolando" calle del Correo à Madrid en septembre 1974, qui fait douze morts et pour lequel devait être jugée l'activiste Eva Forest, la "Tupa". Et surtout l'assassinat en décembre 1973 du président du gouvernement et confident de Franco, l'amiral Carrero Blanco.
ETA (pm)
C'est après l'attentat de la calle del Correo que la scission
qu'apparait au grand jour la séparation ETA en deux mouvements antagonistes
: ETA (militaire)-V° assemblée et ETA (politico-militaire)-VI°
assemblée. Le front ouvrier d'EtaV constitue, avec l'aide de Mugica
Arregui "Ezquerra" la tendance "tupamara", vite connue sous le nom de "politico-militaire",
abandonnant la tendance "septembre noir" (aujourd'hui ETA militaire), désireuse
de se limiter exclusivement à la lutte armée.
Les buts ETA-PM se veulent plus politiques : avant tout, obtenir un
Pays basque indépendant et socialiste, en menant des actions violentes
contre le tourisme, les hommes d'affaires (tir dans les jambes),
des enlèvements, afin d'obliger le gouvernement à admettre
ses exigences. le côté légaliste est assuré
par un parti officiellement déclaré "Euskadiko Ezquerra"
(EE) qui appuie le Statut d'autonomie - tout en refusant la constitution
de 1978 - l'amnistie, l'intégration de la Navarre, un référendum
sur la centrale nucléaire de Lemoniz, l'épuration des Forces
armées. Cette scission conduit à une redistribution militante
aussi bien dans les structures politiques légales que dans les commandos
clandestins, et même à des chassés-croisés entre
ETA V et VI tout spécialement complexes (connus de l'auteur mais
dont le détail alourdirait inutilement une histoire déjà
foisonnante).
L'histoire ETA (pm) est une longue liste d'attentats, d'enlèvements,
de meurtres : le 22 juin 1978, elle prend d'assaut le siège du gouvernement
militaire de Saint-Sébastien ; durant l'état 1979, accompagnées
du slogan "avec le Statut, les prisonniers à la maison", des bombes
explosent sur la Costa del Sol et le 29 juillet, un attentat fait six morts
à la gare du nord de Madrid. A l'été 1980 les explosions
reprennent : six bombes dans les zones touristiques. Des morts aussi, telles
celles du directeur de Michelin Louis Helgueta, du dirigeant du syndicat
socialisant UGT Joaquin Becerra, du soudeur Mario Gonzalez, du capitaine
de la police Basilio Altuna et de deux dirigeants de l'UCD (mouvement centriste)
basque, José Ignacio Ustravan Ramirez et Juan de Dios Doval ; des
enlèvements enfin comme ceux des consuls honoraires d'Autriche,
d'Uruguay et du Salvador.
Quelques jours après le 23 février 1981, ETA (pm) annonce
une trêve, bientôt rompue en janvier 1982 avec l'enlèvement
ridicule du père du chanteur Julio Iglesias. Grâce à
la collaboration de certains membres d'EE, la police remonte la piste,
délivre M. Iglesias père et le 20 janvier découvre
la majeure partie de l'arsenal ETA (pm), dans le sous-sol d'une piscine
à Erandio, près de Bilbao : 336 fusils, 2565 cartouches,
un lance-grenades, cinq grenades, quatre mitraillettes, quatre pistolets,
quatre révolvers, cinq kilos d'explosif, etc…
Le 18 février 1982 ETA (pm), manifestement traumatisée
par un tel coup de filet, se scinde encore en deux organisations : la majorité,
forte d'environ quatre-vingts personnes, nommée ETA VIIIe Assemblée
et sous le commandement de Jesus Abrisqueta Corte "Txitxo" et de Abaitua
Gomeza "Conejo", à qui il reste encore quelques armes, entend reprendre
la lutte armée. D'autres, tels José Miguel Goiburu Mendizabal
et José Aulestia Urrutia "Zotxa" sont décidés à
continuer la trêve. Une troisième tendance prône même
une "sortie négociée" de la lutte armée. Cette solution
est mise en pratique par EE dès août 1982 avec la signature
d'une "paix des braves" pour d'anciens activistes qui s'engageraient à
renoncer à la lutte et qui voit une première auto-dissolution
d'ETA (pm) fin septembre 1982 avec l'éloignement de la lutte d'une
centaine de "milikis".
