PHILIPPINES


Nom officiel: République des Philippines
Continent: Asie
Superficie: 300 000 km2
Population: (1989) +/- 65 M. d'h.
Capitale: Manille 11, 6 M. d'h.)
PIB/h. : (1986) $ 1 352

Régime: démocratie parlementaire
Chef de l'État : Corazon Aquino
Ligue arabe: non
Organisation de la conférence islamique: non
Liens avec la République islamique d'Iran: chargé d'affaires

% de non-musulmans: +/- 93 %
- ventilation: large majorité de chrétiens (catholiques): 94% bouddhistes: +/- 43 000, animistes: +/- 400 000
% de musulmans: +/- 7%
- vent. /100: sunnites shaféites



Le mouvement islamique des Philippines est celui des Moros, ainsi nommés par les marins espagnols qui conquirent l'archipel à la fin du XVIe siècle et furent stupéfaits d'y trouver des îles méridionales peuplées de musulmans. Comme les souvenirs de la Reconquista étaient encore frais, les Conquistadores donnèrent à ceux-ci le nom de Maures et ces derniers, qui refusèrent toujours de se considérer comme des Philippins, loyaux sujets du roi Philippe IV et de ses successeurs, ont conservé depuis, tel un défi, le nom de Moros. Nom sous lequel ils menèrent d'ailleurs, durant les colonisations espagnole et américaine, une incessante guérilla, entrée dans l'Histoire sous le nom de "guerres mores". La volonté de résistance de ces moujahidin était d'autant plus forte qu'ils brûlaient de la foi du converti de fraîche date: l'islam avait été apporté dans l'archipel et précisément dans les les méridionales de Tawi-Tawi, par cheikh Karim al-Makhduni, originaire du Hadramaout, une des régions de l'Arabie, en 1380.

Les Philippines sont ainsi un fief chrétien dont les îles du Sud - Mindanao, Tawi-Tawi, Sulu, Palawan -sont encerclées par des bastions islamiques malais: Indonésie, Brunei, Malaysia.

A la fin des années 70, lors des derniers recensements sérieux, les musulmans des Philippines se répartissaient en 4 groupes ethniques principaux:

· Les Maguindanao, +/- 700 000; ils vivent dans l'île de Mindanao, dans la province de Cotobato, et sont surtout agriculteurs et artisans.

· Les Maranao, +/- 500 000; ils vivent à Mindanao, autour du lac Lanao, et sont agriculteurs et artisans.

· Les Tausug, +/- 400 000; ils vivent dans l'archipel de Sulu et sont pêcheurs, marchands ou contrebandiers.

· Les Sama, +/- 200 000; ils vivent eux aussi aux Sulu, en nomades, et surtout sur les bateaux, pratiquant un Islam folklorique très mélangé d'animisme.

· Il y a enfin 400 000 musulmans d'ascendance diverses, vivant sur les Îles de Palawan, Suriwan etc.

Depuis plusieurs décennies, la situation économique de ces Iles du Sud est précaire; en premier lieu celle de Mindanao, peuplée de plus de 12 millions d'habitants. Invitées à s'installer là sous la dictature de Marcos, des multinationales, américaines pour la plupart, y pratiquent une déforestation massive, le bois servant à faire les cartonnages et le papier utilisé pour les fast-food - assiettes, borates en carton, serviettes et sacs en papier- notamment McDonald's.

La coupe du bois sans contrôle a conduit une vaste partie des collines intérieures à se désertifier, tandis que la terre arable, poussée vers la mer par les pluies tropicales, produisait des boues asphyxiant la barrière de corail, mettant à son tour en danger le littoral et les pêcheries.

Dès la fin des années 60, un courant irrédentiste fortement teinté d'islamisme demande l'indépendance des fies du Sud. Le 1er mai 1969, le Mouvement musulman pour l'indépendance se crée à Mindanao et se dote d'une milice armée: une combinaison des gardes personnelles - fortes parfois de plusieurs dizaines d'hommes - des grandes familles musulmanes de l'île.

