Le Parti des Travailleurs du Kurdistan :
 chronologie, 1990 - 1995
 

1990

A partir de cette année-là, les autorités turques cessent de sous-estimer le PKK, naguère considéré comme un simple rassemblement de "bandits".

Février : environ 150 manifestants du “Comité du Kurdistan” - qui sert de couverture au PKK en France - manifestent aux abords du Grand Palais, à Paris, où François Mitterrand inaugure avec Turgut Ozal l’exposition “Soliman le magnifique”. Heurts avec le service d’ordre; plusieurs dizaines de kurdes interpellés.

. A l’occasion du nouvel an célébré au printemps par les Kurdes et les Perses (le “Nowrouz”), le PKK décrète la semaine du 21 au 28 mars celle de la lutte populaire contre la colonisation; dans les villes du “Kurdistan” turc, au sud-est de l’Anatolie, beaucoup de foyers éteignent les lumières entre 23h. et minuit et font jouer des cassettes (interdites) de musique kurde. Pour la première fois, des jeunes jettent des pierres aux forces de l’ordre turques, érigent des barrages et brûlent des pneus, façon “Intifada” principalement dans les provinces de Mardin, Siirt et Elazig. La presse turque compare ces manifestations à l’Intifada en Palestine. Dans la ville de Cizre (10 km. de la frontière syrienne), des incidents violents ont lieu : les adultes apportent les pierres que jettent ensuite les jeunes, qui portent désormais des keffiehs palestiniens; le couvre-feu est décrété et 300 personnes, mises en garde à vue. Dans la ville de Nusaybin, manifestation interdite, un mort, cinq blessés, à l’occasion des obsèques d’un combattant du PKK tué lors d’un accrochage.

Avril : les commerçants de Mardin et de Diyarbakir ferment boutique en solidarité avec les interpellés de Cizre et Nusaybin. Actions de propagande nocturne du PKK dans ces villes.

. Depuis le début du mois de mars, 97 tués au “Kurdistan” turc; 16 seulement au premier trimestre de 1989. Depuis le 15 août 1984 (début de la lutte armée du PKK sur le sol turc) 2000 personnes (civils, guérilleros, forces de sécurité turques) ont été tuées.

Mai : congrès national du PKK, qui reconnaît le "rôle positif" du HEP

Novembre : le colonel Kadhafi envoie un télégramme de protestation contre “le massacre des Kurdes” au président Ozal. Autre message du colonel, de soutien celui-ci, à Abdallah Ocalan.

. A la télévision suédoise, un dirigeant du PKK menace de se livrer à des “massacres de masse” de touristes sur la côte occidentale de la Turquie (l’une des destinations favorites des Suédois...).
 

1991

Depuis le début de la crise du Golfe, Saddam Hussein s'est rapproché du PKK et lui fournit désormais armes et équipements militaires.

Février : Chiffres fournis par le procureur de Diyarbakir (Cour de sûreté de l’Etat) : près de 900 combattants du PKK sont emprisonnés et près de 350 sont en instance de jugement.

. Suite à un timide rapprochement entre la Turquie et la Syrie, Abdallah Ocalan déclare que le PKK ne recherche plus l’indépendance totale pour le “Kurdistan” turc, mais une “expression politique libre” pour les populations locales.

Août : au moment où, chaque année, le PKK fête le début de sa lutte armée (15.8.84), importante opération aéro-terrestre de l’armée turque, qui pénètre de 20 km en Irak et y reste trois jours, pour “retrouver les touristes allemands”; bombardements au sud de la ville d’Hakkari.

. Bilan de la répression au “Kurdistan” turc, 1987-91 : 2639 incidents armés, 4807 interpellations, arrestation de 1353 “combattants du PKK”.

. Le 15 août : le PKK organise des manifestations armées nocturnes, meetings, etc. dans les villes de Cizre, Nusaybin, Bismil, Midyat (provinces de Diyarbakir et de Mardin). Affrontement près de Sirvan : 16 morts, dont 14 du PKK.

. Abdallah Ocalan menace à nouveau de s’en prendre aux touristes qui n’auraient pas le “visa” du PKK pour se rendre au “Kurdistan turc”. En août et
septembre, vague de kidnappings d’étrangers (allemands, américains, anglais, australiens, etc.) relâchés ultérieurement.

. A Bar-Elias, au Liban, grande réunion internationale de kurdes pro-PKK (venus d’Irak, du Liban, de Syrie, de Turquie, d’Allemagne, d'Italie et de Grèce)

. Affrontements à Mardin : 3 combattants du PKK capturés. Selon le ministre turc de l’intérieur, les récentes opérations de ratissage ont permis de tuer 25 combattants du PKK et d’en capturer 324. Depuis 1987, 771 guérilleros du PKK ont été tués, 55 blessés et 24 capturés les armes à la main. 240 autres se sont rendus.