Ce qui reste de militants connaît un coup dur avec l'arrestation
le 22 février 1983 par la police française de José
Astorquiza "Pottoka", le plus haut dirigeant "politico-militaire". Sur
lui, on trouve le double des lettres exigeant l'impôt révolutionnaire,
dont une envoyée au footballeur "Zoco". Le mouvement ne s'en remet
pas, se dissout le 5 février 1984 pour passer en bloc à ETA
(m). Son testament politique souligne que son activité terroriste
n'a profité qu'à EE en lui permettant de se financer et d'atteindre
des objectifs d'ordre politicien.
ETA (m)
De son côté ETA(m) mène avec rigueur la lutte armée.
Son but : détruire l'Etat bourgeois et y substituer un Etat des
travailleurs. Se considérant comme une armée de libération
combattant en territoire occupé par l'ennemi, ETA(m) est organisée
tout d'abord sur le modèle des willayas algériennes, puis
change de méthode en juillet 1985 avec l'apparition, des "laguntzailes",
c'est-à-dire les "auxiliaires" des terroristes. Ils remplacent les
anciens commandos d'infrastructure ou d'information et ont pour tâche
de faciliter la collecte d'information, la gestion des refuges et véhicules.
Il prêtent également leur aide à des actions, comme
conduire des voitures particulières ou signaler l'emplacement de
l'objectif. C'est un changement radical qui casse le principe de l'étanchéité
qui a caractérisé ETA depuis les années 1978/1979.
On doit entre autre à ETA/m la tentative d'assassinat du prince
Juan Carlos en mai 1974 : un commando a loué sur la côte d'Azur
un yacht luxueux, sur lequel on mène une vie de milliardaire, à
proximité de celui du prince. Le projet échoue avec les aveux
passés à la police française de l'un de ses membres,
qui est par la suite tué par ses anciens amis.
De 1970 à 1983, ETA a enlevé 46 personnes dont trois
ont été assassinées : Angel Berazadi en 1976, Javier
Ibarra en 1977 et José Maria Ryan en 1981. Malgré son faible
nombre de "liberados" (militants armés clandestins) elle est l'auteur
de 1968 à fin 1984 de 450 assassinats (contre 70 pour les Grapo),
perpétrés en majorité sur des gardes civils et des
policiers et de plus de cinq cents plasticages. En 1983 par exemple, elle
a assassiné trente personnes (32 attentats contre les Forces de
Sécurité : 14 morts et 27 blessés ; contre les "collaborateurs
des forces de sécurité" : dix attentats, 7 morts, 2 blessés
; contre les banques : 85 attentats en représailles contre le non-paiement
de l'impôt révolutionnaire, dont 25 bombes sur la banque de
Biscaye, l'un deux ayant fait 3 morts et 6 blessés ; pour appuyer
le mouvement ouvrier 6 attentats sans victime et un enlèvement :
Diego Prado y Colon de Carvajal ; 9 attentats, 6 morts contre le trafic
de drogue et deux attentats contre la centrale nucléaire de Lemoniz.
Difficile de faire mieux, ou pire, c'est selon.
Néanmoins depuis le rétablissement de la démocratie,
la police lui a porté de rudes coups, en démantelant bon
nombre de ses commandos : 500 de ses militants et cadres sont en prison,
600 autres sont recherchés pour crimes de sang et les partis légaux,
tels le PNV ou "Izquierda para el socialismo" refusent de la reconnaître.
Qui plus est, les 700 étarres (pm, m et autonomes) réfugiés
sur le territoire français sont parfaitement répertoriés,
leur communications fréquemment surveillées, leurs contacts
recensés, leurs comptes bancaires inventoriés. Ce qui fait
dire en juin 1982 au Colonel Cassinello, le numéro deux de la Garde
civile, qu'ETA ne possède au plus que deux cents hommes armés,
dont vingt ou trente sont totalement dans la lutte.
