TUNISIE


Nom officiel: République de Tunisie
Continent: Afrique
Superficie: 163 600 km2
Population: (1989) +/- 8 M. d'h.
Capitale: Tunis (600 000 h.)
PIB/h.: (1986) $1950
Pétrole (production) : 5 M. de t.
Pétrole (réserves connues): faibles

Régime: présidentiel
Chef de l'État: Gal. Zein el-Abidin Ben Ali
Chef du gouvernement: Hamid Karoui ???
Ligue arabe : oui (1958)
Organisation de la conférence islamique: oui
Liens avec la République islamique d'Iran: rétablis en septembre 1990

% de non-musulmans: 1 %
% de musulmans: 99 % d'Islam religion d'État)
- vent. /100: sunnites malékites pour la plupart



Octobre 1972: l'éditorial du N°1 de la revue Al-Maârifa (La Connaissance) déplore "l'exil des musulmans Dans leur propre pays, et l'exil de leur religion dans la société tunisienne". Dès le début des années 70, le malaise règne au sein de pans entiers de l'Islam tunisien. Non sans raisons: jamais dirigeant maghrébin - jamais dirigeant africain - n'a entrepris avec l'acharnement de Habib Bourguiba de soustraire la vie civile et politique de son pays à l'influence de l'Islam. Depuis l'indépendance en 1 956, en effet, l'éradication est systématique:

· Constitution de 1959 mentionnant la Tunisie comme "pays musulman", mais n'accordant aucun statut particulier à l'islam,

· Démantèlement de toute l'assise matérielle de l'Islam traditionnel par la confiscation des fondations et biens religieux assurant son autonomie financière; le culte est désormais subventionné par l'État, et les uléma deviennent des fonctionnaires.

· Unification de la justice tunisienne et abolition des cours religieuses appliquant la charia.

· Suppression de l'université islamique de la Zeitouna, équivalent maghrébin d'al-Azhar du Caire, réduite à l'état de simple faculté de théologie.

· Promulgation d'un code du statut personnel établissant l'égalité des sexes dans tous le domaines et interdisant la polygamie.

· Gestion de tout le domaine du spirituel par une Direction des affaires religieuses dépendant de la présidence puis du Premier ministre.

· A partir de 1960, Bourguiba lui-même mène une campagne médiatique contre le jeûne du Ramadan, le sacrifice du mouton lors de l'ad al-Adha et contre le pèlerinage de La Mecque.

· En 1967, enfin, et largement avant la plupart des pays européens, Bourguiba fait légaliser l'avortement.

Au total, une politique moderniste traumatisante pour toute une part de la population, qui se sent culturellement agressée, dépossédée brutalement de son identité.

C'est dans ce contexte que le gouvernement tunisien va se jeter dans le piège où finissent par tomber la plupart des gouvernements confrontés à l'Islam militant: jouer le mouvement islamiste contre la gauche. Pour contrer les progrès des idées socialistes et révolutionnaires dans la jeunesse, le pouvoir suscite en 1970 l'Association pour la sauvegarde du Coran (ASC), aux objectifs d'abord culturels et missionnaires, vers laquelle affluent de jeunes militants. Parmi ceux-ci, Abdelfattah Mourou et Rachid Ghannouchi, que nous retrouverons à la tête du Mouvement de la tendance islamique (MTI) et d'an-Nahda. Evoluant vers une autonomie de plus en plus grande, l'ASC entreprend de se structurer: en contact quotidien avec la gauche universitaire et lycéenne, elle a, de longue date, compris la nécessité de l'organisation. Elle accède enfin, à la fin des années 70 - la crise économique de 1978 en Tunisie et la Révolution islamique de février 1979 en Iran aidant - au rang de puissance politique à part entière. Première mouture du MTI, le Mouvement du renouveau islamique, peu structuré et idéologiquement assez souple, se forme en 1978. L'année suivante, immédiatement après la Révolution islamique, R. Ghannouchi se rend à Téhéran, où on lui réserve un accueil de chef d'État.

