Les Boryokudan dans la sphère
économique japonaise
« Les Yakuza sont en train
d'envahir le monde des affaires comme un cancer »52
Introduction du chapitre
Au début des années
80, la pègre nippone commence à s'intéresser au monde
des affaires licites. Au cours de la décennie, la tendance est à
la spéculation sur l'archipel. Les grandes entreprises utilisent
les bénéfices qu'elles accumulent pour financer des investissements
multiples. Les banques assistent au gonflement spectaculaire des fonds
sur leurs comptes. Toujours plus avides de gains, elles décident
d'approvisionner le secteur immobilier. Les prix, dans ce domaine, grimpent
prodigieusement, atteignant des niveaux démesurés. C'est
le cas du parc du Palais Impérial de Tokyo, dont la valeur est alors
égale à l'ensemble des biens immobiliers du Canada.53
Les Yakuza, profitent de la période spéculative pour s'enrichir,
acquérir les connaissances légales nécessaires dans
le secteur immobilier et y prendre pied. Ils montent sociétés
sur sociétés et deviennent de véritables entrepreneurs.
Cette nouvelle génération de malfrats est moins excentrique
que ses aînés; elle est avant tout à la recherche de
pouvoir et d'argent. Ses membres utilisent tous les moyens possibles pour
y parvenir, y compris les formes de violence les plus extrêmes. A
la fin des année 90, la bourse s'écroule et le Japon entre
alors dans une récession profonde. En 1992, l'indice Nikkei accuse
une chute de 14 000 points54
(1/3 de ce qu'il était deux ans auparavant). Au début de
la décennie 90, les Yakuza sont partie prenante du monde de «l'économie
casino». Cette «gangrène» est mise en lumière
par la vague de scandales qui s'abat sur l'archipel à la fin des
années 90. Les spécialistes de la criminalité organisée
estiment, à l'époque, que les Yakuza impliqués dans
les activités économiques (Sokaiya) sont en grande partie
responsables de la crise.
La crise financière japonaise55
La crise du système financier
des années 80 est un exemple flagrant des relations qui unissent
la sphère économique, le système politique et le monde
de la pègre nippone. L'éclatement de la bulle boursière
et immobilière révèle un élément : le
système financier du Japon recèle un volume important de
créances le plus souvent irrécouvrables. En juillet 1995,
leur montant détenu par les banques, né de l'éclatement
de la bulle économique, est estimé à 500 milliards
de dollars par le ministère des finances. En 1997, certains experts
évaluent ce chiffre à plus de 1000 milliards de dollars.
Quel que soit le chiffre véritable, tout le monde s'accorde sur
un point : entre 30% et 40% des créances douteuses sont issues de
prêts accordés directement ou indirectement aux Boryokudan.
Les années 80 : période de
prospérité
Les années 80 sont une
période de prospérité pour l'archipel nippon. Certains
spécialistes en attribuent le résultat, à la formidable
entente unissant les milieux politiques, les milieux d'affaires et ceux
de la mafia nippone. Le Japon reçoit tellement de fonds qu'il ne
peut pas tous les utiliser de manière productive. La bulle économique
qui est issue du phénomène permet aux Yakuza de déplacer
leurs activités sur les marchés "licites".
Cette euphorie entraîne
une course effrénée aux titres boursiers. Tous les acteurs
économiques y participent : les banques, les compagnies d'assurance,
les sociétés industrielles, et les organismes de crédit
immobilier (Jusen). Les particuliers placent également leur épargne
en bourse. Ce choix s'explique par une progression plus rapide des valeurs
boursières, par rapport aux taux d'intérêts qu'offrent
les organismes financiers à l'époque : les taux sont fixés
par le ministère des finances à des niveaux particulièrement
bas, autour de 2%, et ceci dans l'objectif de limiter le coût des
prêts bancaires aux entreprises. L'euphorie boursière est
d'autant plus intense, que jusqu'au début de la décennie
80, il est particulièrement difficile pour les particuliers d'obtenir
des prêts auprès de leurs banques.56
Comportement des acteurs
économiques sur le marché de la bourse (Kabuto-cho) depuis
le début du XIXe siècle, jusqu'aux années
80
Les particuliers
Investir de l'argent en bourse,
plutôt que de le déposer à la banque, est un comportement
nouveau au Japon. Le réflexe traditionnel des particuliers a, jusqu'ici,
été de placer leur épargne à la banque, considérée
comme plus sûre. L'épargne représente pour eux la sécurité;
elle est destinée à des dépenses imprévues
(accidents, maladie...), mais aussi à des dépenses futures
ou possibles (école pour les enfants, dépenses pour les mariages,
l'achat d'un appartement ou d'une maison). En outre, la bourse est perçue
par les populations comme un centre d'activités dominé par
les milieux interlopes.
Les entreprises
Après leur entrée
en bourse en 1902, les entreprises ont préféré confier
leur argent aux banquiers, plutôt que d'émettre des titres.
Au-delà de la sécurité que les banques leur assuraient,
ce choix permettait aux grands managers de ne pas affronter les questions
qu'auraient pu poser les actionnaires. Les entreprises préféraient
également les participations croisées (les entreprises achètent
des titres ou se les échangent). Ces titres, qu'elles conservaient
sur de longues périodes, leur permettaient d'instaurer de bonnes
relations avec les autres entreprises et d'assurer la stabilité.
Changement de comportement
pendant la période d'euphorie.
Pendant la période d'euphorie
des années 80, la crainte des entreprises et des particuliers vis
à vis des placements boursiers, s'estompe. Les entreprises bénéficiaires
ne dépendent plus autant des banques, et elles s'intéressent
de plus près aux possibilités de gains qu'offre la bourse.
La spéculation n'est plus considérée comme dangereuse;
elle devient au contraire courante, et presque naturelle. Les banques exploitent
également cette période pour avancer d'importantes sommes
d'argent qu'elles savent destinées à des opérations
spéculatives.
Les particuliers
Les particuliers profitent de
la manne, et investissent leur épargne en titres boursiers, les
comptes bancaires et postaux n'étant plus aussi attractifs.
Les entreprises
Les entreprises contractent
des emprunts auprès des organismes financiers, sur garantie de croissance
des prix de leurs terrains, ou des actions d'entreprises qu'elles possèdent.
Les Yakuza, quant à eux,
utilisent cette période de course effrénée à
la spéculation pour s'emparer d'une grande partie du marché
immobilier.
Eclatement de la bulle immobilière
et boursière
En 1989, la guerre du Golfe
éclate. Les années qui suivent voient un recul de l'économie
américaine, et le début d'une politique japonaise de déflation.
La combinaison de ces éléments est à l'origine de
la crise financière japonaise. La récession débouche
sur une baisse des profits des entreprises qui se traduit, à la
bourse, par une chute des cours. Le phénomène incite les
sociétés à se débarrasser des actifs financiers
et immobiliers qu'elles détiennent dans leurs portefeuilles, accélérant
ainsi leur dépréciation. Mises en difficulté, elles
ne sont plus capables de rembourser leurs prêts aux établissements
bancaires. Au lieu d'obliger les mauvais payeurs à faire faillite,
les banques s'engagent dans un engrenage dangereux, prêtant encore
de l'argent, accumulant ainsi les mauvaises créances. En 1992, l'éclatement
de la bulle immobilière à la suite de celui de la bulle financière,
plonge le Japon en état de choc. Les nippons découvrent alors
l'implication des Yakuza dans le monde légal des affaires. L'Agence
nationale de la police révèle que ceux-ci sont responsables
d'un minimum de 30% des créances irrécouvrables que les banques
détiennent.