Dès cette époque, un jeune enseignant de l'université de Manille, Nur Misuari, milite pour l'indépendance des Iles musulmanes. Originaire d'une famille pauvre des Sulu, il enseigne au Centre d'études asiatiques de l'université de Manille. Maoïste dans sa jeunesse, il comprend vite que l'Islam est le seul levier pour soulever le sud de l'archipel.

Juin 1971: des milices chrétiennes massacrent 70 musulmans dans une mosquée du Nord-Cotobato. En octobre, le colonel Kadhafi s'insurge contre le "génocide des musulmans philippins". En mars 1972, le Conseil suprême d'al-Azhar, instance religieuse supérieure de l'Islam sunnite, exprime à son tour sa grave préoccupation devant le sort des musulmans des Philippines. Les massacres se poursuivent. Une guérilla islamique s'organise. En septembre 1972, la loi martiale est décrétée dans le Sud par Marcos et le Front de libération nationale more (FLNM) apparaît au grand jour; il publie désormais un magazine, Mahardika.

En mars 1974, le Front publie son Manifeste pour l'établissement de la République Bangsamoro, signé de son président, Nur Misuari. A ses côtés, des représentants de divers groupes ethniques, linguistiques, géographiques de l'Islam philippin, dont Hachim Salamat, du Cotobato, fils d'une influente famille maguindanao, ancien étudiant au Caire, et Abdul Khair Alonto, maranao, descendant des sultans de Lanao.

Entre 1972 et 1978, la "première guerre moto", qui oppose une armée philippine entraînée aux techniques de contre-insurrection par ses conseillers américains à l'Armée Bangsamoro (ABM) du FLNM - 10 000 miliciens appuyés par +/- 30 000 civils sympathisants armés - fait plus de 60 000 morts en une série ininterrompue d'embuscades, d'assassinats, de raids et d'opérations de guérilla urbaine. En février 1974 notamment, la ville de Jolo, capitale des Sulu est rasée et brûlée par l'armée philippine: près de 20 000, morts selon les islamistes.

Mais le président Marcos cherche à se sortir du guêpier et, sous l'égide de l'Organisation de la conférence islamique (OCI), un accord est signé en décembre 1976 à Tripoli, en Libye, entre le FLNM et le gouvernement des Philippines: les musulmans du Sud vont bénéficier d'une substantielle autonomie. Le cessez-le-feu devient effectif le 29 décembre 1976.

L'autonomie entre en effet en mars 1977, mais ne satisfait pas le FLNM, où règne une totale discorde sur l'attitude à adopter.

Au second semestre de 1977, le FLNM éclate suivant un clivage tribal: Misuari et le "FLNM-maintenu", en force aux Sulu et dans l'ouest de Mindanao continuent leur "guerre populaire prolongée" pour l'indépendance; Hachim Salamat et ses Maguindanao, soutenus par de nombreux uléma, se contenteraient d'une large autonomie; attitude partagée par Dimasangkay Pundato, un Maranao de Lanao qui anime une branche "réformiste" du FLNM.

Désavoué par l'OCI, qui ne veut pas entendre parler d'indépendance pour Bangsamoro, Nur Misuari ne peut plus compter que sur sa base arrière libyenne. Mais survient la Révolution islamique d'Iran. Dès juin 1979, le chef more rend visite à l'Imam Khomeini, qui réside alors à Qom. Un bureau du FLNM est fondé à Téhéran et Nur Misuari participera alors régulièrement aux conférences pro-iraniennes (la première en janvier 1980).

Et la guérilla continue. En février 1981, les forces du FLNM tuent 120 soldats aux Sulu; les représailles massives de l'armée font plus de 500 morts dans la population civile, femmes et enfants compris.

Mais l'éparpillement des guérillas islamistes - la lassitude de la base devant le combat des chefs aidant - les campagnes de désarmement et de ralliement de l'armée connaissent un certain succès: fin 1981, l'Etat-Major philippin estime que 30 000 miliciens du FLNM se sont rendus, mais qu'ils sont encore 10 000 à poursuivre la lutte.

Au moment où sombre la dictature de Marcos, la situation militaire réelle du FLNM n'est pas claire: il dispose de 6 000 à 7 000 miliciens en armes mais 10 000 de ces combattants, qui font des allées et venues régulières entre le maquis et les centres de reddition, ont un statut douteux. Et puis, il y a les caches d'armes dans les bidonvilles et tous ces jeunes chômeurs diplômés sans espoir de gagner honorablement leur vie...