En avril 1980, lors de son congrès de Sousse, l'ASC - qui, depuis des années déjà, mène une action militante secrète - entreprend de se transformer en un Mouvement de la tendance islamique ouvertement politique. Profitant d'une ouverture démocratique, le MTI se fonde officiellement le 31 mai 1981. Sorti de sa discrétion - pour ne pas dire de sa clandestinité - antérieure, le MTI va rester sur le devant de la scène politique et y jouer contre vents et marées le jeu du légalisme, malgré le refus du pouvoir de le reconnaître.

Une entreprise difficile: à deux reprises au cours des années 80, Bourguiba, qui a les islamistes en horreur, va se déchaîner contre eux.

En juillet 1981, 93 cadres et dirigeants du MTI sont arrêtés et condamnés deux mois plus tard à des peines de deux à onze ans de prison. Le MTI est interdit. Rachid Ghannouchi et Abdelfattah Mourou sont condamnés à dix-huit ans de travaux forcés.

A partir de juillet 1986, après trois ans d'accalmie, le climat se dégrade à nouveau entre le pouvoir et un MTI dont l'activité souterraine est de plus en plus importante. En mars 1987, la Tunisie rompt ses relations diplomatiques avec l'Iran: une séquelle des attentats de septembre 1986 à Paris et des arrestations consécutives de plusieurs Tunisiens révolutionnaires islamiques. Dans la nuit du 12 mars, Rachid Ghannouchi et 37 dirigeants du MTI sont à nouveau jetés en prison. Fin septembre, à l'issue d'un procès qui s'achève en défaite politique pour le pouvoir, 7 islamistes sont condamnés à mort, dont 5 par contumace. Ghannouchi, lui, écope de la réclusion à perpétuité. Bourguiba voulait qu'il soit condamné à mort. De là une cascade d'événements politiques: nommé Premier ministre le 2 octobre 1987, le général Zein al-Abidin Ben Ali dépose Bourguiba, très "fatigué", le 7 novembre suivant. Parmi les raisons invoquées par Ben Ali la préparation d'un coup d'État par des clandestins du MTI, jouissant de complicités dans les instances de répression: un réseau islamiste comportant des militaires, des policiers et certains cadres du MTI -bien entendu désavoués par la direction du Mouvement - est démantelé à cette occasion.

Bourguiba parti, la tension s'apaise rapidement: en décembre 1987, 608 membres du MTI sont graciés; en mai 1988, Rachid Ghannouchi est libéré. Une capitulation du nouveau président devant les islamistes ? Loin de là, mais un projet que l'on peut résumer par la formule: l'Islam, oui, les islamistes, non. Pour l'appliquer, Ben Ali doit réconcilier la Tunisie avec son identité musulmane et prouver publiquement son attachement à l'Islam. Ce qu'il fait en réhabilitant la Zeitouna, en accomplissant un pèlerinage à La Mecque et en suscitant, en avril 1989, un Centre de recherche de science religieuse à Kairouan. Au-delà, le gouvernement accorde au MTI le minimum de ce que la nouvelle ambiance démocratique impose, mais ne lui passe rien et reprend systématiquement d'une main ce qu'il a dû donner de l'autre. Le tout en souplesse - répression et concessions - et hors de tout affrontement brutal, bloc contre bloc, à la mode Bourguiba.

Le Mouvement de la tendance islamique, puis Hizb an-Nahda

Créé officiellement le 31 mai 1981, le MTI est imprégné de la pensée des Frères musulmans égyptiens, notamment de celle, très radicale, de Seyyed Qotb (voir Egypte, p. 85). Comme leurs frères du Caire, les dirigeants du MTI disent rejeter la violence comme moyen de transformation de la société et entendent parvenir à l'État islamique par un processus réformiste, une évolution culturelle de la société tunisienne. En avril 1990, Ali Laaridh, l'un des principaux dirigeants islamistes, a donné quelques précisions sur l'État de ses rêves:

· La loi y est faite par les uléma.