Diverses réactions face à
l'éclatement de la bulle spéculative
Les autorités japonaises
En 1992, les autorités
nippones promulguent la première loi antigang qui complète
celle de 1990 concernant le blanchiment d'argent. L'initiative reste, malgré
tout, très limitée (cf. supra), face à l'ampleur des
problèmes financiers. Le ministère des finances (MOF), n'intervient
véritablement qu'en 1994, après la propagation de la crise,
et la mise en faillite de nombreux organismes de crédit et de marché.
Au moment de l'effondrement des prix, les plus grandes maisons de crédit
immobilier (jusen), s'écroulent. L'Etat japonais doit alors débourser
près de 700 milliards de yens pour faire face à la tourmente.
Dans le même temps, la pègre nippone met tout en _uvre pour
bloquer le recouvrement des créances, annulant ainsi les possibilités
d'un assainissement rapide des marchés. Un exemple concret de ce
phénomène est celui de la Coopérative Credit Purchasing
Co. Créée, en 1993, par 162 institutions financières
pour récupérer l'essentiel des mauvaises créances
de leurs clients (près de 100 milliards de dollars), en 1996, cet
organisme n'en a recouvré que 4%. L'intervention plutôt molle
de l'administration japonaise, s'explique par une ancienne habitude : elle
voit en effet les bureaucrates se reclasser en conseillers d'entreprises
après leur départ en retraite. Cette volonté de se
reconvertir et de retrouver un emploi, les pousse à se montrer très
tolérants devant des pratiques parfois douteuses. La population
japonaise n'est toutefois pas dupe. Dès le début des années
90, des sondages révèlent ses griefs à l'égard
du MoF (Ministry of Finance) à deux titres: tout d'abord, l'incapacité
de ses responsables à stopper l'hécatombe financière;
ensuite, l'augmentation du volume des créances douteuses, passées
de trente milliards de dollars à plus de cent milliards de dollars
entre 1991 et 1998. Autre sujet d'inquiétude dans la population
: les révélations sur les liens entre les Yakuza, les milieux
politiques et les milieux d'affaires dans la crise.
Les entreprises
En 1991, la Fédération
des organisations économiques publie un texte demandant à
ses membres de rompre le plus rapidement possible leurs liens avec les
Yakuza. Quelques mois plus tard, la fédération met en place
un conseil de liaison chargé des relations avec la police.
Les banques
La fédération
des associations bancaires crée, au cours de la même période,
une commission ad hoc, dont la mission est d'éradiquer le phénomène
Yakuza de la sphère financière.
La pègre gangrène l'économie
nippone57
Les Jusen : organismes de crédits
immobiliers
C'est à la fin des années
80 que le marché de l'immobilier devient l'un des domaines privilégiés
d'action des Yakuza. Le secteur immobilier, première victime de
la bulle spéculative se retrouve ainsi, dix ans plus tard, avec
des montagnes de créances douteuses. Les spécialistes de
la finance criminelle en attribuent 40% aux Yakuza. La débâcle
est telle qu'un haut fonctionnaire de la police nippone parle également
de « récession Yakuza »58
pour désigner la crise économique dans laquelle est entraîné
le Japon.
Créés dans les
années 60-70, les Jusen, organismes de crédits immobiliers,
sont au c_ur de la tourmente économique qui frappe le Japon à
la fin des années 1980. Ils ont, à l'origine, été
fondés par les banques, afin de faciliter l'accès à
la propriété pour les citoyens. Par la suite, leurs prérogatives
ont été étendues bien au-delà de cette mission.
Comme de nombreuses institutions financières, pendant la période
d'euphorie boursière, les Jusen se sont lancés dans la spéculation
: en 1986, leurs sept plus grandes sociétés accumulent plus
de 8 400 milliards de yens de bénéfices. La crise financière
met un terme à cette situation. En faillite, ils entraînent
les banques dans leur chute, ces dernières leur ayant consenti d'importants
prêts pendant des années,. Devant cette débâcle,
le gouvernement japonais tente de faire face et propose, en 1997, un plan
de liquidation. Ce plan s'adresse d'abord, aux banques auxquelles il demande
d'éponger une partie du passif de ces maisons de crédits
immobiliers. Il fait ensuite appel aux contribuables, malgré leur
réticence. A l'époque, en effet, le gouvernement japonais
essuie les feux de la critique. Le public nippon remet en cause l'intégrité
de ses dirigeants, de son premier ministre, du ministère des finances
(Ichiro Ozawa ministre de 1989 à 1991). Aux yeux des contribuables,
les autorités nippones sont responsables de la crise économique.
En outre, comme le public l'a appris, les principaux bénéficiaires
des plans gouvernementaux sont des établissements de crédit,
directement ou indirectement liés aux milieux mafieux, eux-mêmes
très proches du Parti Libéral Démocrate (dont le président
est le premier ministre Ryutaro Hashimoto en personne). L'Etat nippon s'engage
alors à reprendre la moitié de la facture à sa charge,
l'autre moitié étant laissée à celle de la
communauté bancaire. Le montant des dettes s'élève
à 1000 milliards de yens pour l'Etat qui doit également éponger
d'autres pertes chiffrées à 1200 milliards de yens, sans
oublier les dettes des coopératives agricoles (4.5%)59.
Les créances douteuses se situent entre 6400 et 7600 milliards de
yens.
Le plan de liquidation proposé
par le gouvernement japonais pour résoudre la crise économique
des Jusen.
Un organisme de sauvetage
bancaire
Le plan de liquidation soulève
le problème de la solvabilité des banques. Elles sont toujours
en déficit, à la fin du mois de mars 1996, lors de la clôture
de l'exercice, ayant dû renoncer à se faire rembourser 5200
milliards de yens. Les coopératives agricoles sont également
obligées de tirer un trait sur les 530 milliards de yens de mauvaises
créances qui leur sont dues. Le gouvernement décide alors
de pallier le déficit bancaire, en créant un organisme qui
héritera de l'actif et du passif des maisons de crédit immobilier.
La création de cette entité de «sauvetage» bancaire
est accélérée par la mise en faillite de la première
coopérative de crédit du pays. Cette institution présente
en effet un passif de 960 milliards de yens. L'Etat maintient sa volonté
d'assainir le système financier. Outre la prise en charge d'une
facture d'impayés, chiffrée à 1000 milliards de yens,
ses dirigeants promettent qu'il assumera également les pertes futures
liées aux créances douteuses. La facture attribuée
aux contribuables est, elle, estimée à 1200 milliards de
yens, soit près de 500 francs par contribuable. Des spécialistes
de la finance, pensent, à l'époque, que ce montant est largement
sous estimé et qu'il se chiffre plutôt aux alentours des 2000
milliards de yens. Le public est cependant peu enclin à payer une
dette qu'il sait être liée aux milieux interlopes et le fruit
de la spéculation effrénée de la fin la décennie
80. Le gouvernement tente néanmoins de calmer les esprits, en promettant
de faire tout ce qu'il peut pour utiliser les moyens légaux - son
objectif déclaré étant d'assurer le remboursement
d'un maximum de créances douteuses et de retrouver les responsables
de la faillite des Jusen. L'outil de cette double démarche doit
être un organisme de sauvetage, fondé sur le modèle
américain de la Resolution Trust Corporation (RTC).
