Sélection
des "Ecrits militaires" de Mao Zedong
[Tous ces textes sont extraits des "Ecrits militaires de Mao Tsé-Toung",
Editions en langues étrangères, Pékin, 1968, qui contiennent
tous les morceaux classiques : " Une étincelle peut mettre le feu
à toute la plaine", "Problèmes stratégiques de la
guerre de partisans contre le Japon", De la guerre prolongée", etc.]
PROBLEMES STRATEGIQUES DE LA GUERRE REVOWTIONNAIRE EN CHINE
COMMENT ETUDIER LA GUERRE ? LES LOIS DE L4 GUERRE SONT EVOLUTIVES
( ... ) Nous faisons actuellement la guerre; notre guerre est une guerre
révolutionnaire et celle-ci est menée en Chine, c'est-à-dire
dans un pays semi-colonial et semi-féodal. C'est pourquoi nous devons
étudier non seulement les lois de la guerre en général,
mais également les lois spécifiques de la guerre révolutionnaire
et les lois spécifiques particulières de la guerre révolutionnaire
en Chine.
Personne n'ignore que, quelle que soit la chose qu'on entreprenne,
on ne peut connaître les lois qui la régissent, on ne sait
comment la réaliser et on ne peut la mener a bien que si l'on en
comprend les conditions, le caractère et les rapports avec les autres
choses.
La guerre qui a commencé avec l'apparition de la propriété
privée et des classes, est la forme suprême de lutte pour
résoudre, a une étape déterminée de leur développement,
les contradictions entre classes, entre nations, entre Etats ou entre blocs
politiques. Si l'on ne comprend pas les conditions de la guerre, son caractère,
ses rapports avec les autres phénomènes, on ignore les lois
de la guerre, on ne sait comment la conduire, on est incapable de vaincre.
La guerre révolutionnaire, qu'elle soit une guerre révolutionnaire
de classe ou une guerre révolutionnaire nationale, outre les conditions
et le caractère propres a la guerre en général, a
ses conditions et son caractère particuliers, et c'est pourquoi
elle est soumise non seulement aux lois de la guerre en général,
mais également à des lois spécifiques. Si l'on ne
comprend pas les conditions et le caractère particuliers de cette
guerre, si l'on en ignore les lois spécifiques, on ne peut diriger
une guerre révolutionnaire, on ne peut y remporter la victoire.
La guerre révolutionnaire en Chine qu'il s'agisse d'une guerre
civile ou d'une guerre nationale, se déroule dans les conditions
propres à la Chine et se distingue de la guerre en général
ou de la guerre révolutionnaire en géneral, par ses conditions
et son caractère particuliers. C'est pourquoi elle a, outre les
lois de la guerre en général et les lois de la guerre révolutionnaire
en général, des lois qui lui sont propres. Si l'on ne connaît
pas toutes ces lois, on ne peut remporter la victoire dans une guerre révolutionnaire
en Chine.
C'est pourquoi nous devons étudier les lois de la guerre en
général, les lois de la guerre révolutionnaire et,
enfin, les lois de la guerre révolutionnaire en Chine.
LE BUT DE LA GUERRE EST DE SUPPRIMER LA GUERRE
La guerre, ce monstre qui fait s'entre-tuer les hommes, finira par
être éliminée par le développement de la société
humaine, et le sera même dans un avenir qui n'est pas lointain. Mais
pour supprimer la guerre, il n'y a qu'un seul moyen : opposer la guerre
à la guerre, opposer la guerre révolutionnaire à la
guerre contre-révolutionnaire, opposer la guerre nationale révolutionnaire
a la guerre nationale contre-révolutionnaire, opposer la guerre
révolutionnaire de classe a la guerre contre-révolutionnaire
de classe. L'histoire n'a connu que deux sortes de guerres : les guerres
justes et les guerres injustes. Nous sommes pour les guerres justes et
contre les guerres injustes. Toutes les guerres contre-révolutionnaires
sont injustes, toutes lei; guerres révolutionnaires sont justes.