· Le tourisme y est peu à peu supprimé.

· Les banques y pratiquent des prêts sans intérêt.

· Les femmes y sont voilées.

Et, si son mouvement est attaché, dit-il, à la démocratie, il place bien entendu "l'Islam au-dessus de tout" .

Le MTI a vécu sans trop de dommages la période où, entre l'automne de 1981 et la fin de l'année 1987, il est de facto clandestin. A partir de janvier 1982, il publie à partir de la France deux bulletins internes Al-Risala (Le Message) et Al-Masar (La Voie).

En 1982 et 1983, le MTI recrute. Dans les mosquées et les universités, quand des militants voient un fidèle séduit par les sermons politisés, ils discutent avec lui, le présentent au prédicateur. S'il souhaite adhérer, le novice est mis à l'épreuve (diffusion de matériel de propagande, graffiti, etc.).

Après son noviciat, il devient membre à part entière du MTI et jure fidélité à Dieu et au da'oua (appel missionnaire) devant l'émir du mouvement. Il donne alors 5% de ses revenus au MTI, à titre de cotisation.

Les autres ressources du mouvement proviennent de contributions de commerçants et artisans payant un "impôt religieux", de la vente de publications, et de contributions d'origine étrangères, principalement des subventions - publiques ou privées - provenant de pays pétroliers du Golfe. Selon des sources tunisiennes, le MTI comptait en 1988 10 000 militants organisés et disposait d'un budget de 220 000 dinars ( +/- 1,6 million de francs).

La structure du MTI est simple. A sa tête, un commandeur, l' émir, assisté d'un conseil consultatif, le majlis choura. Le mouvement a une structuration territoriale: les 14 régions sont placées chacune sous l'autorité d'un responsable choisi par l'émir, l'amel, assisté d'un majlis régional.

Entre décembre 1983 et janvier 1984, comme au Maroc, des émeutes consécutives à la hausse du prix de denrées de première nécessité éclatent dans toute la Tunisie. Craignant une récupération de ces manifestations par un MTI en position de martyr, le gouvernement annule, en août 1984 les augmentations de prix et fait libérer Ghannouchi et bon nombre de cadres du mouvement.

La répression a pu frapper le MTI en 1981 du fait qu'il était isolé, donc fragile: la leçon est retenue et le MTI suscite la création, en 1985, de l'Union générale tunisienne des étudiants (UGTE) vite devenue le syndicat étudiant n'y, et de l'Union générale des travailleurs de Tunisie, (UGTT), plus discrète.

Pendant environ deux ans, le MTI, certes toujours interdit, ne subira aucune persécution particulière. Mais l'arrestation en mars 1987, à Paris, de Tunisiens auparavant membres du MTI, impliqués dans la vague d'attentats de septembre 1986 (voir HizbAllah-Europe, p. 100), va déclencher en Tunisie une vague répressive de grande ampleur. Le gouvernement rompt ses relations diplomatiques avec la République islamique d'Iran, accusée d'aider financièrement le MTI; Rachidy Ghannouchi et une quarantaine de dirigeants islamistes sont jetés en prison sous le prétexte de troubles à l'université de Tunis. La direction du MTI rejette catégoriquement les accusations de subversion et d'inféodation à l'Iran. Multiplication des incidents violents, procès de l'automne de 1987 et finalement déposition de

Bourguiba: l'engrenage évoqué plus haut s'enclenche.