La Jusen Resolution Trust
L'organisme japonais (Jusen
Resolution Trust Corp) chargé du recouvrement est programmé
pour durer entre 10 et 15 ans. Le délai peut laisser songeur quant
à l'efficacité des autorités nippones, mais il s'explique,
en partie, par l'ancienneté du système financier hérité
de la seconde guerre mondiale. L'organisme de sauvetage doit fonctionner
selon les mêmes principes que la RTC. C'est à dire qu'il reprendra
les institutions en mauvaise posture, y compris les sociétés
de financement immobilier et la Tokyo Kyodo Bank (une institution créée
pour reprendre deux autres coopératives de crédit en faillite).
La JRTC sera chargée de liquider ces institutions au plus offrant,
la technique étant conçue pour permettre de minimiser la
facture à payer par les contribuables, la communauté bancaire
et les collectivités locales. La Jusen Resolution Trust Corp (JRTC)
compte parmi ses membres dix hauts fonctionnaires de police spécialisés
dans la lutte antigang. Dans le même temps, les 21 plus grosses banques
japonaises sont invitées à émettre des titres pour
maintenir le niveau de leurs fonds propres aux normes internationales.
Les autorités nippones mettent également en place des mesures
fiscales pour soutenir les banques et les aider à couvrir leurs
mauvaises créances.
Les perspectives de la JRTC
Dès le mois février
1996, le Jusen Resolution Trust Corp (JRTC) se heurte à des obstacles
de taille. Les membres participant au JRTC viennent d'univers professionnels
différents : police, magistrature, et fonctionnaires du ministère
de la finance. Ces trois corps sont peu habitués à coopérer.
La magistrature est, en outre, peu désireuse de se séparer
de brillants éléments dont la formation initiale n'inclue
pas, le recouvrement de créances (propos d'un magistrat dans l'hebdomadaire
Aera ). La coopération entre les polices locales et le JRTC s'avère
difficile - compliquée par des conflits entre les polices des différentes
préfectures du Japon. Enfin, les inspecteurs financiers n'ont, jusqu'alors,
jamais eu besoin de travailler avec la justice, et regrettent leur place
au ministère de l'économie. L'apurement du système
financier se transforme ainsi en exercice d'autant plus périlleux
que le Japon n'a aucune expérience en matière de lutte à
grande échelle contre la criminalité organisée.
L'échec de la Jusen
Resolution Trust Corp
Les obstacles précités
entraînent l'échec de la JRTC. Le 11 mars 1997, le Conseil
des ministres décide alors d'adopter la réforme financière
proposée par le gouvernement en 1996. Cette réforme, qui
comporte quatre projets de loi, doit encore être présentée
devant le Parlement. Elle a pour but de réformer le ministère
des finances et la Banque du Japon (BOJ). Cette dernière ne sera
plus sous le contrôle du MOF, mais sous celui d'une commission bancaire
indépendante, elle-même supervisée par les services
du premier ministre. La commission bénéficiera d'une tutelle
partielle des coopératives agricoles (les coopératives agricoles
étaient précédemment sous la direction du ministère
de l `agriculture).
Les réactions à
l'égard du plan de sauvetage
Le scandale des Jusen déclenche
les protestations les plus vives dans l'opinion publique japonaise. Celle-ci
se déclare éc_urée par l'absurdité des dispositions
officielles prises pour organiser le sauvetage de ces institutions. Les
mesures arrêtées remettent en cause les compétence
de l'Etat et celles du Ministère des finances, dont les citoyens
demandent la restructuration. Cette période marque le début
d'une véritable "guerre" de la population contre ses dirigeants.
La fureur du public est encore attisée par les révélations
de 1996, dévoilant l'alliance entre le ministère des finances
et le ministère de l'agriculture : un accord secret aurait en effet
été passé en 1993, concernant les Jusen; ses termes
prévoyaient, qu'en cas de problème de créances de
ces établissements, la responsabilité en incomberait à
la BOJ qui devrait alors assurer la majeure partie du financement.
Les méthodes employées
par les Yakuza dans le marché de l'immobilier : plusieurs exemples60
Au cours des années 80,
de nombreux promoteurs immobiliers sollicitent l'aide des Yakuza pour expulser
les occupants d'immeubles qu'ils souhaitent mettre en vente. Une fois l'éviction
réalisée, les Yakuza investissent les lieux et accrochent
des enseignes prouvant leur implication dans l'opération. L'objectif
est de saboter les ventes organisées par les banques. Ils n'ont
d'ailleurs pas toujours besoin de recourir à ce subterfuge, car
les banques hésitent à engager des ventes judiciaires - les
tribunaux surchargés mettant plus de deux ans pour régler
ces affaires. Lorsque néanmoins les Yakuza interviennent, peu de
clients se présentent pour faire des offres d'achat d'immeubles.
Le plus souvent, les offreurs appartiennent eux-mêmes au milieu de
la pègre. Les Yakuza rachètent alors la propriété
à très bon prix, à moins que l'un de leurs confrères
ne fasse une offre plus intéressante. De cette façon, aucune
vente aux enchères de ce type ne peut être organisée
dans les règles de l'art.
Parmi les différentes
formes d'occupations illégitimes, il existe une grande variété
de cas. Plusieurs exemples sont fournis ci-après :
Le tenancier d'un snack-bar
situé dans un immeuble hypothéqué, peut voir son magasin
fermé en cas de vente. Ce locataire, pour qui la vente est synonyme
de faillite, est prêt à tout pour éviter une telle
situation. Il fera alors appel à la pègre.
Des gangsters se portent acquéreurs
d'immeubles mis en vente aux enchères (à bon marché)
pour les revendre ensuite au triple de leur prix. On découvre alors
que l'achat a été réalisé avant que la vente
aux enchères n'ait eu lieu.
Des personnes, incapables de
rembourser leurs emprunts immobiliers, emploient très souvent les
Yakuza pour qu'ils les représentent auprès des institutions
bancaires. Ces derniers profitent de la situation pour occuper les lieux
hypothéqués qui seront mis en vente.
Les Yakuza utilisent également
les négociations avec les institutions bancaires pour offrir aux
banquiers de multiples avantages (voyages à l'étranger) en
échange de financements. Dans le cas d'un refus, les sentences des
Yakuza sont très lourdes. Les représailles peuvent aller
jusqu'au meurtre, comme le démontre l'assassinat du directeur de
la banque Sumitomo.
Les Yakuza utilisent le chantage.
Ils menacent les banquiers de dévoiler les fraudes de leur établissement
aux autorités de la banque centrale, au ministère des finances,
et aux média. On présume que la résistance des banquiers
aux pressions de la pègre sont faibles - des précédents
ayant prouvé qu'ils estimaient ne pas être suffisamment payés
pour risquer leur vie.