C'est nous-mêmes qui, de nos propres mains, mettrons fin à
l'époque des guerres dans l'histoire de l'humanité, et sans
aucun doute la guerre que nous faisons est une partie de la dernière
des guerres. Mais sans aucun doute aussi la guerre a laquelle nous ferons
face sera une partie de la plus grande et de la plus cruelle de toutes
les guerres. La plus grande et la plus cruelle des injustes guerres contre-révolutionnaires
nous menace, et la plus grande partie de l'humanité connaîtra
les pires souffrances si nous ne brandissons pas l'étendard de la
guerre juste. L'étendard de la guerre juste de l'humanité,
c'est l'étendard du salut de l'humanité; l'étendard
de la guerre juste en Chine, c'est l'étendard du salut de la Chine.
Une guerre menée par l'immense majorité de l'humanité
et l'immense majorité du peuple chinois est incontestablement une
guerre juste, c'est l'entreprise la plus noble et la plus glorieuse, l'entreprise
qui sauvera l'humanité et la Chine, un pont qui mène à
une ère nouvelle dans l'histoire du monde. Lorsque la société
humaine en arrivera à la suppression des classes, à la suppression
de l'Etat, il n'y aura plus de guerre - ni contre-révolutionnaires,
ni révolutionnaires, ni injustes, ni justes. Ce sera l'ère
de la paix perpétuelle pour l'humanité. En étudiant
les lois de la guerre révolutionnaire, nous partons de l'aspiration
à supprimer toutes les guerres ; c'est en cela que réside
la différence entre nous autres communistes et lei; représentants
de toutes les classes exploiteuses.
QUELLES SONT LES PARTICULARITES DE LA GUERRE REVOWTIONNAIRE EN CHINE?
Je crois qu'il y en a quatre principales.
La première, c'est que la Chine constitue un immense pays semi-colonial
qui se développe inégalement sur les plans politique et économique,
et qui a connu la révolution de 1924-1927.
Cette particularité indique qu'en Chine la guerre révolutionnaire
peut se développer et triompher. Nous avons déjà signale
cette possibilité (a la Première Conférence de l'Organisation
du Parti de la Région frontière du Hounan-Kiangsi) quand,
au cours de l'hiver 1927 et du printemps 1928, peu de temps après
le début de la guerre de partisans en Chine, certains camarades
des monts Tsingkang, dans la région frontière du Hounan et
du Kiangsi, ont posé la question suivante: "Réussirons-nous
à maintenir encore longtemps notre drapeau rouge ?" Car c'était
la une question fondamentale. Si nous n'avions pas répondu a la
question de savoir si les bases révolutionnaires chinoises et l'Armée
rouge Chinoise pouvaient exister et se développer, nous n'aurions
pas pu avancer d'un seul pas. Le VIe Congrès du Parti communiste
chinois, en 1928, y répondit une nouvelle fois. Dès lors,
le mouvement révolutionnaire chinois avait reçu une base
théorique juste.
La deuxième particularité de la guerre révolutionnaire
en Chine, c'est que notre ennemi est fort.
Dans quelle situation. se trouve le Kuomintang, l'adversaire de l'Armée
rouge ? Le Kuomintang est un parti qui s'est empare du pouvoir politique
et qui, dans une certaine mesure, a consolidé son pouvoir. Il bénéficie
de l'aide de tous les principaux pays impérialistes. Il a procédé
à une refonte de son armée, de telle sorte que celle-ci se
distingue de toutes les armées ayant jamais existé en Chine
et ressemble, dans ses traits essentiels, aux armées des Etats modernes.
Par son armement et son équipement, cette armée dépasse
de beaucoup l'Armée rouge - par ses effectifs, elle dépasse
toute autre armée connue dans l'histoire de la Chine, de même
que les armées permanentes de n'importe quel Etat du monde ; elle
est absolument sans commune mesure avec l'Armée rouge. Le Kuomintang
s'est emparé de tous les leviers de commande et de toutes les positions-clés
dans les domaines politique et économique, dans le domaine des voies
de communication comme dans le domaine culturel de la Chine, et son pouvoir
s'étend à l'ensemble de la nation. ( ... )
La troisième particularité de la guerre révolutionnaire
en Chine, c'est que l'Armée rouge est faible.