Février 1989: une nouvelle loi interdit aux partis politiques toute référence, dans leur dénomination, à des concepts de race, de religion, de langue ou de région. Le MTI devient donc Hizb an-Nahda, (le Parti de la renaissance). Ses principaux dirigeants restent:

· Rachid Ghannouchi, un homme réservé et austère, père de 6 enfants; il est l'émir et le principal théoricien du mouvement. Né en 1941, il a fait ses études supérieures (philosophie et sciences sociales) à Damas, où il a également adhéré aux idéaux des Frères musulmans locaux, très actifs dans les années 60. Il revient se fixer en Tunisie comme enseignant en l 969, après un an à l'université de Paris (Sorbonne). Sa réputation internationale dans les mouvements islamistes est grande et il peut être considéré comme l'un des principaux dignitaires au monde des Frères musulmans. Il est le beau-frère du dirigeant islamiste soudanais Hassan Tourabi.

· Abdelfattah Mourou. Cheikh Mourou est un avocat parfaitement francophone, très populaire dans les milieux modestes de Tunis; il est aussi l'imam de la mosquée Bey M'hamed.

Mais sa transformation de MTI en an-Nahda n'a pas rendu la vie plus facile au courant islamiste: ainsi qu'on l'a vu, le pouvoir ne lui fait aucune concession importante ou durable et exige de lui, en échange de bien peu de chose, une adhésion sans faille à des règles justement édictées pour le gêner. Simultanément, la direction d'an-Nahda doit tenir un discours musclé à l'intention de ses troupes, qui, autrement, iraient grossir les rangs de groupes activistes, voire terroristes: une voie bien étroite.

Depuis la rentrée de 1989, an-Nahda, estimant que le président Ben Ali n'a pas tenu ses promesses et que l'ouverture n'est qu'un leurre, recommence à faire monter la pression: l'agitation gagne les lycées et les universités, des bastions islamistes et déprédations, agressions, grève, y ont retrouvé le rythme et l'ampleur de l'ère Bourguiba (voir la chronologie ci-dessous, pour le détail de 1989 et 1990).

Le MTI puis an-Nahda sont bien évidemment présents dans l'émigration tunisienne, surtout en France, où la cause islamiste tunisienne a pour principal avocat un militant de longue date, le journaliste Habib Mokni. L'influence d'an-Nahda est sensible au sein du Groupement islamique de France de Moktar Jaballah et, à travers celui-ci et diverses autres associations, dans la Fédération nationale des musulmans de France.

Comme tout mouvement politique, le MTI a connu des divergences et des scissions. A ses débuts, par exemple, une "gauche islamique" regroupée autour de la revue 15/21 (XVe siècle de l'Hégire; XXIe siècle de l'ère chrétienne) a tenté de réconcilier l'islam et la démocratie, dans une optique progressiste sensible à certaines thèses du Baas irakien: la greffe n'a pas pris sur la masse du courant islamiste. Plus tard, au moment de son congrès de 1986, un groupe de militants radicaux tentés par l'activisme, les Indépendants, a quitté à son tour le MTI.

Certaines réactions internationales, des événements survenus en Tunisie même autorisent à s'interroger sur les relations ruelles d'an-Nahda et de la violence politique: le rejet des options activistes, mille fois exprimé par les dirigeants islamistes, est-il sincère ? Ou bien a-t-il repris à son compte la technique des Frères musulmans égyptiens, qui consiste à rejeter sur des "scissionnistes" ou des "incontrôlés" des attentats dont le mouvement légal ne veut pas endosser la paternité ?

Après la condamnation à mort de 2 cadres du MTI, par exemple, à l'automne de 1987, le Jihad islamique du Liban et le HizbAllah du Pakistan ont publié un communiqué - authentifié par une photographie de Terry Anderson (voir Otages, p. 257) - menaçant les dirigeants tunisiens de représailles sanglantes si les exécutions avaient lieu. Or le Jihad du Liban ne s'est mobilisé que pour des organisations strictement révolutionnaires islamiques.