Tirant la conclusion de ces
pratiques, le manager d'une grande banque nippone souligne que traiter
avec la pègre signifie inévitablement être volé! 61
Les Yakuza clament leur innocence
dans l'affaire des Jusen.62
Takayama, quatrième «parrain»
du syndicat du crime Aizu Kotetsu, déclare en 1996 à la presse,
qu'il est impossible qu'une société détenue ou affiliée
à la pègre puisse faire partie d'une société
débitrice des Jusen. Takayama affirme qu'aucune compagnie appartenant
à un Yakuza ou affiliée à la pègre n'a pu contracter
d'emprunt, et qu'aucun nom n'apparaît sur les listes des compagnies
débitrices de Kyoto. Hajime Takano, le journaliste qui l'interroge,
cite cependant au chef Yakuza le nom de nombreuses sociétés
de Kyoto ayant d'importantes dettes liées à l'immobilier,
parmi lesquelles le Yasaka Group (¥27.2 milliards ), Takayama Bussan
(¥19.5 milliards), Nihon Kogyo (¥25.3 milliards), Kyoto Tsushinki
Kensetsu Kogyo (¥13.2 Milliards), Pexim (¥17.9 milliards), Kyoto
Juken (¥12.4 milliards) et le Kubota Group (¥13 milliards).
Le "parrain" Takayama reprend
alors plusieurs de ces exemples pour démontrer leur manque de pertinence.
Ses arguments sont les suivants :
- Takayama Bussan, tout d'abord,
est une société spécialisée dans le Pachinko
et de ce fait, Takayama ne voit pas pourquoi, alors qu'elle dispose d'importants
fonds propres, elle aurait été amenée à contracter
des prêts immobiliers,
- la société Nihon
Kogyo, quant à elle, appartient à un certain Oyama, un coréen
naturalisé japonais qui n'est pas un Yakuza. C'est grâce à
des contacts avec les milieux politiques et le mouvement de l'opposition
Shinshito, que Nihon Kogyo a pu obtenir des avantages de la Japan Housing
Corporation.
- la société Kyoto
Tsushinki Kensetsu Kogyo, enfin, est dirigée par Uesugi Masaya,
le frère de Uesugi Saichiro président de la Ligue de Libération
du Burako63.
Si cette société a pu emprunter autant d'argent, c'est en
raison de la proximité de son président avec les membres
de Burako, et de l'inconscience des banquiers.
Takayama admet toutefois que
des liens existent entre les Yakuza, les banques et les entreprises. Les
seconds recourent parfois aux services des premiers pour faire expulser
de force certains locataires réticents à évacuer des
immeubles destinés à la vente. Mais il précise que,
jamais, aucun Yakuza n'a occupé de logement illégalement.
Il souligne, en outre, que lorsque les Yakuza consentent des prêts,
ils s'assurent de la solvabilité de leurs emprunteurs. Et si jamais
des Yakuza troublent la vie des autres locataires, les propriétaires
des immeubles ont la possibilité de faire expulser les occupants.
La loi antigang prévoit, en effet que, dans les cas de perturbation
de la paix par des Yakuza, l'expulsion par la force est autorisée.
Pour toutes ces raisons, Takayama estime qu'il faut juger séparément
les relations Jusen-emprunteurs et les relations entreprises-Yakuza. Si
les Yakuza sont fiers d'être partie prenante de la société,
ils ne veulent cependant pas être des boucs émissaires, destinés
à faire oublier les liens de connivence étroits et opaques
entre les banques et les Jusen.
d) - Les risques, si les
banques ne parviennent pas a surmonter leurs dettes, sont lourds de conséquences.
La sphère financière
nippone, tout entière, a été touchée par l'éclatement
de la bulle spéculative (créances irrécouvrables)
et devra en supporter les conséquences pendant plusieurs années.
Le phénomène concerne, outre le Japon, les investisseurs
étrangers comme Ernst & Young, Merrill Lynch, Morgan Stanley,
Goldman Sachs et d'autres encore, qui ont prévu d'investir près
de 20 milliards de dollars dans des portefeuilles de mauvaises créances.
Les Japonais en retour, espèrent bénéficier - en supplément
des avantages financiers - du savoir-faire des américains en matière
de liquidation de créances irrécouvrables. Les autorités
américaines sont à la fois ravies de la pénétration
de ces investisseurs dans la vie économique nippone, mais également
inquiètes des risques possibles de conflits avec les syndicats du
crime locaux. C'est un événement dans l'histoire économique
japonaise, car c'est en effet la première fois que le Japon s'ouvre
aux sociétés d'investissement étrangères. Cette
ouverture présente néanmoins un risque notable, et certains
spécialistes pensent que les ennuis ont déjà commencé
pour les sociétés d'investissement étrangères.
Les Yakuza sont soupçonnés d'avoir incendié, à
Tokyo, en novembre 1998, le bureau du groupe agroalimentaire américain
Cargill, l'un des précurseurs en matière de rachat de créances
douteuses. Le quotidien britannique Financial Times cite également
le cas de plusieurs enquêteurs de Kroll Associates (cabinet spécialisé
dans le renseignement international), attaqués alors qu'il faisaient
des recherches sur des biens immobiliers pour le compte d'acheteurs potentiels
américains.
Les investisseurs étrangers
qui rachètent des titres, ont parfois la mauvaise surprise de découvrir
qu'ils sont liés aux Yakuza. Ainsi les gestionnaires de fonds de
pension de Sacramento ou de Sarasota, ont appris qu'ils étaient
en possession de titres de maisons closes d'Osaka dirigées par les
Boryokudan locaux. L'ancien dirigeant du FBI Harry Godfrey Kroll a découvert
que, sur 49 prêts d'un portefeuille, 40% avaient été
accordés à des emprunteurs liés à la pègre,
et que 25% de ces personnages avaient un lourd casier judiciaire. Les investisseurs
étrangers se sont vus également proposer un portefeuille
de la Mitsui Trust & Banking Corporation. Composé de 108 propriétés,
ce portefeuille a montré, après vérification, que
13 d'entre elles étaient détenues par Azabu, société
très connue de la justice japonaise. Son président Kitaro
Watanabe avait passé deux ans en prison pour avoir détourné
18 millions de dollars.
A la fin des années 90,
le bilan financier japonais est lourd, et la crise économique japonaise
a eu d'importantes répercussions, parfois inattendues. Les liquidations
des créances douteuses ne se sont pas déroulées comme
prévu, les créances sont irrévocables, la panique
s'est installée dans les milieux bancaires, et la majorité
des faillites ont été prises en charge par des malfrats soutenus
par des Yakuza peu ordinaires, les Jiken-ya ( spécialistes des incendies).
L'ancien directeur de l'Agence nationale de Police, M. Raisuke Mikawi estime
ainsi que 10% des créances douteuses des banques et des organismes
de crédit du Japon sont imputables aux Yakuza et que 30% supplémentaires
de ces créances ont des liens probables avec le crime organisé.
Ces chiffres situent, selon lui, le montant des dettes non recouvrables
des gangsters entre 75 et 300 milliards de dollars, soit 6,5% du PIB de
199664.