L'Armée rouge chinoise est née des détachements
de partisans formés après l'échec de la Première
Grande Révolution. Ceci s'est produit non seulement dans une période
de réaction en Chine, mais également dans une période
de stabilisation politique et économique relative des Etats capitalistes
réactionnaires du monde.
Notre pouvoir politique se trouve disperse, isolé, dans des
régions montagneuses ou reculées et ne reçoit aucune
aide extérieure. Au point de vue des conditions économiques
et culturelles, les bases révolutionnaires retardent sur les régions
du Kuomintang. Elles ne comptent que des villages et des petites villes.
A l'origine, elles étaient, territorialement, extrêmement
réduites, et elles ne se sont guère agrandies par la suite.
De plus, elle ne sont pas stables ; l'Armée rouge ne dispose pas
de bases véritablement solides.
L'Armée rouge a de faibles effectifs ; ses hommes sont mal armes
et son ravitaillement en vivres, couvertures, vêtements, etc. se
fait dans des conditions extrêmement difficiles. ( ... )
La quatrième particularité de la guerre révolutionnaire
en Chine, c'est que le Parti communiste en assume la direction et c'est
la révolution agraire.
Cette particularité découle nécessairement de
la première. Elle conditionne la situation sous deux aspects. D'une
part, bien que la Chine, tout comme le monde capitaliste, traverse une
période de réaction, la guerre révolutionnaire en
Chine peut aboutir à la victoire, car elle est menée sous
la direction du Parti communiste chinois et elle jouit de l'appui de la
paysannerie. Grâce a cet appui, nos bases bien que de faible étendue,
constituent une grande force politique et s'opposent fermement au pouvoir
du Kuomintang, qui s'étend sur de vastes régions, et elles
créent, sur le plan militaire, de grosses difficultés a l'avance
des troupes du Kuomintang. L'Armée rouge, malgré ses faibles
effectifs, se distingue par une grande capacité combative, car ses
hommes, dirigés par le Parti communiste, sont venus à nous
au cours de la révolution agraire et luttent pour leurs propres
intérêts ; en outre, commandants et combattants y sont politiquement
unis. ( ... )
DE CES PARTICULARITES DECOULENT NOTRE STRATEGIE ET NOTRE TACTIQUE
Déterminer correctement notre orientation stratégique,
lutter contre l'aventurisme dans l'offensive, contre le conservatisme dans
la défensive, contre l'esprit des paniquards pendant les déplacements;
Lutter contre l'esprit de partisans dans l'Armée rouge, tout
en reconnaissant à celle-ci son caractère d'armée
de partisans;
Nous opposer a des campagnes de longue durée et à une
stratégie de décision rapide et nous prononcer pour une stratégie
de guerre prolongée et des campagnes de décision rapide;
Lutter contre les lignes d'opérations fixes et la guerre de
position et nous prononcer pour les lignes d'opérations mobiles
et la guerre de mouvement;
Lutter contre les opérations visant seulement à mettre
l'ennemi en déroute, et nous prononcer pour celles qui visent à
son anéantissement;
Lutter contre la stratégie visant à frapper des deux
poings dans deux directions a la fois et nous prononcer pour celle visant
a frapper d'un seul poing dans une seule direction a un moment donne;
Lutter contre le maintien d'un service de l'arrière encombrant,
et nous prononcer pour la création d'un service de l'arrière
léger;
Lutter contre la centralisation absolue du commandement et nous prononcer
pour une centralisation relative du commandement;
Lutter contre le point de vue purement militaire et la mentalité
de "hors-la-loi" et reconnaître que l'Armée rouge joue le
rôle de propagandiste et d'organisateur de la révolution chinoise;
Lutter contre le banditisme, et nous prononcer pour une stricte discipline
politique;
Lutter contre les tendances militaristes et nous prononcer à
la fois pour la démocratie, dans certaines limites, au sein de l'armée
et pour une discipline militaire fondée sur l'autorité;
Lutter contre une politique incorrecte, sectaire, en ce qui concerne
le problème des cadres et nous prononcer pour un politique juste
dans ce domaine;
Lutter contre la politique d'auto-isolement et reconnaître la
nécessité de gagner a nous tous les alliés possibles;
Lutter contre ceux qui voudraient que l'Armée rouge en reste
à son ancien stade de développement et lutter pour qu'elle
passe a un nouveau stade.