. Le gouvernement irakien fermant les yeux, le PKK dispose désormais de bases importantes dans les districts de Zakho, Dohouk, Anesk, etc. au “Kurdistan” irakien.

. Désormais, le PKK abrite des unités à l’entraînement de Dev. Sol et du TKP-ML/Partizan dans son camp de Helwé, au Liban. Sans doute à la demande des “frères” syriens : les militants du PKK tiennent les communistes-combattants turcs pour des fous furieux et apprécient peu que, même au camp et en leur seule présence, ceux-ci ne quittent jamais leurs cagoules...

Septembre : intensification des opérations lancées par le PKK à partir de l’Iran.

Octobre : un porte-parole du PKK affirme que son groupe contrôle une “zone libérée” de 43 000 Km2 dans le nord de l’Irak et l’est de la Turquie et “bénéficie d’un soutien politique de l’Iran”.

. Deux opérations aéro-terrestre de l’armée turque dans le “Kurdistan” irakien (4000 hommes, aviation, hélicoptères, commandos etc.).

A la fin de l’année, le PKK, qui dispose désormais de mortiers de 120mm et d’artillerie anti-aérienne, est actif dans les provinces et districts de Diyarbakir, Dersim, Serhat, Mus, Botan, Mardin, Malatya, Maras, Adiyaman, Cizre, Nusaybin, Bitlis, Sirnak, Siirt et Hakkari, au "Kurdistan turc". Pour 1992, le PKK prévoit de développer ses activités de guérilla urbaine, et d’instaurer, dans les provinces de Botan et de Batinan, un “gouvernement de guerre” et une “armée populaire”.
 

1992

Mars : le PKK déclare “la guerre totale” au pouvoir central turc. Nowrouz meurtrier dans le sud-est de l’Anatolie, ± 100 morts. Crise avec l’Allemagne, qui suspend ses livraisons d’armes à la Turquie.

. Ce même mois, interview d’Apo au quotidien turc “Hurriyet” : le budget annuel du PKK s’élève à ± 550 millions de f. Là-dessus, dans l’enquête adjointe, le journaliste estime que ± 175 millions de francs proviennent de divers rackets et trafics en Europe.

Avril : signature d’un protocole antiterroriste “de sécurité et de coopération” entre la Turquie et la Syrie.

Mai : la Roumanie déclare l’interdiction du PKK et de Dev. Sol.

. Le PKK évacue son “Académie militaire” de Helwé, vallée de la Bekaa, Liban.

 Septembre : l’armée libanaise occupe les 10 km2 de l’ex-camp du PKK, à Helwé.

Novembre : opération militaire de l'armée turque dans la région de Hakurk (aux confins du nord de l’Irak, de la Turquie et de l’Iran). L’offensive dure dix jours et bénéficie de l'aide des kurdes irakiens, hostiles au PKK

Estimation du nombre de membres et sympathisants actifs du PKK cette année là : aux alentours de 10 000.
 

1993

Février : la “Voix du Kurdistan indépendant”, radio du PKK, commence à émettre en turc, kurde et arabe depuis le nord de l’Irak, ou depuis la Syrie.

Mars : Rencontre Abdallah Ocalan - Jalal Talabani à Damas. le PKK décrète un cessez-le-feu unilatéral de deux mois et se déclare “prêt à abandonner la lutte armée”. Trêve pour le nouvel an kurde (Nowrouz).

Mai : le PKK massacre 33 recrues (désarmées) de l’armée turque dans la région de Bingöl, au “Kurdistan turc”. Le PKK rompt la trêve.

Juin : Ocalan annonce la fin officielle de la trêve pour le 8 juin et déclare la “guerre à outrance”. Le 24 juin à 10 h. du matin, des commandos du PKK s'attaquent de façon coordonnée à des cibles turques (ambassades, consulats, banques, agences de voyage, compagnie aérienne...), et organisent des manifestations violentes, dans 31 métropoles européennes : incendies, destructions, occupations de locaux, etc. Rien qu'en Allemagne, 80 cibles turques sont touchées.

Juillet : interdiction officielle du HEP, considéré par les autorités turques comme un paravent du PKK. Il est immédiatement remplacé par le DEP, ou parti démocratique.

. 35 habitants de Basbaglar (au “Kurdistan turc”) sont tués et le village incendié par le PKK.
. 4 français sont pris en otages par le PKK et libérés 18 jours plus tard.

. En juillet et août, vague de kidnappings (touristes britanniques, australiens, français, autrichiens, etc. relâchés par la suite).

