Nous avons déjà cité plus
haut les activités criminelles de la mafia albanaise. Les activités
de notre organisation ne font pas exception à la règle.
Le vol organisé
dans les habitations est son activité principale. Apparemment dirigée
par Zakim, cette activité criminelle concerne des malfaiteurs déjà
installés à Verviers en 2000 et impliqués dans les premières
vagues de vols.
Entre fin 2001 et avril 2002, on peut estimer à
minimum cinq cents le nombre de cambriolages commis par ce noyau criminel, ce
qui est énorme en terme de préjudices et de rentabilité.
Les malfaiteurs combinent l'effraction par bris de la serrure de la porte d'entrée,
et par forage des châssis de fenêtre avec une chignole.
Pour limiter les risques d'arrestations, les faits
sont en général commis près de voies rapides. On a également
constaté une alternance géographique d'un jour à l'autre
entre la province de Liège et la province de Hainaut.
Le butin est d'abord l'argent, puis tous biens rapidement négociables :
bijoux, appareils électriques ou électroniques, l'informatique
et bien sûr les véhicules des victimes dont les clés sont
volées dans les maisons.
Ce dernier type de butin nous amène naturellement aux activités
du noyau criminel en matière de trafic
de véhicules. Les Albanais ne semblent
pas disposer de filières propres pour écouler les véhicules
vers d'autres pays - quoiqu'il existe une filière pour expédier
des voitures volées en Albanie ou au Kosovo.
On constate ainsi que les malfaiteurs albanais utilisent
des véhicules volés à leur usage propre durant quelques
jours, ou les revendent, souvent pour une bouchée de pain, à des
trafiquants (en général maghrébins) qui les écoulent
ensuite, après maquillage, vers la France ou plus au sud. Parfois, ces
trafiquants maghrébins passent à l'avance commande des voitures
aux Albanais.
On retrouve encore cette volonté de faire vite des bénéfices
et de pouvoir en disposer, le volume des vols faisant ici le « chiffre
d'affaires ».
Parlant des bénéfices de tous ces vols, le
recel constitue une activité dérivée
du groupe de Zakim qui permet à l'organisation d'engranger des bénéfices.
Dans le cas de notre noyau criminel, il apparaît cependant que le butin
est stocké avant rapatriement au pays. Du nombre impressionnant de vols
commis, nous déduisons qu'il existe des dépôts clandestins,
sortes de cavernes d'Ali Baba, d'où le butin part par camion vers l'Albanie
ou le Kosovo. La découverte d'une de ces caches, dans un duplex loué
par une fille albanaise, a permis de découvrir plus de cinq cents objets
différents provenant des vols commis par l'organisation.
La prostitution et la TEH constituent quant
à elles l'activité principale de l'autre frère, Sami. Dans
cette activité criminelle, il travaille d'abord avec des Albanais mais
est aussi associé à des Marocains du milieu local, qui « escortent »
les filles.
Sami dispose de plusieurs filles placées en région liégeoise
et dans le Limbourg flamand. Elles sont principalement originaires des pays
de l'Est, notamment de Lituanie et de Biélorussie.
Plus récemment, suite aux actions policières menées à
Liège, nos proxénètes albanais ont commencé à
placer des filles dans les bars de la région de Namur et à Charleroi.
Cela confirme, une fois de plus, la rapide faculté d'adaptation de la
Mafia albanaise.
Les Lituaniennes sont « ramenées » par un complice albanais
dont la femme vient de ce pays tandis que les Biélorusses sont acquises
soit par recrutement sur place, ou via une filière russe passant par
l'Allemagne, où existent de véritables « marchés aux
esclaves ».
On note également que des Biélorusses utilisent de vrais passeports
lituaniens dont le commerce (masqué par de fausses déclarations
de perte ou de vol) est devenu un commerce florissant depuis que ce pays prépare
son entrée dans l'Union Européenne.
Les filles deviennent alors un véritable objet de commerce et, au gré
des humeurs ou des intérêts de Sami et ses complices, sont revendues
à un compatriote, également proxénète. Le traitement
des filles varie d'une à l'autre et d'un proxénète à
l'autre.
Ce qui est frappant c'est que les filles sont souvent séduites par leur
proxénète et que certaines sont disposées à faire
de nombreux sacrifices pour eux. Il semble également, qu'au regard des
conditions de vie passées et actuelles dans leur pays, les filles considèrent
souvent la prostitution comme un « moindre mal » qui leur procure
des revenus, certes maigres au regard de ce que conserve leur proxénète,
mais inespérés si elles étaient restées au pays.
En revanche, la violence et les humiliations sont le lot quotidien des filles
lassées d'être exploitées ou récalcitrantes.
Dans le registre de la violence, le
trafic d'armes tient également une
place non négligeable dans les activités de la Mafia albanaise.
Cette activité vient d'abord de la place que tient l'arme à feu
dans la culture des Albanais : attribut incontournable de leur statut et de
leur machisme.
D'autre part, l'effondrement de l'Albanie dans la décennie 90 et la guerre
en ex-Yougoslavie ont jeté dans la nature des milliers d'armes venant
des milices, du pillage des casernes, des bureaux de police - et même
des usines d'armement. En pleine expansion, la Mafia albanaise ne pouvait ignorer
cette source importante de revenus.
Notre noyau criminel verviétois n'échappe pas à la règle
et la vente d'armes de tout type (Kalashnikov, pistolet Makarov, Astra 6,35
mm,... souvent fabriquées sous licence en Yougoslavie), semble faire
partie du fond de commerce. Sans forcément parler de grande quantité
d'armes, on sait dans le milieu qu'on peut toujours trouver des armes chez les
Albanais.
Le trafic de drogues nous est mal connu mais
il existe ; simplement, il semble que ce business soit partagé
avec des dealers maghrébins et grecs locaux, et concerne surtout la cocaïne.
Même si cette activité criminelle n'est pas directement gérée
par Sami et ses lieutenants, ils bénéficient des avantages et
des produits.
Autre activité vitale pour une Mafia : le blanchiment
de l'argent sale.
Cette activité est encore méconnue et le noyau criminel concerné
est trop récent pour requérir une structure de blanchiment permanente.
Les opérations actuellement mises à jour semblent d'abord indiquer
qu'en partie, l'argent criminel est renvoyé en Albanie ou au Kosovo,
notamment par la société Western Union.
Pour ces versements, une technique simple est utilisée.
En dehors de l'argent simplement renvoyé au pays, certaines sommes sont
blanchies par un aller-retour Belgique-Albanie-Belgique. L'acte de blanchiment
consiste à faire verser l'argent par une personne « prête-nom »
en Albanie ou au Kosovo et à le récupérer « blanchi »
par un paiement effectué au nom du criminel par un membre de sa famille.
Interpellé, le suspect attestera que cet argent lui est envoyé
par sa famille. Inutile de dire que toute vérification de patrimoine
en Albanie ou au Kosovo relève de l'impossible.
Selon nos informations, une bonne part du butin
mobilier et certaines sommes d'argent sont acheminées, vers l'Albanie
et le Kosovo, par des courriers de l'organisation, ou engagés par elle.
Enfin, une part des revenus est « réinvestie »
soit dans le jeu soit dans des achats payés en espèces.
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