INITIATIVE, SOUPLESSE ET PLAN DANS LA CONDUITE :
- DES OPERATIONS OFFENSIVES AU COURS DUNE GUERRE DEFENSIVE,
- DES OPERATIONS DE DECISION RAPIDE AU COURS DUNE GUERRE DE LONGUE
DUREE
- ET DES OPERATIONS A LEXTERIEUR DES LIGNES AU COURS DE LA GUERRE A
L'INTERIEUR DES LIGNES
Ce chapitre se subdivise en quatre parties:
1) la liaison entre la défensive et l'offensive, entre la guerre
de longue durée et les opérations de décision rapide,
entre les opérations à l'intérieur des lignes et les
opérations à l'extérieur des lignes;
2) l'initiative dans toute action militaire;
3) la souplesse dans l'utilisation des forces;
4) l'établissement d'un plan pour chaque opération.(
... ) Dans la mesure ou le Japon est un pays puissant et mène l'offensive,
et où nous-mêmes sommes un pays faible et sommes sur la défensive,
l'ensemble de la Guerre de Résistance se définit du point
de vue stratégique comme une guerre défensive et de longue
durée.( ...)
COORDINATION AVEC LA GUERRE REGULIERE
Le deuxième problème stratégique de la guerre
de partisan concerne la coordination de celle-ci avec la guerre régulière.
Il s'agit de mettre en lumière le lien entre les opérations
de partisans et les opérations régulières, en partant
du caractère des opérations concrètes des partisans.
Pour frapper l'ennemi avec efficacité, il est important de comprendre
ce lien.
Il y a trois sortes de coordination entre la guerre de partisans et
la guerre régulière : en stratégie, dans les campagnes
et dans les combats.
Prise dans son ensemble, la guerre de partisans a l'arrière
de l'ennemi, dont le rôle est d'affaiblir ce dernier, de fixer ses
forces et d'entraver ses communications, et qui apporte, dans tout le pays,
son soutien moral aux troupes régulières et au peuple tout
entier, etc. est en coordination stratégique avec la guerre régulière.
CREATION DE BASES D'APPUI
Le troisième problème stratégique de la guerre
de partisans contre le Japon concerne la création de bases d'appui.
Leur nécessité et leur importance découlent de la
longue durée et du caractère acharne de la guerre. Jusqu'au
moment où la contre-offensive stratégique a l'échelle
nationale permettra de récupérer tous les territoires perdus,
le front ennemi pénétrera profondément dans la partie
centrale de notre pays, le coupera en deux, et près de la moitié,
voire la plus grande partie de notre territoire sera entre les mains de
l'ennemi et deviendra son arrière. Nous devrons développer
la guerre de partisans sur l'ensemble de ce vaste territoire occupé
et transformer en front de combat les arrières de l'ennemi, de façon
qu'il soit oblige de se battre constamment sur tout le territoire qu'il
aura occupé. Tant que nous n'aurons pas commencé notre contre-offensive
stratégique, tant que nous n'aurons pas repris les territoires perdus,
nous devrons poursuivre avec tenacité la guerre de partisans à
l'arrière de l'ennemi. Bien qu'il ne soit pas possible de déterminer
avec précision combien de temps durera cette période, il
est certain qu'elle sera longue. Cela signifie que notre guerre sera une
guerre de longue durée. En même temps, l'ennemi, s'efforçant
de sauvegarder ses intérêts dans les territoires occupes,
intensifiera nécessairement chaque jour sa lutte contre les partisans,
les soumettant a sa répression féroce, surtout lorsque son
offensive stratégique aura pris fin. Ainsi, la guerre sera non seulement
longue mais encore acharnée et, sans bases d'appui, il ne sera pas
possible de soutenir longtemps la guerre de partisans à l'arrière
de l'ennemi.
TYPES DE BASES D'APPUI
Les bases d'appui dans la guerre de parti sans anti-japonaise sont
principalement de trois types : bases d'appui dans lei; montagnes, bases
d'appui dans les plaines, bases d'appui dans les régions de rivières,
lacs et estuaires.