Août : 9ème anniversaire du début de la lutte armée au “Kurdistan turc”; 350 morts dans la week-end de la mi-août. La lutte armée à fait 9000 morts en 9 ans, en Turquie.

. Dans une conférence de presse, “Apo” annonce que le PKK “aura 30 000 guérilleros en armes en 1994”.

Novembre : Même type d'attaques qu'en juin, en Grande-Bretagne, Suisse, Danemark, Autriche, Norvège, France et Allemagne (59 cibles, dans une trentaine de métropoles). Un mort et 16 blessés turcs.

. En France, dans 25 départements, vaste opération de police visant le PKK; 110 interpellations (Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux, Strasbourg, Grenoble, Annecy, Rouen). Peu après, dissolution du “Comité du Kurdistan” et de la “Fédération des associations culturelles des travailleurs patriotes du Kurdistan en France”., considérés comme “paravents du PKK”, réalité confirmée par les perquisitions. Dans l’un des locaux visités, la comptabilité du PKK : entre janvier et septembre 93, l’ “impôt révolutionnaire” a permis au PKK de récolter 5 millions de francs (Paris) et 2,2 millions de francs (province). Les sommes recueillies sont ensuite virées sur des comptes en Allemagne.

. Après une vague de perquisitions dans les locaux d’une centaine d’ “associations paravents” du PKK, dans toute l’Allemagne, dissolution du PKK pour terrorisme, ainsi que de 35 de ses “paravents légaux”, à la demande de Manfred Kanther, ministre fédéral de l'Intérieur.

En 1993, il y a eu ± 4100 morts dans le sud-est de l’Anatolie
 

1994

De 1984 à 1994 le PKK a perdu 5530 guérilleros, et fait 3218 victimes en Turquie.

Janvier : A Marseille, opération de police contre un réseau de racket du PKK.

Mars : congrès national du PKK, qui prône désormais un "Etat fédéral turco-kurde" et accentue encore la tonalité islamique de ses textes de propagande. Le PKK annonce un nouveau cessez-le-feu unilatéral.

. Des centaines d'activistes du PKK bloquent plusieurs des principales autoroutes allemandes; sérieux affrontements avec les forces de l'ordre allemandes.

Juin : interviewé par l’hebdomadaire allemand “Stern” Abdallah Ocalan déclare : “la dissolution du PKK en Allemagne est une provocation... Le fait que l’Allemagne se range aux côtés de la Turquie contre les Kurdes ne restera pas sans conséquence”..

Avril : opération militaire turque au nord de l’Irak. Comme toujours en semblable occurrence, Ocalan se déclare sur le champ “prêt à faire la paix”.

Août : nouvelle opération militaire turque au nord de l’Irak.

Octobre : arrestation en Grande-Bretagne de Faysal Dunlayici, dit “Kani Yilmaz”, l’un des chefs du PKK.

. La Suisse, qui tenait les activistes du PKK sous haute surveillance depuis plusieurs mois, en expulse une vingtaine.

Novembre : nouveau cessez-le-feu unilatéral proposé par le PKK

Décembre : à Wuppertal, un kurde âgé de 27 ans, ex-militant en rupture avec le PKK, est assassiné par balles.

A la fin de l'année, le PKK aurait de 10 à 30 000 combattants (réguliers + milices locales). cette année là, 3905 guérilleros et 900 militaires et policiers turcs auraient été tués. Au total, depuis août 1984, il y aurait eu 12 661 morts au “Kurdistan turc” : 2657 membres des forces de sécurité turques; 3302 civils; 6702 membres, ou proches, du PKK.
 

1995

Janvier : en Allemagne, arrestation pour "terrorisme" de plusieurs militants du PKK.
. Massacre par le PKK de paysans à Hamzali, village de la province de Diyarbakir : 17 morts (dont 5 enfants et 4 femmes).

Février : attaque au cocktail-Molotov de six agences de voyage turques à Berlin, Brème et Cologne (Allemagne).
. Inculpation en Allemagne, pour terrorisme, d'un des chefs du "service action" du PKK pour la région de Stuttgart.

Mars : le 20 (veille du nouvel an kurde) l'armée turque lance un 6ème assaut, l' "Opération acier", dans la zone hors-contrôle du nord de l'Irak. Là se trouveraient, répartis en une vingtaine de camps, de 2500 à 3000 guérillero du PKK. Les troupes turques s'avancent à 45 km. dans le territoire irakien et commencent un ratissage difficile dans 10 000 km2 de pitons rocheux, canyons, etc. percés d'innombrables grottes. Les troupes turques sont appuyées par des combattants du PDK, qui contrôle en théorie la région.