En septembre 1986, Nur Misuari et Cory Aquino signent une trêve. Mais la lune de miel est brève et, comparant Cory la chrétienne militante à Marcos le cynique, les dirigeants du FLNM se rendent vite compte que, de leur point de vue, la présidence démocratique d'Aquino est plutôt moins intéressante que la dictature Marcos...

Les négociations sont rompues en 1988, malgré un nouvel accord signé en janvier 1987 à Djedda, Arabie Saoudite, accordant pour la énième fois l'autonomie aux provinces du Sud. Maintenant la balance égale entre les grandes puissances islamiques, le FLNM participe en décembre de la même année à la Conférence des Mouvements de libération islamiques et HizbAllah à Téhéran...

En janvier 1988, alors que la trêve est théoriquement toujours en vigueur, le FLNM montre son mécontentement en attaquant une centrale hydroélectrique de la province de Lanao del Norte (Mindanao).

En septembre, signe que tout espoir d'entente est abandonné, 7 000 hommes des Forces armées philippines (FAP) occupent la ville de Jolo, le fief de Nur Misuari.

Si le FLNM joue un rôle essentiel dans le Jihad more, d'autres organisations politico-militaires, plus modestes, existent à ses côtés, comme le Front islamique de libération more de Hachim Salamat, fondé en 1977, et les Soldats de l'oumma, très pro-iraniens, apparus en novembre 1987.

CHRONOLOGIE

1989

Avril: le FLNM fait sauter l'une des principales centrales électriques de Mindanao; 4 provinces dans le noir.

Eté: les accrochages entre l'ABM et les FAP se multiplient. L'ABM engage parfois des unités de plus de 100 guérilleros par opération. Les pertes sont sérieuses dans les deux camps. La guérilla opère désormais dans plusieurs provinces de Mindanao et les autres Iles du Sud.

Juillet: accrochages dans la province du Lanao del Sur :7 militants, 4 moujahidin tués.

Septembre: le colonel Kadhafi annonce qu'il a cessé toute aide au FLNM.

. Le gouvernement de Cory Aquino reconnaît l'État de Palestine, en échange de la promesse de l'OLP qu'elle n'aidera pas le FLNM.

Octobre: malgré les déclarations du colonel Kadhafi, Nur Misuari réside toujours à Tripoli, en Libye.

Novembre: le 19, référendum sur l'autonomie dans 13 provinces de l'île de Mindanao. Sur le principe même, Cory Aquino et Nur Misuari sont en total désaccord. Pour celle-là, il s'agit d'une autonomie limitée dans 13 provinces de Mindanao; pour celui-ci, d'une autonomie complète des 23 provinces de l'archipel philippin où les musulmans sont majoritaires. Le verdict des élections est un désaveu très clair du projet Aquino. Dans les secteurs musulmans, boycottage complet: moins de 10% de votants; dans les provinces chrétiennes, c'est non à l'autonomie. Au total, 55% de votants, et 72% de non.

. Marines et blindés des FAP attaquent Indanan, place forte du FLNM, à 7 km de Jolo ('les Sulu). L'assaut est repoussé :20 morts au sein des FAP.

Décembre: Après l'échec du référendum, les accrochages se multiplient: ils font près de 200 morts jusqu'à la fin de l'année.

. Désormais: Nur Misuari réside le plus fréquemment en Arabie Saoudite; le FLNM compte près de 20 000 hommes en armes et contrôle totalement l'île-archipel de Sulu.

. Depuis les toutes premières escarmouches de 1969, vingt ans de "guerre moto" ont fait 130 000 morts et 1 million de réfugiés chrétiens et musulmans.

1990

Janvier : accrochages à Mindanao, 10 morts. Massacre de civils à Jolo (îles Sulu), 11 morts dont 4 enfants.

. L'ABM attaque en force dans la province de Cotobato (Mindanao) et occupe la ville de Pikit. Les contre-attaques des FAP sont repoussées.

Avril: les FAP massacrent 27 moujahidin de l'ABM capturés vivants.

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