DEFENSE STRATEGIQUE ET ATTAQUE STRATEGIQUE DANS LA GUERRE DE PARTISANS
Le quatrième problème stratégique de la guerre
de partisans concerne la défense stratégique et l'attaque
stratégique. Il consiste à savoir comment, dans la guerre
de partisans contre le Japon, appliquer concrètement, dans la défensive
comme dans l'offensive, le principe des opérations offensives expose
ci-dessus à propos du premier problème.
Dans la défense stratégique et l'attaque stratégique
(il serait plus juste de dire la contre-attaque stratégique) à
l'échelle nationale s'inscrivent la défense stratégique
et l'attaque stratégique réalisés à petite
échelle dans la région de chaque base d'appui de partisans
et autour d'elle. Dans le premier cas, il s'agit de la situation stratégique
qui se crée lorsque l'ennemi attaque et que nous sommes sur la défensive,
et de notre stratégie pour cette période. Dans le second
cas, il s'agit de la situation stratégique qui se crée lorsque
l'ennemi est sur la défensive et que nous attaquons, et de notre
stratégie pour cette période.( ... )
LA DEFENSE STRATEGIQUE DANS LA GUERRE DE PARTISANS
Lorsque la guerre de partisans aura commencé et atteint une
certaine ampleur, et surtout lorsque l'ennemi aura mis fin à son
offensive stratégique contre l'ensemble de notre pays et passe à
la défense des territoires occupes, l'offensive de l'ennemi contre
les bases d'appui de la guerre de partisans deviendra inéluctable.
Il est indispensable de le comprendre, car dans le cas contraire les dirigeants
de la guerre de partisans ne se tiendraient pas sur leurs garder et, face
à une offensive sérieuse de l'ennemi, ils seraient saisis
de panique et se feraient battre.(...)
L'ATTAQUE STRATEGIQUE DANS LA GUERRE DE PARTISANS
Apres que l'attaque de l'ennemi a été brisée et
avant qu'il n'en entreprenne une nouvelle, il y a une période où
il se trouve sur la défensive stratégique et où nous
passons à l'offensive stratégique.( ... )
PASSAGE DE LA GUERRE DE PARTISANS A LA GUERRE DE MOUVEMENT
Le cinquième problème stratégique de la guerre
de partisans contre le Japon est le passage de la guerre de partisans a
la guerre de mouvement. La nécessité et la possibilité
d'un tel passage découlent également de la longue durée
et du caractère acharné de la guerre. En effet, si la Chine
pouvait rapidement remporter la victoire sur les bandits japonais et recouvrer
les territoire perdus et si, en conséquence, la guerre n'était
pas longue et n'avait rien d'acharné, la transformation de la guerre
de partisans en guerre de mouvement ne serait pas une nécessité.
Mais comme, au contraire, la guerre se révèle longue et acharnée,
on ne peut s'y adapter qu'a la condition de transformer la guerre de partisans
en guerre de mouvement. Dans la mesure où la guerre est longue et
acharnée, elle permettra aux détachements de partisans d'acquérir
la trempe nécessaire et de se transformer peu à peu en unités
régulières; en conséquence de quoi les former, de
combat qu'ils utilisent se rapprocheront aussi, peu à peu, de celles
des unités régulières, et la guerre de partisans se
développera en guerre de mouvement. Les dirigeants de la guerre
de partisans doivent voir clairement cette nécessite et cette possibilité,
alors seulement ils pourront s'en tenir fermement a la ligne de la transformation
de la guerre de partisans en guerre de mouvement et la mettre systématiquement
en pratique.( ... )
RAPPORTS DANS LE COMMANDEMENT
Le dernier problème stratégique de la guerre de partisans
contre le Japon porte sur les rapports dans le commandement. Sa solution
correcte est l'une des conditions nécessaires pour développer
avec succès la guerre de partisans.