Pour certains experts de la criminalité organisée, la durée
exceptionnelle de la crise japonaise, malgré les multiples plans
de relance gouvernementaux, ne se comprend qu'en intégrant la dimension
du blanchiment et l'activité des réseaux criminels65.
e) Un autre aspect des Yakuza
dans le secteur immobilier.
Depuis l'éclatement de
la bulle, les Yakuza ne parviennent plus à faire autant de profits.
Cependant, les connaissances acquises et leur réseau relationnel,
leur ont permis de continuer à conduire des affaires dans le secteur
immobilier, mais cette fois en qualité de «spécialistes,
négociants de la dévaluation de biens immobiliers».
En raison de la récession, les prix dans le secteur se sont effondrés.
Pour autant, les promoteurs et les entreprises immobilières n'ont
pas cessé de vouloir acquérir des terrains. Le rôle
des Yakuza spécialistes de la dévaluation, a alors consisté
à faire baisser les prix jusqu'au niveau le plus bas possible. Mais
il ne s'est pas limité à cela. C'est un service complet qu'ils
ont offert et qui a pris en charge, en sus de la baisse du prix du terrain,
la remise de l'actif immobilier sur le marché - un processus assuré
par une équipe chargée de répartir les actions entre
les sociétés de financement, l'investisseur, et la société
chargée de la revente.
Pendant la période de
scandales des Jusen, plusieurs dirigeants d'entreprises (Sueno Kenichi,
président de la Sueno Kosan, Sasaki Kichinosuke, président
de la Togensha) ont été arrêtés pour avoir emprunté
de l'argent illégalement. D'autres ont dissimulé l'argent
qu'ils avaient détourné grâce à des prêts
contractés auprès des Jusen. Toutes ces affaires portaient
la marque des Yakuza.
Les Sokaiya
Les «Sokaiya», connus
pour leurs actions de racket en entreprise, sont des maîtres chanteurs
professionnels. Pour entretenir leur image de marque au Japon, ils s'efforcent
de perpétuer le mythe d'une confrérie préoccupée
d'harmonie sociale, attachée avant tout à éviter les
humiliations publiques de personnages importants. Ces gangsters ont exercé
leur activité de manière totalement légale jusqu'à
la réforme du Code du Commerce en 1982, et presque de façon
officielle jusqu'en 1992. Les Sokaiya se composent essentiellement de membres
des Boryokudan spécialisés dans le crime financier. Ils se
livrent également à l'usure et au blanchiment de l'argent
sale, par le biais de placements sur les marchés immobilier et financier.
Pour recycler l'argent issu d'activités illicites, les Sokaiya tirent
parti de leur situation d'actionnaires dans les sociétés,
ainsi que de leurs nombreuses complicités dans les cercles du pouvoir
et de la finance. Ils forment des Kaishime - associations de spéculateurs
qui opèrent sous des noms différents et achètent de
grandes quantités d'actions - le but étant de faire pression
sur des dirigeants des groupes japonais et de spéculer.
Evolution des Sokaiya dans
le temps
Selon certains spécialistes,
les Sokaiya descendraient des Rônin, ces guerriers qui, pendant l'ère
Meiji, exerçaient des fonctions de vigiles.
Les Sokaiya au début
du XIXe siècle
L'origine des Sokaiya contemporains
remonte au début du XIXe siècle. C'est une période
où les sociétés japonaises émettent leurs premiers
titres sur le marché boursier. Le plus souvent, ces entreprises
appartiennent à un particulier ou à une famille. A cette
époque, la presse commence à mentionner les Sokaiya dans
ses colonnes. Ils sont employés par les dirigeants des entreprises
comme « porteurs de gages spéciaux » et prennent part
aux assemblées générales des actionnaires. Ils sont
chargés du bon déroulement de ces assemblées annuelles,
et canalisent les éléments perturbateurs. Ils doivent également
bloquer les questions que peuvent poser des actionnaires sur des sujets
susceptibles de mettre les dirigeants d'entreprises dans une position embarrassante.
Les Sokaiya dans les années
60
Au cours des années 60,
le nombre de malfrats spécialistes du racket s'accroît fortement,
et par la même, le «parasitisme financier» dans son ensemble.
Les conseils d'administration sont victimes des activités des Sokaiya.
En dehors du service traditionnel que ceux-ci accomplissent pour les entreprises,
ils en profitent également pour faire chanter les dirigeants. Ils
réalisent en effet qu'il y a d'énormes possibilités
de gain dans ce domaine, et que le racket peut être encore plus rémunérateur
que leurs activités de base. Ils deviennent, pour reprendre l'expression
de Philippe Pons, « les chiens de garde » des conseils d'administration.
En y participant, les malfrats obtiennent des informations confidentielles
sur les entreprises. Ce sont très souvent des révélations
compromettantes, qui, si elles venaient à être divulguées,
remettraient en cause le devenir des sociétés. Les Sokaiya
utilisent alors ces informations et menacent les dirigeants d'entreprises
de les transmettre aux actionnaires s'ils refusent d'acheter leur silence.
Et lorsque les entreprises sont saines, les Sokaiya vont jusqu'à
faire fouiller les poubelles de leurs dirigeants, comme le font des «paparazzi»
dans les poubelles des stars. Les entreprises sont alors prises dans un
cercle vicieux duquel elles ne peuvent plus s'extraire : d'un côté,
elles ne peuvent se passer des services des Sokaiya qui font taire les
actionnaires trop remuants; de l'autre, elles ne peuvent porter plainte
contre la pègre, pour le chantage dont elles sont victimes.
Les Sokaiya dans les années
70
Au cours des années 70,
les Sokaiya passent systématiquement sous la coupe des grandes organisations
criminelles japonaises. Les Sokaiya sont de plus en plus violents dans
leurs actions. En 1970, le groupe chimique Chisso aurait demandé
l'intervention des Sokaiya pour empêcher les victimes de la pollution
au mercure de la baie de Minamata de protester en assemblée générale.
Ce scandale est d'autant plus marquant quand on sait que cette intervention
n'aura duré que quelques minutes, juste le temps nécessaire
pour passer à tabac les porte-parole des victimes, et cela sans
que la police intervienne 66.
Les Sokaiya dans les années
80
Dans les années 80, les
Sokaiya deviennent un élément à part entière
de la vie des affaires nippones. Le phénomène ne cesse de
se développer jusqu'à ces dernières années.
Grâce à divers appuis dans les milieux politiques et financiers,
les "Sokaiyas-Yakuza" pénètrent les plus hautes sphères
du marché boursier. Nabid Mohavedi, un spécialiste de la
finance criminelle, pense que, dès le milieu des années 80,
« la quantité de fraudes a dépassé tous les
seuils de tolérance et mené à la démission,
des présidents de maisons de titres, trop visiblement compromis
»67.
Pendant la décennie 80, certaines entreprises s'accommodent d'ailleurs
parfaitement de ce "mécanisme Sokaiya", et engagent des cadres spécialement
chargés des transactions avec la pègre financière.