. Au même moment, vague d'attentats anti-turcs en Allemagne. Un mois d'une véritable campagne de guérilla urbaine, au total plus de 80 attaques dans une vingtaine de villes du pays. Pour le porte-parole du PKK en Belgique, il s'agit d' "une réaction normale à l'oppression des kurdes".

. Suite à ces actions, dissolution du Bureau d'Information du Kurdistan (sis à Cologne, successeur du Comité du Kurdistan, lui-même dissous en novembre 1993, et de 5 associations kurdes de Bavière, comme étant des paravents du PKK.

. En mars et en avril, autres affrontements à Bâle (Suisse), suite à la fermeture d'un bureau du PKK , à Stockholm et Malmöe (Suède), à Vienne (Autriche) et à Amsterdam (Pays-Bas).

Avril : un mois après le début de l'offensive, il y aurait 464 maquisards du PKK tués au nord de l'Irak, et 12 capturés. Lors d'opérations analogues au "Kurdistan turc", 305 guérilleros du PKK tués, 49 capturés.

. Abdallah Ocalan menace les États-Unis et l'Europe d'un "Jihad au nom de l'humanité et de l'islam" si elles soutiennent encore l'offensive turque au nord de l'Irak. (interview au journal "al-Hayat", publié à Londres).

. Dans le sud-est de l'Anatolie, le PKK fait voter officieusement pour les islamistes du Refah partisi aux élections municipales turques.

Mai : La Bulgarie (où séjournent ± 9000 kurdes) interdit les activités du PKK sur son territoire.

Juin : un dirigeant du PKK arrêté à Kiel, Allemagne, pour terrorisme; ex-cadre du "service action" de son parti à Brème puis à Berlin.

. depuis 1984, plus de 13 000 morts au "Kurdistan turc", par la guérilla et sa répression.

. accrochage à la frontière irano-turque : 4 guérilleros du PKK et un militaire iranien sont tués.
. Ocalan dit à “Stern” : “Nous avons la force de faire [du “Kurdistan turc”] un autre Vietnam”.

Juillet : opération militaire turque (une semaine) au nord de l’Irak.

. Le ministre turc de l’Intérieur accuse la Syrie de continuer à protéger le PKK. Ocalan réside toujours partie en Syrie, partie au Liban.

Août : dans une note interne, le service de sécurité intérieure allemand déclare : “Le PKK a plongé si profondément dans la clandestinité qu’il est désormais impossible de l’infiltrer”.

. 2000 guérilleros du PKK attaquent violemment les bases du PDK au nord de l’Irak, près de la frontière turque (Dohouk, Zakho). Selon les experts régionaux, Ocalan agit ainsi au profit de Hafez al-Assad - pour qui la Syrie est une puissance régionale ayant droit de regard sur tout le Proche-Orient - et veut ainsi saboter l’accord d’armistice PDK - UPK récemment conclu en Irlande sous l’égide des Etats-Unis - sans bénédiction syrienne. Au nord de l’Irak, le PKK crée sur une base non-tribale l’Union Nationale-Démocratique du Kurdistan (UNDK) comme rivale du PDK, il compte localement sur l’appui du “Hizballah révolutionnaire du Kurdistan” (irakien) du cheikh Adham Barzani.

. 3 attentats à la bombe à Istanbul, 3 morts, 40 blessés. Revendication du PKK.

Septembre : alliance de facto UPK-PKK au nord de l’Irak.

Octobre : le président turc donne le bilan de la lutte contre le PKK depuis 1984 : 20663 morts. Dont : forces de sécurité turques, 4120 morts, 8006 blessés; civils, 4604 morts, 5571 blessés; guérillérox, 11939 morts, 5581 capturés, dont 427 blessés; 1514 guérilleros se sont rendus.

. Selon le PDK, les combats au nord de l’Irak ont fait à la fin du mois 750 morts, la plupart PKK. Le PKK est chassé de la zone frontière avec la Turquie (Dohouk) et traqué dans le triangle Iran-Irak-Turquie

Décembre : le 11, cessez-le-feu PDK-PKK au nord de l’Irak. Le 15, Ocalan décrète une trève unilatérale dans le sud-est de la Turquie.

. Bilan du terrorisme et de la guérilla en Turquie pour l’année 1995 : 4058 attentats, embuscades, etc. 3521 morts. 53 islamistes ou communistes combattants; 3468 dans la lutte contre le PKK. Dont : civils & gardes de villages, 433; forces de l’ordre, 481; PKK, 2554 morts.
 

1996

Mars : suite à de fortes pressions iraniennes, pacte de non-agression PDK-PKK au nord de l’Irak, échange de prisonniers etc.

Avril : opération militaire turque importante dans la région de Lice (nord-est de Diyarbakir). 100 cadres et guérilléros du PKK tués par surprise, alors qu’ils préparaient leur “offensive de printemps”.
 

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