Comme les détachements de partisans sont la forme inférieure
d'organisation de forces armées et que leur caractéristique
est il éparpillement des opérations, la guerre de partisans
ne permet pas le commandement hautement centralisé propre à
la guerre régulière. Si l'on tente de transposer dans la
guerre de partisans les méthodes de commandement de la guerre régulière,
on restreindra inévitablement la grande mobilité de la guerre
de partisans, et celle-ci perdra son dynamisme. Le haut degré de
centralisation du commandement est en contradiction directe avec cette
grande mobilité.( ... )
LES TROIS ETAPES DE LA GUERRE PROLONGEE
Etant donne que la guerre sino-japonaise sera une guerre de longue
durée et que la victoire finale reviendra à la Chine, on
peut logiquement prévoir que cette guerre prolongée traversera
trois étapes au cours de son développement. La première
sera l'étape de l'offensive stratégique de l'ennemi et de
notre défensive stratégique; la deuxième, l'étape
de la consolidation stratégique des positions de l'ennemi et de
notre préparation à la contre-offensive; la troisième,
l'étape de notre contre-offensive stratégique et de la retraite
stratégique de l'ennemi. Il est impossible de prévoir quelle
sera la situation concrète à chacune de ces trois étapes;
mais, à en juger par les conditions actuelles, il est possible d'indiquer
quelques tendances fondamentales du développement de la guerre.
La réalité objective sera exceptionnellement riche en événements
et suivra un cours sinueux, et aucun d'entre nous n'est à même
d'établir "l'horoscope" de la guerre sino-japonaise, mais la direction
stratégique de la guerre exige que soient définies les lignes
essentielles des tendances de son développement. C'est pourquoi,
bien que ces lignes ne puissent concorder entièrement avec les événements
ultérieurs qui permettront de les rectifier, il n'en reste par,
moins nécessaire de les tracer, dans l'intérêt d'une
direction stratégique ferme et bien définie de cette guerre
prolongée.( ... )
De cette guerre longue et acharnée le peuple chinois sortira
fortement trempé. Les différents partis politiques qui prennent
part à la guerre se tremperont aussi et seront mis à l'épreuve.
Il faut maintenir fermement le front uni; sans maintenir fermement le front
uni on ne peut poursuivre la guerre avec résolution; sans maintenir
fermement le front uni et sans poursuivre la guerre avec ténacité,
on ne peut remporter la victoire finale. Ainsi seulement nous saurons surmonter
toutes les difficultés. Apres avoir parcouru le chemin difficile
de la guerre, nous déboucherons sur la route de la victoire. C'est
la logique même de la guerre.( ... )
LA GUERRE DE MOUVEMENT, LA GUERRE DE PARTISANS ET LA GUERRE DE POSITION
( ... ) Nous sommes pour une guerre de mouvement qui consiste à
poursuivre des opérations offensives de décision rapide à
l'extérieur des lignes dans les campagnes et les combats; une telle
guerre comprend aussi la guerre de position limitée à un
rôle auxiliaire, "la défense mobile" et la retraite sans lesquelles
il est impossible de faire une guerre de mouvement dans la pleine acception
du terme. On peut dire de la mentalité du risque-tout qu'elle est
une myopie militaire. L'origine en est, le plus souvent, la crainte de
perdre des territoires. Ces "risque-tout" ne comprennent pas que l'une
des particularités de la guerre de mouvement est sa mobilité,
qui admet et exige qu'une armée de campagne avance ou recule à
grande étapes. Sur le plan positif, pour placer l'ennemi dans des
conditions défavorables et nous mettre nous-mêmes dans des
conditions favorables, il est souvent nécessaire que l'ennemi soit
en mouvement et que nous nous assurions toute une série d'avantages,
par exemple : un terrain favorable, une situation qui rend l'ennemi vulnérable,
une population prête à empêcher les informations de
filtrer dans le camp adverse, la fatigue de l'ennemi, sa surprise devant
nos coups. Ainsi, il faut donc que l'ennemi avance et nous ne devrions
pas regretter la perte temporaire d'une partie de notre territoire, puisqu'elle
est le prix que nous payons pour conserver définitivement tout notre
territoire ou recouvrer les territoires perdus. Sur le plan négatif,
chaque fois que nous sommes réduits à une position défavorable
qui menace sérieusement l'intégrité de nos forces,
nous devons avoir le courage de nous replier pour conserver nos forces
et porter de nouveaux coups à l'ennemi au moment propice. Or, les
"risquetout" ne comprennent pas cette vérité; se trouvant
dans une situation manifestement défavorable, ils continuent a se
battre pour chaque ville, pour chaque bout de territoire, il en résulte
qu'ils perdent non seulement ville et territoire, mais qu'ils ne parviennent
même pas à conserver leurs propres forces. Nous avons toujours
été partisans "d'attirer l'adversaire loin dans l'intérieur
de notre territoire", justement parce que c'est la politique militaire
la plus efficace que puisse adopter une armée faible contre une
armée forte au cours de la défense stratégique.