En 1982, on dénombre
6800 Sokaiya qui opèrent sur l'ensemble de l'archipel et extorquent
ainsi environ 100 milliards de yens par an. La même année,
les autorités nippones décident toutefois de réagir,
et amendent un texte dans le Code du Commerce. Cette réforme place
désormais officiellement hors la loi, les Sokaiya, et la pratique
du racket en entreprise. La nouvelle législation, tout comme la
loi antigang promulguée quelques années plus tard en mars
1992, présente de graves lacunes et obtient des résultats
décevants :
En premier lieu, elle transforme
les Sokaiya-Yakuza en véritables gangsters dans leur manière
d'agir et dans les méthodes qu'ils utilisent. Désormais,
les Sokaiya ne craignent pas d'utiliser la violence pour leur chantage.
En outre, entre le début des années 80 et la fin de la décennie
1990, le nombre de scandales impliquant certains grands noms du monde de
la finance, liés à des racketteurs ne cesse de croître.
En second lieu, la réforme
renforce les Boryokudan les plus puissants au détriment des plus
faibles, qui peu à peu se sont dissous. Au début des années
90, les Sokaiya sont devenus de véritables machines à extorquer
de l'argent.
Les Sokaiya dans les années
90
Dans les années 90, les
Sokaiya sont devenus des experts en matière de finance. Estimés
à quelques 1000 unités, selon le magazine The Economist,
ils interviennent dans diverses opérations et utilisent des sociétés
écrans pour parvenir à leurs fins. Les Sokaiya aiment traiter
en direct avec les niveaux les plus élevés de la hiérarchie
des banquiers et des agents de change. Au cours de cette même période,
la collusion entre les activités traditionnelles des malfrats et
celles des milieux économiques officiels se renforce. Le phénomène
est mis en évidence par une nouvelle série de scandales qui
s'abat sur l'archipel.
En 1992, c'est une société
de grande distribution, Ito-Yokado, qui fait la une des journaux nippons.
Elle est accusée d'avoir traité diverses affaires avec des
racketteurs affiliés à l'un des plus puissants syndicats
du crime, le Sumiyoshi-gumi. En 1992, le président Ito Masatoshi
démissionne, après que deux de ses cadres aient été
accusés d'avoir versé 236 000 dollars de pots-de-vin aux
Sokaiya.
En 1993, ce sont les brasseries
Kirin, détentrices de près de 40% du marché de la
bière au Japon, qui sont exposées au scandale. Elles auraient
versé près de 200 millions de yens à des Sokaiya,
également liés au Sumiyoshi-gumi.
En 1996, c'est au tour de la
chaîne de grand magasins Takashiyama d'être accusée
d'avoir versé, en l'espace de 10 années, près de 800
millions de yens à la pègre. La chaîne aurait en outre
donné près de 80 millions de yens à Isao Nishiura,
l'un des plus grands patrons du gang Gokuraku-kai d'Osaka, afin qu'il reste
en dehors de ses affaires. Le président de Takashiyama démissionne,
à la suite de l'arrestation de quatre de ses cadres supérieurs.
En 1997, le fabricant de produits
alimentaires Ajinomoto fait l'objet des poursuites de la police pour avoir
donné près de 10 000 dollars à la pègre. Ajinomoto
plaide également coupable pour avoir participé à l'organisation
d'un cartel général destiné à fixer les prix
sur les marchés. Le président et le directeur général
démissionnent à la suite du scandale. En 1997 toujours, quatre
dirigeants de la société Mitsubishi sont arrêtés
pour avoir rétribué les Sokaiya sous forme de locations-vacances
complètement fictives.
Au début du mois de septembre
1998, un scandale éclate, impliquant cette fois la Japan Airlines
(JAL) accusée d'avoir versé 10 millions de yens par an à
la compagnie Taihei, société écran utilisée
comme dépôt de fonds par la pègre. Malgré des
preuves accablantes, les dirigeants de la JAL ne sont pas inculpés.
Ils affirment en effet avoir cessé les versements en juin 98, et
avoir mis un terme à leur relations avec les Yakuza68.
La même année Les firmes Toyota et Nissan, échappent
de justesse aux poursuites judiciaires, après que leurs dirigeants
aient affirmé avoir cessé de payer les Sokaiya.69
Dans les années 90, de
nombreux scandales liés aux Yakuza, impliquent également
les maisons de titres et les banques les plus prestigieuses du pays. Au
premier plan de ces affaires, on trouve la plus ancienne maison de titres
Yamaichi, la maison de titre Nomura Securities et la célèbre
banque Dai Ichi Kangyo. Les sanctions prises par les autorités nippones
à l'égard des Sokaiya vont peser lourd sur le devenir de
ces institutions financières, premières clientes des services
des Sokaiya. Seule Nomura parvient à se sortir de la tourmente.
La mauvaise publicité, et les sanctions prises par le gouvernement,
expliquent les pertes importantes de parts de marché de ces maisons
de titres, en faveur des maisons de titres étrangères. Ces
dernières parviennent ainsi à contrôler un tiers des
transactions sur le marché de la bourse de Tokyo. En 1997, Nomura
Securities subit un recul de 3.3%, Daiwa Securities enregistre une baisse
de 1.9% et Nikko Securities une baisse de 1.4%.70
La déréglementation financière (« Big Bang »)
augmente en outre l'attractivité de l'archipel. GE Capital rachète
ainsi, en 1998, le douzième assureur japonais. Merill Lynch annonce,
en février 1998, qu'il va créer une société
dont le capital oscillera entre 200 et 300 millions de dollars avec la
mise en place d'un réseau de courtage de valeurs mobilières.
Cette implantation est facilitée par la faillite de Yamaichi. Par
ailleurs, le Big Bang financier entraîne la libéralisation
progressive des commissions de courtage et la suppression des taxes, facilitant
ainsi la pénétration des sociétés étrangères
sur le marché boursier japonais.
La mise en faillite de Yamaichi,
la plus ancienne maison de titres du Japon71
: après un siècle d'existence, cette société
se voit radiée de la bourse de Tokyo, le 27 mars 98. Elle avait
déjà subi une suspension de ses activités en novembre
1997. Le gouvernement japonais entend ainsi montrer son désir d'assainir
le système financier, en refusant d'intervenir pour aider Yamaichi
et Nikko, également en situation critique. Yamaichi subit par là
même la plus grande faillite connue par une institution financière,
depuis la seconde guerre mondiale. Les dette de la maison de titres s'élèvent
à 3000 milliards de yens, sans compter ses deux filiales.
Les scandales exemplaires de
Nomura Securities et de la Dai Ichi Kangyo : en 1997, un nombre important
de dirigeants de ces sociétés sont arrêtés (l'un
d'entre eux s'est suicidé) pour avoir entretenu des relations privilégiées
avec Ryushi Koike, célèbre membre des Sokaiya. Ryushi Koike
avait en effet acheté 300 000 actions des quatre plus importantes
maisons de titres (Nomura, Daiwa Securities, Nikko Securities et Yamaichi
) et 20 000 de la Dai Ichi Kangyo. Le célèbre Yakuza, l'une
des plus grosses fortunes du Japon, était évidemment peu
enclin à accepter les pertes subies au moment de l'éclatement
de la bulle financière. Craignant les représailles des Sokaiya,
Nomura et la Dai Ichi Kangyo avaient préféré l'indemniser.
