Seyyed (1) Fadlallah
est le fils de l'Ayatollah Abdel Rauf Fadlallah, originaire du village
sud-libanais d'Aïnata (2).
Il est né à Nadjaf (3)
en 1935. Son père s'était établi dans cette ville
en 1928 pour étudier la théologie et y est resté près
de 20 ans.
Etudiant en théologie lui-même, Mohamed-Hussein Fadlallah
a pour maîtres les plus grands des docteurs de la foi Chi'ite :
- l'Ayatollah Ozma (4)
Haj Seyyed Mohsen El-Hakim El-Tabataba'i, "source d'imitation" (5)
Irakienne.
- mais surtout du Grand Ayatollah Haj Seyyed Abdul-Kassim Moussavi
Kho'i (6), intellectuel
et théologien Chi'ite prestigieux et, bien qu'il vive en Irak, "source
d'imitation" de la communauté Chi'ite libanaise. C'est Kho'i qui
décerna à Mohamed-Hussein Fadlallah son titre de "Mutjahid" (7).
Il arrive au Liban en 1966 et se fixe à Beyrouth, dans la quartier
de Nab'a, une enclave palestino-Chi'ite dans ce qui est aujourd'hui Beyrouth-Est.
Là, Mohamed-Hussein Fadlallah partage son temps, à la manière
caractéristique des Pasteurs Chi'ites, entre :
- Le travail social. Autour de sa Husseinyeh (8)
il crée tout un réseau d'associations sociales et culturelles,
dont une clinique, un club sportif pour les jeunes et une école
préparatoire aux études islamiques.
- Le travail intellectuel. Il produit à cette époque
des textes spirituels de haute tenue, qui accréditent sa réputation
de théologien brillant.
Notons qu'à cette époque, Mohamed-Hussein Fadlallah se
tient à l'écart de toute activité politique.
En 1975, éclate la guerre civile et, en 1976, les phalanges
encerclent le quartier de Nab'a et engagent la bataille contre la résistance
Palestinienne. La population Chi'ite s'enfuit en totalité du quartier
et se réfugie à Beyrouth-Ouest, surtout dans la banlieue
sud.
Après un bref séjour au Sud-Liban, à Bent-Ibeil,
Mohamed-Hussein Fadlallah revient à Beyrouth et se fixe à
Bir-El-Abed, dans la banlieue sud de la Capitale.
C'est à cette époque que l'Ayatollah Ozma Kho'i fait
de son élève et disciple Fadlallah son représentant
personnel au Liban. Comme Kho'i est toujours l'autorité religieuse
suprême de la communauté Chi'ite libanaise, Fadlallah retire
de cette promotion un prestige et une influence considérables.
Au nom de Kho'i, Fadlallah établit à Beyrouth une importante
institution charitable comprenant un orphelinat, une école et une
mosquée. En apparence, Seyyed Fadlallah se tient toujours à
l'écart de la politique, et, notamment, évite de s'engager
au côtés du leader Chi'ite libanais Moussa Sadr et de son
"mouvement des déshérités" (9).
Cela dit, il semble bien qu'une branche libanaise du mouvement Chi'ite
activiste irakien, Al-Daoua ait été constitué discrètement
dès le début des années 70 pour effectuer en profondeur
le travail révolutionnaire islamique. Si l'Ayatollah Ozma Kho'i
a toujours prôné l'apolitisme absolu, on voit mal comment
Mohamed-Hussein Fadlallah, ami et sans doute parent du clan El Hakim, aurait
pu ne pas participer à un projet piloté par les fils de son
vieux maître, et recrutant principalement des irakiens Chi'ites émigrés
au Liban et des libanais passés par les séminaires de Nadjaf
et de Kerbela.
Tout cela explique pourquoi, après la révolution islamique
d'Iran, Fadlallah prenne une stature de plus en plus politique et activiste,
et se rende fréquemment à Téhéran, où
il est reçu avec plaisir et déférence.
La mosquée de Bir -El-Abed (de l'Imam Rida, ou Reza) devient
le lieu de rassemblement de la très militante Union des étudiants
musulmans libanais, union dont il est le guide spirituel, ainsi que le
principal inspirateur et rédacteur de leur journal "Al-Mountalik".
L'invasion israélienne donne une stature nouvelle à Fadlallah.
Ses sermons contre les forces d'occupation israéliennes, la force
multinationale et le gouvernement de Gemayel sont bien reçus par
la communauté Chi'ite et contribuent à sa mobilisation. Il
encourage ouvertement le Jihad défensif au Sud-Liban, et plusieurs
sources lui attribuent même la paternité morale des attentats
par véhicule-bombe d'avril (ambassade des Etats-Unis) et d'octobre
1983 à Beyrouth (casernement des "Marines" et des parachutistes).
Fadlallah qualifie ces attaques d'"héroïques" mais, à
propos de sa responsabilité, déclare "c'est trop ridicule
pour que je me donne la peine de nier" (10).
Depuis l'émergence du HizbAllah -dans laquelle Al-Daoua/Liban
a joué un rôle crucial- Seyyed Fadlallah est considéré
comme son guide spirituel, ce qu'il ne nie pas. Il dément en revanche
faire partie de la direction politico militaire du "Parti de Dieu", et
explique que ses chefs ont été "inspirés par ses sermons".
Cela dit, le rôle politique de Mohamed-Hussein Fadlallah est,
sur la scène libanaise et au-delà, d'une grande importance.
Personnalité charismatique, il a un sens politique aigu, beaucoup
de ruse et une appréciation fort lucide du rapport des forces au
niveau local régional, et même mondial. A long terme, l'objectif
qu'il poursuit est l'établissement d'un Etat islamique au Liban,
la destruction d'Israël et l'éradication de l'impérialisme
au Moyen-Orient. Réaliste, il souligne que ces objectifs sont très
lointains, que, pour l'instant, le Liban n'est pas mur pour devenir un
Etat islamique et que la résistance islamique conduite depuis le
Liban ne suffira pas à libérer la Palestine.
Son rôle de protecteur et de guide du HizbAllah est déterminant
pour l'avenir de ce mouvement.
X.R./08-87
1 : Un Seyyed est un descendant du Prophète
par sa fille Fatima.
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2 : Dans le Djebel Amil, forteresse Chi'ite à quelques kilomètres
de la frontière de la Haute-Galilée israélienne.
(retour au texte)
3 : Irak, lieu saint Chi'ite, site du mausolée de l'Imam
Ali, cousin, gendre et successeur du Prophète.
(retour au texte)
4 : Grand Ayatollah : dignité suprême
de la hiérarchie religieuse Chi'ite.
(retour au texte)
5 : Directeur spirituel et autorité majeure d'une communauté
Chi'ite. Mohamed-Hussein Fadlallah serait allié à la famille
El-Hakim.
(retour au texte)
6 : Toujours de ce monde en septembre 1987. Il
a sans doute plus de 98 ans.
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7 : Docteur es-chi'isme, dont les avis théologiques font
autorité.
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8 : Lieu de rencontre communautaire et social Chi'ite. On y commémore
en particulier le martyre de l'Imam Hussein.
(retour au texte)
9 : Ancêtre direct d'Amal.
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10 : En mars 1985, Mohamed-Hussein Fadlallah a échappé
à un très grave attentat à la voiture piégée
conduit à
proximité de son domicile de Bir-El-Abed (plus de 80 morts).
(retour au texte)