De toutes les formes d'opérations militaires dans la Guerre
de Résistance, la guerre de mouvement est la forme principale et
la guerre de partisans vient ensuite. Lorsque nous disons que, dans l'ensemble
de la guerre, la guerre de mouvement est la forme principale et la guerre
de partisans la forme auxiliaire, nous entendons que le sort de la guerre
dépend principalement des opérations régulières,
et particulièrement de celles menées sous forme de guerre
de mouvement, et que la guerre de partisans ne peut assumer la responsabilité
principale dans la détermination de l'issue de la guerre. Mais cela
ne veut pas dire que la guerre de partisans ne joue pas un rôle stratégique
important dans la Guerre de Résistance. Dans cette guerre prise
dans son ensemble, la guerre de partisans ne le cède en importance
stratégique qu'à la guerre de mouvement, car il est impossible
de vaincre l'ennemi sans s'appuyer sur les forces des partisans. Il en
découle que nous avons pour tache stratégique de transformer
la guerre de partisans en guerre de mouvement. Au cours d'une guerre longue
et acharnée, la guerre de partisans ne restera pas ce qu'elle est,
mais s'élèvera jusqu'au niveau de la guerre de mouvement.
Elle joue ainsi un double rôle stratégique : d'une part, elle
aide aux succès des opérations régulières et
d'autre part elle se transforme elle-même en guerre régulière.(
... )
La Guerre de Résistance prendra, au cours de ses trois étapes
stratégiques, les formes suivantes: Dans la première étape,
la forme principale est la guerre de mouvement, les formes auxiliaires
la guerre de partisans et la guerre de position. A la deuxième étape,
la guerre de partisans prendra la première place, tandis que la
guerre de mouvement et la guerre de position seront les formes auxiliaires.
Dans la troisième étape, la guerre de mouvement redeviendra
la forme principale, alors que la guerre de position et la guerre de partisans
joueront un rôle auxiliaire. Mais, dans cette troisième étape,
la guerre de mouvement ne sera plus faite seulement par les troupes régulières
du début; elle sera pour une part et très probablement une
part assez importante, assumée par d'anciens détachements
de partisans qui auront alors atteint le niveau des troupes régulières.
L'examen de ces trois étapes montre que, dans la Guerre de Résistance
menée par la Chine, la guerre de partisans n'est aucunement une
chose dont on puisse se passer. Au contraire, elle est appelée a
y jouer un rôle grandiose, encore sans exemple dans l'histoire des
guerres de l'humanité. C'est pourquoi il est absolument indispensable
de prélever, sur notre armée régulière de plusieurs
millions d'hommes, au moins quelques centaines de milliers d'hommes et
de les repartir sur tous les territoires occupes par l'ennemi, Où
ils appelleront les masses a s'armer et entreprendront avec elles la guerre
de partisans. Les troupes qui auront été détachées
a cette fin devront assumer cette tache sacrée en toute conscience;
elles ne doivent pas penser qu'elles verront leur valeur diminuer parce
qu'elles auront moins de grandes batailles à livrer et qu'elles
ne pourront, pour un temps, faire figure de héros nationaux. De
telles conceptions sont fausses. La guerre de partisans n'apporte pas des
succès aussi rapides ni une gloire aussi éclatante que la
guerre régulière, mais, comme dit le proverbe, "c'est dans
un long voyage qu'on voit la force du coursier, et dans une longue épreuve
le coeur de l'homme". Au cours d'une guerre longue et acharnée,
la guerre de partisans apparaîtra dans toute sa puissance; elle n'est
certes pas une entreprise ordinaire. De plus, en éparpillant ses
forces, une armée régulière peut entreprendre une
guerre de partisans, et en les rassemblant, une guerre de mouvement; ainsi
opère la VIIIe Armée de Route. Le principe adopté
par celle-ci est le suivant : "Faire essentiellement une guerre de partisans,
sans se refuser à la guerre de mouvement lorsque les circonstances
sont favorables". Ce principe est tout à fait juste, alors que les
points de vue opposés sont erronés.
