Les communistes-combattants turcs en Europe et au Proche-orient

En juillet 1991, la section de recherches de la Gendarmerie de Sens, dans l'Yonne, démantèle un réseau d'escroquerie aux Assedic, dirigé lui aussi par des turcs. Ils vendaient à des clients-complices de faux certificats de travail, feuilles de paie et lettres de licenciement à en-tête de sociétés fictives qu'ils avaient créées et fait enregistrer comme employeur. Nantis de ces papiers, les "ayant-droits" n'avaient plus qu'à s'inscrire à l'ANPE et à percevoir leurs indemnités de ch»mage : 4000 francs par mois. L'affaire durait depuis plus d'un an et a coûté aux Assedic plus de dix millions de francs. Une somme qui a en grande partie servi à alimenter les caisses de groupes terroristes turcs, dont, justement Dev. Sol.

Encore de telles "pompes à fric" ne contribuent-elles que très modestement au trésor de guerre de ces mouvements, en comparaison avec l' "imp»t révolutionnaire", autrement dit le racket. Selon les experts officiels, rares sont les ateliers de confection -légaux ou clandestins-les restaurants ou les nombreuses agences de voyage turcs qui échappent au paiement d'un "imp»t" qui rapporte aux terroristes des sommes considérables.

Dans une des rares affaires de racket amenée devant la justice -les plaintes et les témoignages sont rarissimes- quelques collecteurs liés à l' "Armée ouvrière-paysanne de libération de la Turquie" (TIKKO) ont récolté auprès d'une dizaine de commerces un peu plus de dix millions de francs en un an. Pour la seule France, ce sont ainsi des centaines de millions qui vont chaque année, depuis une décennie au moins et dans la plus parfaite illégalité, alimenter les groupes terroristes marxistes-léninistes turcs. Qui sont encore mieux représentés chez nos voisins : en 1988, des experts turcs et européens, comparant leurs dossiers, estimaient que les associations et autres "cercles culturels" proches de ceux-ci étaient au nombre de 408 en Europe : 289 en Allemagne, 29 en Hollande, 23 en Grande-Bretagne, 17 en Belgique, 13 en Suède; 12 enfin, en France, la plupart servant de relais aux guérillas communistes-combattantes de Turquie.

Ces organisations ont également des relations très dangereuses au Proche-orient et ce depuis plus de deux décennies :

• En décembre 1974, dix militants de l’APLT, dont la veuve de Mahir Cayan, sont arrêtés dans une villa de Villiers-sur-Marne, dans le Val-de-Marne en compagnie d’un algérien et de deux palestiniens. Ces derniers sont des militants du FPLP et plus particulièrement de son redoutable “Commandement des Opérations Spéciales à l’Etranger”, COSE, auteur des attentats les plus spectaculaires de la décennie 70, sous la direction de Wadi Haddad. C’est au COSE-FPLP que “Carlos”, “Hagop Hagopian”, George Ibrahim Abdallah, Abou Ibrahim, Selim Abou Salem et Fusako Shigenobu firent leurs premières armes (1) . Dans la villa, on trouve 20 kg. d’explosif de type plastic, 30 détonateurs, des lettres piégées prêtes à l’envoi et 18 grenades M.26.

Des grenades dont l’histoire est édifiante : elles ont été volées en 1971 dans une base américaine proche de Kaiserslautern, en Allemagne, par un commando de la RAF dirigé par Rolf Pohle, un proche de “Carlos”. Les trois quarts des grenades sont remises à ce dernier, alors responsable des opérations en Europe du COSE-FPLP. “Carlos” jette une de ces grenades dans le Drugstore Saint-germain en septembre 1974 et en distribue d’autres à ses complices :

• En mars 1982, le mitraillage de la facade de la mission commerciale d’Israël à Paris est revendiqué de Beyrouth par Action directe, les “Brigades marxistes-léninistes de propagande armée” (Kurtulus) et les Fractions armées révolutionnaires libanaises (Farl).

• Dés 1982, des liens se nouent dans la vallée de la Bekaa entre des militants de l’Armée secrète pour la libération de l’Arménie, ASALA et de l’ “Armée de libération de la Turquie et du Kurdistan du Nord (TKKKO), une scission du TKP-ML (voir p...) dirigée par Mustafa Kacaroglou et implantée à Ankara, Istanbul, Izmir, Diyarbakir et Gaziantep. Etroitement liée à la Syrie, cette organisation joue un r»le peu clair dans l’éclatement de l’ASALA durant le mois de juillet 1983 (Voir le “Rapport rédigé par Moujahid”, “Notes & Etudes” N° 11-12, août-octobre 1989, dans le dossier ASALA “La chute de la maison Hagop”).

(1) Pour l’histoire détaillée du COSE-FPLP, lire “La Nébuleuse, le terrorisme du Moyen-orient”, Fayard, 1987, PP. 40-58.

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