Autre coup dur pour ETA, ses leaders historiques ont disparu, tels Argala,
Monzon, Usurbil, Peixoto. Et surtout le 26 avril 1986, son chef "Txomin"
est arrêté par la police française. Celle-ci a, depuis
quelques mois, déporté 36 étarres dans des pays étrangers
:
• à Cuba : José Luis Ansola Larranaga, Carlos Maria Ibarguren
Aguirre, José Miguel Arrugaeta San Emeterio, José Abrisquata
Corta, Larretxea Goni, J.A. Mugica Arregui, José Angel Urtiaga Martinez,
• à Panama : Asuncion Maria Urrate Riallos, Julian Tena Balsera,
José Carlos Arriaran Ibarra, Ramon Zurutuza, Klodo Saralegui Cornago,
Juan José Aristizabal Kortajerena,
• en Equateur : Alfonso Etxegaray Atxirika, Angel Aldana Barrena, Eugenio
Etxebeste (auparavant à Saint-Domingue),
• au Vénézuela : Martija Roteta, Saez Trecu, Maria Angeles
Artola Etxeberria, Eugenio Barrutiabengoa Zabarte, Jesus Ricardo Urtiaga
Repelles, Jon Antonio Gaston Sababa, Jon Lorenzo Ayestaran Legorburu, José
Ignacio Arruti Aguirre,
• au Cap Vert : Endika Iztueta Barandika, Tomas Linaza Etxeberria,
Angel Lete Etxaniz, Amaia Egigurren Arrasate, Inaki Etxarte Urbieta, Juan
Ramon Aramburu Garmendia, Inaki Rodriguez, Elena Barcenas,
• au Gabon : Domingo Iturbe "Txomin", qui meurt en Algérie début
1987,
• au Togo : Francisco Javier Alberdi Bersitain, Angel Castrillo Alcalde,
Luciano Eizaguirre Mariscal, Miguel Galdos Oronoz.
Tendances actuelles
Au début de l'année 1988, le nombre total des expulsés
et des refoulés en Espagne dépasse largement la centaine.
Déconsidérés au Pays basque du fait de leur violence
(ainsi le prouve l'enquête effectuée le 8 juillet 1985 par
les magazines espagnols "Eco" et "Cambio 16" : 13 % seulement des Basques
appuient ETA accusés d'irresponsabilité par les autorités,
les étarres (m) connaissent eux aussi des dissensions entre la ligne
dure menée par les commandos "Berezis" et Eugenio Echeveste et les
partisans de la négociation comme Iturbe Abasolo "Txomin" et les
"milis historiques". Mais miser sur la dislocation du mouvement serait
hasardeux ; ETA compte encore sept commandos "illégaux" : deux à
Saint-Sébastien, deux à Bilbao, un à Vitoria, un à
Pampelune et un à Madrid, le "Commando Espagne". Les Espagnols ont
quelques raisons de se souvenir de ce commando madrilène (1) , qui
réussit en avril 1982, deux mois avant le "Mundial" de football
à faire sauter la centrale du téléphone de la rue
Rio Rosas : 700.000 abonnés coupés du réseau, des
communications hachées avec la plupart des grandes villes d'Espagne.
Malheur à ceux, à celles qui abandonnent la lutte armée
et choisissent la voie de la réinsertion ; ainsi, "Yoyes" considérée
durant dix ans comme l'une des cinq têtes d'ETA (m) est-elle froidement
assassinée en septembre 1986.
De l'autre côté des Pyrénées, l'offensive
se développe : le 8 février 1985 sur une plage des Landes,
une compagnie de parachutistes français met en fuite un commando
ETA qui vient récupérer des armes cachées dans un
bunker : on trouve neuf fusils, trois mitraillettes, une carabine et une
tonne de munitions. En 1984, ETA a vu 19 de ses membres mourir ; cette
année-là, elle a commis 33 assassinats, dont 28 au Pays Basque.
Le 1er mars 1986 à Bayonne, c'est le "grand jugement" contre ETA
: comparaissent Juan Lorenzo Lasa Mitxelena "Txiquierdi" le numéro
deux, Isidro Garralde "Mamarru", José Ramon Martinez de la Fuente
et Agustin Bergaretxe. En réaction, le mouvement annonce son intention
de porter la lutte armée à Valladolid, Barcelone, La Corogne
et surtout à Madrid, ce qui sera fait avec éclat. Mais bloqués
entre la Garde civile et les mercenaires du Gal, qui les traquent jusque
dans leur sanctuaire français, les étarres sont gênés
pour conduire leur combat.