Les méthodes employées
par les Sokaiya
En 1997, les 45 plus grandes
sociétés du Japon acceptent de réponde à un
sondage réalisé par l'Asashi Shimbun. Celui-ci révèle
que soixante dix pour-cent de ces entreprises interrogées admettent
avoir subi des pressions, sous la forme de menaces de la part des Sokaiya.72
Dans les années 1980,
la technique privilégiée par les maîtres chanteurs
nippons pour contrôler les sociétés est très
simple. Ils achètent des titres. Parfois ils se portent acquéreurs
d'un nombre suffisant d'actions, pour proposer leurs propres candidats
à la direction générale. Une fois installés
dans les sociétés, ils menacent les dirigeants de perturber
les assemblées générales des actionnaires s'ils ne
consentent pas à leur verser de grosses sommes d'argent.
Dans les années 90 les
Sokaiya remodèlent le paysage de la finance en développant
de nouvelles méthodes de travail et de véritables "compétences
financières"73.
Ils prennent part à un certain nombre d'opérations, par le
biais de sociétés écrans.
Deux méthodes prédominent
:
La pègre intervient
sur les marchés financiers par l'intermédiaire de «
Raiders ».
Les Raiders lancent des prises
de contrôle inamicales sur les sociétés. Il choisissent
de lancer ces offensives, en général sur des marchés
restreints, afin de faire monter rapidement les prix des titres et de pouvoir
créer artificiellement de la valeur pour les actionnaires. Grâce
aux ordres (Teppo) passés dans différentes sociétés
financières, les Sokaiya maintiennent les cours à la hausse.
Ils revendent ultérieurement leurs titres en faisant d'énormes
plus-values, et en utilisant les services d'autres sociétés.
La pègre achète
en masse des participations dans les sociétés
En achetant, en masse, des actions
de grandes sociétés, les Sokaiya parviennent à s'installer
dans les conseil d'administration et à y occuper une place dominante.
Cette position leur permet ensuite de fixer leurs conditions aux rachats
de titres de propriété à des prix qui ne sont pas
ceux du marché. Parmi les scandales qui ont illustré ces
méthodes, on peut citer celui de la société Kurabo
dont la société Tensho a pris le contrôle. Le Raider
était Nihon Toshi; quant au dirigeant de Tensho ce n'était
autre qu'un malfrat, Kimoto Kazuma, affilié au gang du Yamaguchi-gumi.
La relation Sokaiya-entreprise
est très complexe car si, comme nous l'avons vu, l'entreprise utilise
les Sokaiya pour faire taire les actionnaires encombrants ou achète
le silence des Sokaiya, ces derniers aiment prendre part aux assemblées
générales d'actionnaires. Lorsque les entreprises sont saines,
les assemblées générales ne durent que quelques minutes.
Mais la situation change lorsque des difficultés financières
se présentent. Selon le système japonais, les résolutions
doivent être adoptées à l'unanimité. En cas
d'absence de collaboration des entreprises avec leurs exigences financières,
les Sokaiya posent alors des questions embarrassantes et les assemblées
générales s'éternisent. Les dirigeants d'entreprises
peuvent ainsi se retrouver dans une position très inconfortable
vis à vis de l'extérieur.
Les mode de rémunération
des Sokaiya
Les Sokaiya sont parvenus en
quelques années a se construire de véritables fortunes. Certains
d'entre eux accumulent un capital de plusieurs milliards de yens.
Les méthodes des Sokaiya
sont de plus en plus complexes et sophistiquées en matière
de racket en entreprise. Certaines techniques anciennes ne sont plus aujourd'hui
utilisées, telles le «Sokaiya Banzai», qui consistait
à faire irruption dans les assemblées générales
en poussant le cri "Banzai". L'entreprise se trouvait alors dans l'obligation
de payer pour que les troubles cessent et que les intrus quittent les lieux.
La pratique du «black
journalism», quant à elle, est toujours très utilisée
par la pègre financière.
La pratique du «black
journalism»:
Les malfrats publient des feuilles
d'informations auxquelles les entreprises s'abonnent à des prix
exorbitants. Ces bulletins sont une sorte de magazine à scandales,
spécialisés dans la vie des entreprises. Selon les autorités
japonaises, 2106 compagnies souscrivaient à ces abonnements en 1990,
et un tiers d'entre elles avouait avoir cédé à cette
forme de chantage.
Les raisons qui expliquent
la place des Sokaiya au c_ur du monde des affaires nippon.
Les liens entre les milieux
d'affaires et les Yakuza n'aident en rien la police. En 1996, la police
menait une enquête qui révélait que 25% des entreprises
sélectionnées sur un échantillon choisi, rémunéraient
et se servaient des Sokaiya comme « porteurs spéciaux d'actions».
Néanmoins, à lui
seul, le lien entre les milieux d'affaires et la pègre n'explique
pas la puissance des Sokaiya. Il existe en réalité des raisons
structurelles beaucoup plus profondes.
- L'existence des Yakuza, dans
la finance, et sur la place de Tokyo, tout particulièrement, est,
selon Raisuke Miyawaki, « enracinée dans la culture japonaise
des affaires ».
- La faiblesse des droits des
actionnaires.
- Pour les gestionnaires soucieux
du bon déroulement de leur carrière et pour certains, proches
de la retraite, il est dangereux de créer des problèmes,
au risque de compromettre, leur avenir pour les premiers, ou leur prime
de départ pour les seconds.
- Des assemblées générales
agitées, offrent une très mauvaise image des entreprises
au public, et entraînent souvent une chute de la valeur de leurs
actions. Les entreprises n'ont alors d'autre recours que de s'assurer le
concours des Sokaiya pour assurer l'ordre.
- Il existe une différence
fondamentale entre les assemblées des actionnaires occidentales
et les assemblées au Japon. En Occident il s'agit de réunions
importantes où les actionnaires consciencieux posent des questions.
Au Japon, ce sont davantage des cérémonies où les
actionnaires ont un rôle de représentation.
- Les méthodes utilisées
par les banques sont couvertes par un ministère des finances laxiste.
- La presse subit également
les pressions des Sokaiya et se veut plutôt discrète à
leur sujet jusqu'au moment il n'y plus d'autre solution que la publication
des scandales.
- Selon la journaliste de La
Tribune, Sophie Malibeaux, «plus la police intensifie la surveillance,
plus la pègre déploie d'ingéniosité pour parvenir
à ses fins». La police nipponne est particulièrement
passive et ne bénéficierait pas de la coopération
des milieux d'affaires à la hauteur de ses espérances.
- Les entreprises nippones ne
livrent que très peu d'informations sur leurs activités.
- Le phénomène
Sokaiya est socialement accepté.
- La tactique des entreprises,
visant à organiser les assemblées générales
d'actionnaires, le même jour, afin de limiter les possibilités
pour les Sokaiya d'y assister, s'est avérée peu efficace.
- Les racketteurs sont devenus
« un mécanisme consubstantiel »74
de la vie des affaires.
La vision actuelle des acteurs
économiques, politiques, et sociaux, sur l'ampleur de la puissance
des Sokaiya.