Reste le cas, assez trouble, du Jihad islamique de Tunisie. Ce groupe violent, originaire de Sfax, s'organise en 1985-1986 et procède à quelques attaques à main armée contre une poste, un commissariat, etc. Ses dirigeants, Habib Dhaoui et le lieutenant Kilani, sont capturés rapidement et exécutés en août 1986.11s sont considérés comme des martyrs et des héros par le courant révolutionnaire islamique.

En août 1987, le Jihad de Tunisie a revendiqué 4 attentats à l'explosif visant des hôtels des centres touristiques de Sousse et de Monastir. Mais ces attentats coïncident de façon si parfaite avec le début d'une vague répressive anti-islamiste de grande ampleur (août-septembre 1987) que la thèse de la provocation n'est pas à exclure...

Le Parti de la libération islamique (PLI)

Fin août 1983, une trentaine de militants du PLI comparaissent devant le tribunal militaire de Tunis: 1 capitaine, 1 lieutenant, 16 sous-officiers, des fonctionnaires; en tout un réseau de +/- 35 personnes, dirigé par le professeur Mohamed Jerbi, lui-même membre du PLI depuis plusieurs années. Considérant le MTI comme trop mou, ce groupe, constitué au début de 1983, préparait un coup d'État militaire, dans la grande tradition du PLI (voir Palestine, p.170). Un gradé considéré comme le responsable militaire du groupe a été ultérieurement exécuté.

Mais le PLI continue toujours à exister en Tunisie, même si son influence y semble modeste (voir chronologie, mars 1990). Une dizaine de ses militants ont été arrêtés durant l'été de 1990.

CHRONOLOGIE

1989

Janvier: cheikh Abdelfattah Mourou, secrétaire général du Mouvement de la tendance islamique (MTI) est nommé membre du Conseil suprême islamique, organe du gouvernement qui supervise les mosquées et l'éducation islamique.

. Cheikh Rachid Ghannouchi visite le Soudan. Il y rencontre le ministre de la Culture et de l'Information et noue des contacts avec la direction d'al-Da'oua du Soudan et du Centre islamique africain de Khartoum (voir Soudan, p 187). Au Centre, Rachid Ghannouchi prononce une conférence devant des étudiants islamistes venus de 40 pays d'Afrique.

Février: le MTI change de nom et devient le Hizb an-Nahda (Parti de la renaissance). Immédiatement, ses dirigeants demandent la légalisation du nouveau parti et mettent parallèlement en place des structures nouvelles - les anciennes ayant été démantelées lors de la vague répressive de 1987 -préparent, enfin, son premier congrès. An-Nahda s'apprête en outre à participer aux élections législatives du 2 avril 1989. Deux obstacles: la reconnaissance légale pour le parti et la restitution de leurs droits civiques pour ses principaux dirigeants. Ces derniers les ont en effet perdus suite à leur condamnation de septembre 1987, prononcée par une Cour de sûreté de l'État depuis lors dissoute.

. Heurts dans quelques facultés, notamment à Sousse, et dans de nombreux établissements secondaires, où les islamistes exigent l'aménagement de salles de prière et organisent le boycottage des cours de langues étrangères.

Mars: diffusion d'un tract par le PLI, condamnant le système démocratique: toute décision appartient à

Dieu et non au peuple; le rôle d'un majlis (conseil consultatif, par extension, parlement) est de conseiller et de contrôler, non de légiférer.
. Non reconnu, an-Nahda constitue des listes "indépendantes" avec des sympathisants du parti, dans 17 des 25 circonscriptions.
. Signe des temps : l'exposition sur les Lieux saints de La Mecque et Médine, au palais des Congrès de Tunis, remporte un immense succès, et accueille plusieurs centaines de milliers de visiteurs.

Avril : succès pour les islamistes aux élections du 2 avril, bien que le mode de scrutin les prive de député. Sans pouvoir se montrer à visage découvert, présentant des inconnus, ils obtiennent ± 14% des suffrages exprimés (alors qu'ils sont absents d'un tiers des circonscriptions) : 26% à Tunis 1, 28% à Tunis 11, 27% à Gabès, 25% à Bizerte, Sousse, Tozeur, 20% à Gafsa et Monastir. Simultanément, l'opposition laïque à Ben Ali est laminée.