Dans l'état actuel de son équipement technique, la Chine
ne peut pas, en général, pratiquer une guerre de position,
qu'elle soit défensive ou offensive; c'est là d'ailleurs
une des manifestations de notre faiblesse. De plus, l'ennemi profitera
de l'étendue de notre territoire pour tourner nos ouvrages de défense.
C'est pourquoi la guerre de position ne peut être considérée
chez nous comme un moyen important, encore moins comme le moyen principal
de faire la guerre. Cependant, au cours des première et deuxième
étapes de la guerre, il est possible et nécessaire, dans
le cadre d'une guerre de mouvement, de recourir sur le plan local à
la guerre de position, en tant que moyen auxiliaire dans les campagnes.
La "défense mobile", de caractère semi-positionnel, qui consiste
à opposer une résistance échelonnée afin d'épuiser
l'ennemi et de gagner du temps, est à plus forte raison une partie
indispensable de la guerre de mouvement. La Chine doit s'efforcer de doter
son armée d'un équipement moderne, de façon a être
pleinement en mesure, dans l'étape de la contre-offensive stratégique,
d'exécuter ses attaques contre les positions fortifiées de
l'ennemi. Il n'est pas douteux qu'à l'étape de la contre-offensive
stratégique la guerre de position prendra de l'importance, car l'ennemi
passera alors a la défense énergique de ses positions et,
à moins de lancer contre elles de puissantes attaques en coordination
avec les opération de la guerre de mouvement, nous ne pourrons recouvrer
les territoire perdus. Il n'en sera pas moins nécessaire, à
la troisième étape, de tendre tous nos efforts pour conserver
la guerre de mouvement comme forme principale de la guerre, parce que,
dans une guerre de position sous la forme qu'elle a prise en Europe occidentale
au cours de la seconde moitié de la Première guerre mondiale,
l'art de conduire la guerre et le rôle actif de l'homme perdent en
grande partie leur valeur. Il est donc tout naturel de "faire sortir la
guerre des tranchées", puisqu'elle se déroule sur les vastes
territoires de la Chine et que celle-ci continuera à être
faiblement équipée pendant un temps assez long. Même
dans la troisième étape, il est peu probable que nous puissions
dépasser l'ennemi du point de vue de l'équipement technique,
malgré les progrès qui auront été réalisés
en Chine; nous serons donc amener à développer à un
haut degré la guerre de mouvement, sans laquelle la victoire finale
nous échapperait. Ainsi, en Chine, la guerre de position ne sera
la forme principale de la Guerre de Résistance a aucune de ses étapes,
ce sont la guerre de mouvement et la guerre de partisans qui en seront
les formes principales ou des formes importantes. L'art de la conduite
de la guerre et le rôle actif de l'homme trouveront dans ces formes
un vaste champ à leur développement : ce sera un bonheur
dans notre malheur."
[Deux livres viennent de paraître aux Etats-Unis :
.,The new emperors : China in the era of Mao and Deng" écrit
par Harrison salisbury (Little, Brown ed., 544 p.) et "The claws of the
dragon: Kang Sheng" de John Byron et Robert Pack (Simon & Schuster
ed. 560 p.).
A partir de documents irréfutables, de centaines d'entretiens,
ces deux ouvrages font une description détaillée et au total
hallucinante du chaos dans lequel Mao et consorts ont plongé la
Chine et sur la folie meurtrière règnant dans leurs goulags;
sans oublier des précisions pittoresques sur la corruption et des
moeurs débauchées du Grand Timonier et de ses épigones
-au point qu'une critique de ces ouvrages est intitulée "Sex, drugs
and Mao Tsetung"... Ce qui prouve que les capacités militaires sont
une chose et la vertu spartiate, une autre ... ]
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