Il me semble très intéressant de noter que les clandestins
n'envisagent pas le passage à la clandestinité comme le seul
moyen d'échapper aux conséquences de l'acte qu'ils ont commis
ou dont ils sont complices. Peut-être parce que c'est trop évident
?, je crois plutôt que cette idée ne leur vient pas à
l'esprit parce qu'ils sont dans une autre logique, logique qui nie la société
bourgeoise dont ils sont issus, il leur est donc totalement impossible
de se situer du point de vue du bourgeois.
La clandestinité, dans le cas que nous étudions, a donc
des raisons beaucoup plus structurelles, liées à l'action
qu'elle mène, raisons dont nous avons déjà parlé
dans le paragraphe sur le mode d'entrée avec la nécessité
d'une rupture radicale avec le monde bourgeois, le refus de collaborer
à quoi que ce soit de ce monde détesté que l'on veut
détruire. Mais il y a d'autres raisons.
Dans la théorie de ces groupes communistes militaires combattants,
il est acquis que la phase de lutte légale sous forme d'un parti
ou de syndicats, est maintenant totalement dépassée. Utile
en son temps par ses conquêtes, elle est arrivée à
un point d'équilibre où elle est contrainte de collaborer
avec le pouvoir, avec la bourgeoisie.
Selon nos communistes combattants, il faut, pour accomplir le vrai
programme communiste, celui du début, celui de la société
sans classe, il faut radicalement changer de moyens. Il n'est plus question
de négocier ou de parlementer avec une classe qui doit disparaître,
il faut lutter et abattre la bourgeoisie et l'impérialisme. Il s'agit
d'une guerre où il n'y aura aucune concession, il n'y aura rien
de survivant au système bourgeois : ni homme ni loi.
En ce cas, quoi de plus logique que l'organisation de cette lutte se
fasse hors le monde puisque ce monde est dans sa quasi totalité
bourgeois. La clandestinité est la seule base possible aux actions
qui ont pour but d'affaiblir le capitalisme /impérialisme et de
"conscientiser" les masses prolétaires et du tiers monde en leur
montrant qu'il y a un ailleurs que le système bourgeois dont ils
sont les esclaves ; il y a un ailleurs que ce système de lois, de
circulation de l'argent par le salaire et maintenant de récompenses
par de meilleurs conditions de travail et des loisirs bénifiants.
La clandestinité doit donc éveiller, dans la classe ouvrière,l'idée
d'un ailleurs qui est sa véritable patrie, dont elle a été
expulsée pour venir peupler la contrée des bourgeois et être
leurs esclaves. Cet "ailleurs" sera plus tard un "partout" lorsqu'ils auront
vaincu.
La clandestinité est donc l'archétype et le symbole de
ce paradis perdu ou de cette terre promise, c'est aussi la réalité
concrète que tout prolétaire peut rejoindre.
Tout ceci se trouve exprimé dans le communiqué de revendication
de l'assassinat de G. BESSE où l'auteur dit p 21 :
"Vivre salarié, n'est pas une simple fuite mais une participation
passive à son état d'exploité, dans l'acceptation
d'un devenir imposé par la violence impérialiste ; c'est
le rejet de l'entité prolétarienne, en individualisant sa
propre exploitation".
Le travailleur salarié est donc dans une impasse, de cette position
il n'y a plus d'action possible pour en sortir. Plus haut, dans le même
texte, p 18, nous lisons :
"Il y a dans la phase actuelle, une nécessité au sujet
de laquelle il ne peut exister de doute, la construction du front révolutionnaires
vers l'organisation communiste en Europe de l'Ouest doit être différente
de l'organisation des prolétaires pour la lutte économique
et contre l'anéantissement programmé par le mode de production
capitaliste. Alors que l'auto-organisation des prolétaires, pour
la défense de leurs conditions de survie, doit les regrouper le
plus largement possible et donc être nécessairement légale
; l'organisation des révolutionnaires doit, au contraire, réunifier,
englober la fraction du prolétariat, consciente des nécessités
et des buts du mouvement général de la lutte des classes,
et ne peut donc être, par sa fonction action politico-militaire anticipatrice,
que restreinte à la clandestinité".
Maintenant que nous venons de voir les raisons invoquées par
les clandestins eux-mêmes, sommes nous en mesure, nous qui sommes
impliqués à divers titres dans ces phénomènes,
de proposer d'autres raisons.