Mai : libération des 50 derniers prévenus islamistes détenus pour "complot" contre le président Bourguiba. En tout, depuis son accession au pouvoir, le président Ben Ali a gracié près de 10 000 personnes.

Juin : le ministère de l'Intérieur refuse son visa de légalisation à an-Nahda. Ses dirigeants protestent contre une décision "reposant sur les séquelles d'une injustice flagrante de l'ancien régime".

Le Parlement vote une amnistie qui vise 5 500 personnes condamnées pour motif politique depuis l'indépendance de 1956 : les grands bénéficiaires en sont les islamistes.

Septembre : an-Nahda proteste, dans un communiqué virulent, contre la répression rampante qui vise nombre de ses militants : imams, prédicateurs, enseignants révoqués, commerces fermés, fonctionnaires mutés, provocations dans les mosquées... Rachid Ghannouchi, qui voyage depuis mai, décide de ne pas rentrer pour le moment en Tunisie. Le président Ben Ali annonce qu'aucun parti politique ne sera reconnu sans avoir clairement défini le modèle de société qu'il préconise. Discrètement, la Libye et l'Algérie mettent la Tunisie en garde contre une légalisation d'an-Nahda.

Octobre : an-Nahda attaque vivement le ministre de l'Education nationale, Mohamed Charfi, qui interdit le hijab à l'école et "modernise" les manuels d'éducation religieuse de l'enseignement tunisien, les rendant "tolérants et démocratiques" .

. La police égyptienne expulse Rachid Ghannouchi, qui devait prononcer des conférences au Caire, en direction de la France.

- Suite aux attaques contre Mohamed Charfi, des dirigeants d'an-Nahda, dont Abdelfattah Mourou et Ali Laaridh, sont arrêtés.

- Pour le 2e anniversaire du renversement de Habib Bourguiba - le FIS a été légalisé en Algérie trois mois auparavant. (voir Algérie, p. 48 et s.) - le président Ben Ali affirme qu'il n'y a pas en Tunisie de place pour un parti religieux. Rachid Ghannouchi, qui réside à Paris depuis plusieurs semaines, se voit refuser le renouvellement de son passeport par le consulat de Tunisie. Il lui faudra revenir à Tunis pour cette formalité.

Décembre : vague de manifestations, d'origine islamiste, dans les lycées et les universités, sur le thème des conditions de vie. Des étudiants de la Zeitouna entreprennent une grève de la faim. L'Union générale tunisienne des étudiants lance un mot d'ordre de grève générale de soutien à la grève de la faim (peu suivie dans la majorité des lycées, plus dans les universités). Les étudiants manifestent dans le centre de Tunis, également en soutien à l'Intifada de Palestine, heurts avec la police anti-émeutes, nombreuses arrestations.

. Rachid Ghannouchi hausse le ton et parle, dans une interview, de "démocratie de façade".

. Affrontements entre islamistes et policiers près de la mosquée de la Manouba, à Tunis, dont l'imam, favorable à an-Nahda, vient d'être limogé.

1990

Janvier : le ministère de l'Intérieur permet à an-Nahda de publier un hebdomadaire dont le titre sera Al-Fajr (L'Aube), et le directeur Hamadi jebali (l'un des 6 membres du comité exécutif d'an-Nahda). La publication se fera en arabe, avec des suppléments en français et en anglais prévus dans un second stade.

. Inondations en Tunisie, suivies d'incidents provoques par les islamistes dans le sud du pays (émeutes devant une préfecture, etc.).

. An-Nahda condamne l'intervention de l'armée soviétique en Azerbaïdjan, le 20 janvier.