En 1999, le très célèbre
Sokaiya Ryuichi Koike est arrêté et condamné à
neuf mois de prison. Il est accusé d'avoir réussi à
extorquer plus de 12.4 milliards de yens à la DKB et aux quatre
plus grandes maisons de titres japonaises. Il est également à
l'origine de la démission de 31 hauts dirigeants d'institutions
financières. L'exploit a été rendu possible, selon
les autorités nippones, grâce à des relations très
privilégiées avec ses clients.
La prise de décisions
et la vision des autorités nippones
Au début des années
1990, les autorités japonaises décident de faire le ménage,
en raison de l'accumulation de scandales à répétition
qui les embarrasse fortement. Le gouvernement nippon, soucieux du regard
porté par les nations étrangères sur l'archipel, multiplie
les initiatives. En 1996, 11000 unités de police sont mobilisées
pour tenter de surveiller les interventions des Sokaiya lors des assemblées
générales des actionnaires. A la fin de l'année 1998,
la police nipponne fait état d'un recul notable du nombre des entreprises
ayant recours aux malfrats. Selon des sources officielles, environ 2100
des sociétés cotées en bourse ont mis un terme à
leurs liens avec les Sokaiya et 330 d'entre elles ont cessé de souscrire
des abonnements aux bulletins d'informations édités par la
pègre. En 1999, on dénombre seulement 600 racketteurs professionnels.
La vision de certains experts
Certains optimistes pensent
que le phénomène Sokaiya a perdu de l'importance. Pour Sophie
Malibeaux notamment, « l'utilisation des Sokaiya pour dissimuler
les pertes des entreprises est appelée à se marginaliser
». Elle pense également que les actionnaires se montrent moins
timides pour s'exprimer. Par ailleurs, en juin 1998, les entreprises se
sont publiquement engagées à faire preuve de plus de transparence
lors de leurs assemblées, et leurs dirigeants ont signifié
leur volonté de résister au chantage de la pègre.
D'autres observateurs, un peu plus pessimistes, pensent que la seule perspective
de voir disparaître ce milieu mafieux, est l'ouverture du marché
japonais à la concurrence étrangère. Les entreprises
nippones, alors soucieuses de se monter compétitives, veilleront
à la transparence et à la gestion saine de leur entreprise.
L'avocat Ishiba Seiji estime, lui, que le phénomène Sokaiya
se porte toujours bien. Il affirme que le seul moyen d'éradiquer
ceux qu'il appelle des « parasites », serait que les entreprises
cessent de dissimuler leurs problèmes et qu'elles fassent preuve
de plus de transparence dans leur affaires.
La vision actuelle du patronat
Le patronat affirme se repentir
des relations qu'il a entretenues avec la pègre. Quant aux Sokaiya,
ils soutiennent n'avoir eu pour seule ambition que la volonté de
rendre des services qui leur étaient demandés. Des spécialistes
constatent, par ailleurs, que la réforme du Code de Commerce de
1982 et la loi antigang de 1992 se sont révélées inefficaces.
La déferlante de scandales qui s'est abattue sur l'archipel ces
deux dernières décennies, en a été une preuve.
Conclusion du chapitre
La crise immobilière
et boursière des années 90 a montré à quel
point le monde des affaires légales était gangrené
par la mafia japonaise. En l'espace de 20 ans, les Yakuza sont parvenus
à infiltrer le coeur de l'économie nippone. Ils ont profité
de la fièvre spéculative qui s'est emparée du pays,
pour se transformer en véritables experts de la finance et acquérir
les ressources indispensables pour exercer une influence. Ces positions,
conquises tout au long de la décennie, les ont rendus incontournables.
Les tentatives du gouvernement nippon pour assainir le système financier
se sont révélées vaines. Les Yakuza sont devenus les
premiers débiteurs du Japon, accumulant selon les spécialistes
50% des dettes du secteur immobilier (Le magazine Newsweek évoque
même les chiffres de 80 à 90%). Même si l'on ne peut
vraiment parler de «récession Yakuza», il est certain
qu'ils ont joué un rôle important dans le phénomène.
Aujourd'hui, le problème, pour les autorités japonaises,
reste de parvenir à expliquer et justifier cette situation, vis
à vis du monde extérieur.
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52
François Gault, Le Japon au jour le jour, Editions Plon,
France.
53Entretien
avec Xavier Raufer, février 2000, voir annexe n°3.
54
Thomas Gounet, «La crise au Japon menace le monde capitaliste»,
Le Monde, 10 avril 1998.
55
Bernard Bernier, «La crise financière au Japon», L'Agora,
volume 6, n°1, novembre-décembre 1998.
56
Cette déficience du système financier nippon a ouvert la
brèche aux Boryokudan et plus particulièrement aux Sakarin,
spécialistes de l'usure et des «prêts requins».
Les Yakuza n'ont pas besoin, dans ce business, d'utiliser la violence.
Le fait même de perdre la face, au Japon, fait à lui seul
l'objet de suicide. Quoi de plus déshonorant que d'avoir des gros
problèmes financiers? Les personnes endettées préfèrent
s'adresser aux Yakuza plutôt qu'aux banques.
57
Le lecteur trouvera, dans l'annexe n°4, les résultats d'un questionnaire
envoyé en février 1999 à 3192 grandes entreprises
du Japon qui recense les types de pression exercées, à leur
encontre, par les Boryokudan.
58
« Le contrôle de l'immobilier aux mains de la mafia »,
Courrier International , du 16 au 22 avril 1998.
59
Nicolas Barré, Les Echos, du 26/01/96.
60
Nicolas Barré «Tokyo se résout à créer
une structure de sauvetage bancaire sur le modèle américain»
Les
Echos, 1996.
61
«The war for the bad loan recovery has started», http://www.members.tripod.com,
02.09.96.
62
Interview accordée, le 2 décembre 1996, par le Yakuza, Takayama.
63
La Ligue de Libération de Burako est une organisation dont
la vocation est de mettre un terme à la discrimination historique
dont est victime, au Japon, le village de Burako.
64
G. Fabre, "Du blanchiment aux crises", Le Monde Diplomatique, Avril
2000, p. 6-7.
65
Ibid.
66Les
Echos, n°17428, le 01/07/97.
67
« Les malheurs du système financier japonais », Dossier
transnationale.
68
Philippe Pons, «La pègre verrouillait les assemblées
d'actionnaires de la Japan Airline», Le Monde, 19 août
1998, p1
69
Sophie Malibeaux, «Scandales, Les firmes japonaises avouent leurs
liens avec la pègre», La Tribune, 19.08.98
70
«Les grands courtiers nippons soldent un exercice 1997 tourmenté»,
La Tribune, 27.04.98.
71
Philippe Pons, «Le Japon tente de faire face au séisme de
la faillite de Yamaichi», Le Monde, 25 novembre 1997, p5.
72
Brian Bremmer et Emily Thornton « Blackmail » Business Week
21/07/99.
Cf en annexe 4, le sondage de 1999.
73
Philippe Pons, Misère et crimes au Japon du XVIIe siècle
à nos jours, Editions Gallimard 1999, p440.
74
Philippe Pons « La pègre verrouillait les assemblées
d'actionnaires de la Japan Air Lines » Le Monde, 19
août 1998.