Février : les affrontements reprennent entre l'UGTE et la police dans divers établissements universitaires : facultés des lettres et des sciences à Tunis, Ecole supérieure d'enseignement technique de Tunis, ENS de Zarzouna (près de Tunis), diverses facultés à Sfax, Sousse, Kairouan, Gabès, Nabeul. Plus de 800 étudiants arrêtés, dont le secrétaire général, Abdallah al-Makki, et une dizaine de cadres de l'UGTE. Ali Laaridh est détenu vingt-quatre heures, suite à ses propos en faveur des étudiants.

Mars: plus de deux mois après en avoir obtenu l'autorisation légale, an-Nahda est toujours dans l'impossibilité pratique de faire paraître Al-Fajr.

. La police arrête 10 jeunes militants du PLI qui distribuaient des tracts dans des mosquées de Tunis.

Avril: sortie du 1° numéro d'Al-Fajr, tiré à 40 000 exemplaires, format tabloïd, 24 pages. Il est épuisé en quelques heures; son directeur souhaitait le tirer à 80 000 exemplaires.

. Violents affrontements entre islamistes et forces de l'ordre à la mosquée de la cité d'lbn Khaldoun (banlieue est de Tunis); arrestations par dizaines et 15 condamnations en juillet de militants d'an-Nahda (entre 5 mois et un an de prison ferme).

. Ali Laaridh présente dans Le Temps-Hebdo le projet de société d'an-Nahda.

Juin: le numéro d'Al-Fajr célébrant la victoire du FIS aux élections municipales d'Algérie (voir, p. 48 et s.) est saisi, et l'hebdomadaire est suspendu pour trois mois. Le raz-de-marée islamiste sur l'Algérie conforte le président Ben Ali dans sa politique de fermeté à l'égard d'an-Nahda.

Juillet: les 94 étudiants islamistes incorporés de force dans l'armée au printemps de 1990, période de l'agitation universitaire, sont rendus à la vie civile sur instruction du président Ben Ali.

Août: le 12, l'imam de la Zeitouna, la plus haute autorité religieuse du pays, publie une fatwa très violente contre la monarchie saoudienne: "Après avoir utilisé les richesses des musulmans pour son profit, celui de son entourage et de ses maîtres les croisés, le fils de Saoud invite les infidèles à verser le sang des musulmans, à molester leurs femmes et piller leurs richesses..." Bref Fahd, ayant souillé la Terre sainte en y invitant l'armée américaine, est désormais apostat.

. Le 31, depuis Khartoum, Rachid Ghannouchi appelle à son tour au jihad contre les forces d'occupation occidentales dans le Golfe et attaque violemment l'Egypte.

. A la fin du mois, an-Nahda n'est toujours pas localisé.

Septembre: le 7, un jeune islamiste qui distribuait des tracts à proximité de la mosquée Ibn-Khaldoun, dans la banlieue de Tunis, est tué par la police au cours d'un accrochage. Nombreuses arrestations. Le PLI revendique Tayeb al-Khammasi, 19 ans, comme l'un de ses militants et diffuse des tracts appelant à la vengeance.

. Le 22, All-Fajr est autorisé à reparaître.

. Le 24, Rachid Ghannouchi est reçu par le vice-Premier ministre Irakien Taha Yassin Ramadan à Bagdad. Ghannouchi déclare que "chasser les envahisseurs américains et leurs alliés et sauver la sainte Ka'aba et la tombe du noble Prophète des ordures des ennemis des Arabes et de l'Islam est le devoir de tout Arabe et de tout musulman".

. Le 25, manifestation islamiste à Tunis. Violents affrontements avec la police.

Novembre: Arrestation de 400 islamistes d'an-Nahda à Tunis, alors qu'ils se préparaient à manifester à l'occasion du 3° anniversaire de la prise du pouvoir par le général Ben Ali. Le gouvernement annonce qu'il a découvert un "complot terroriste" et implique des militants d'an-Nahda.
 

 

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